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où il se suicide après le carnage de sa dernière armée : ne sont-ce pas assez de révolutions pour imprimer à l'empire de terribles secousses? et tous ces païens purent-ils être si cruellement punis de Dieu et des hommes sans de grandes désolations, sans des humiliations fatales qui, au moment de leur chute et de leur mort, durent les jeter dans ces frénétiques douleurs que le Prophète nous a si vivement dépeintes ?

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Chapitre VII. C'est la coutume des Prophètes d'esquisser d'abord en traits généraux et d'arriver ensuite, par un retour inattendu, aux détails d'une narration régulière. L'Apocalypse suit cette méthode en son vire chapitre: ce qui précède est bien capable de fixer l'attention; ce qui va suivre est plein de beautés qui y répondent.

Les quatre anges vengeurs de la

Avant donc ces agitations sanglantes et ces affreuses guerres, quatre Anges se présentent aux yeux du Pro- Justice divine. phète : ils sont chargés de lancer sur la terre les quatre vents qui doivent y semer la tempête. Mais, selon les vues du Souverain Maître, qui a retardé le moment sinistre en faveur des élus, ils reçoivent l'ordre de retenir d'abord ces éléments destructeurs; pas un arbre même ne doit souffrir de leur souffle. C'est un cinquième Ange qui, montant du côté de l'Orient où était l'autel de l'Agneau, donne aux autres cet ordre impérieux d'une courte suspension, jusqu'à ce que les serviteurs fidèles « aient été marqués au front du signe du Dieu vivant (4). » Ce signe, comme il sera dit plus tard, est un sceau timbré des noms de Dieu et de Jésus-Christ, semblable à ce Tau prophétique indiqué par Ézéchiel (2), et tracé à la veille de la sortie d'Égypte avec

(1) Post hæc vidi quatuor angelos stantes super quatuor angulos terræ, tenentes quatuor ventos, ne flarent super terram, neque super ullam arborem... Et... alterum angelum ascendentem ab ortu solis habeutem signum Dei vivi. Et clamavit voce magna...: Nolite nocere... quoad usque signemus servos Dei nostri in frontibus eorum. » (Apoc., VII. 3.)

(2)« Et dixit Dominus: Transi per mediam... Jerusalem, et signa Tau super frontes virorum gementium... super cunctis abominationibus quæ fiunt in medio ejus.» (Ezech., IX, 4.)

La croix, signe du Dieu vivant.

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Les 144 mille élus.

le sang de la victime pascale sur les demeures des Israélites que devait épargner l'Ange exterminateur. Or ce Tau, de l'aveu de tous, n'était autre chose qu'un symbole de la croix, signe unique en qui se résument tous les moyens du salut éternel (4). Il joue un grand rôle dans les verrières de Bourges et ailleurs, où sont exposées les correspondances mystérieuses des figures de l'Ancien Testament et des réalités du Nouveau.

Ces noms divins, cette marque protectrice, que JésusChrist avait promis d'écrire au front de ses amis demeurés constants à sa suite, sont aussitôt imprimés, à la voix de l'ange, sur un grand nombre de fronts privilégiés. Douze mille de chaque tribu se trouvent marqués de la sorte, ce qui forme un nombre total de 444,000 uniquement tiré d'entre les Juifs (2). Ce nombre déterminé, pris d'après beaucoup d'autres exemples, pour un nombre indéterminé et plus grand, montre que le délai accordé par Dieu n'avait pas été inutile pour beaucoup, quoiqu'un bien plus grand nombre encore ait résisté à la grâce, car chaque tribu avait beaucoup au delà de douze mille sujets. Ces Juifs, convertis au christianisme, formaient l'Église de Jérusalem dispersée dans toute la Judée, et avaient eu déjà une succession de quinze évêques jusqu'à la reconstruction de la ville par Symboles variés Adrien. Mais bientôt vient se joindre à eux une innombrable multitude tirée de toutes les nations: c'est l'Église

des récompenses célestes;

(1) Voir S. Jérôme et Maldonat, in hunc loc. Ezech.; ils résument ces quelques mots du pape Innocent III: « O quam profundum est crucis mysterium !... Joannes vidit Angelum Dei ascendentem ab ortu solis habentem signum Dei vivi; et clamavit voce magna quibus datum est nocere terræ et mari: Nolite nocere... quoad usque signemus servos Dei nostri in frontibus eorum. Hinc est quod, quum Dominus Ægyptiorum percussisset, primogenita domos Hebræorum absque læsione transcendit; eo quod sanguinem in superliminari et in utroque poste signatum vidisset. » (Innoc. III, De Sacro altaris Mysterio, lib. II, cap. XLIII, Paris, 1845, in-18.)

(2) « Et audivi numerum signatorum centum quadraginta quatuor millia signati ex omni tribu filiorum Israel. » (Apoc., VII, 4.)

ouverte aux Gentils et le salut donné à tous les peuples par la connaissance et l'amour de Jésus-Christ. Pour être ainsi distingués du reste des hommes, il leur a fallu triompher non-seulement dans les combats du sang, que suppose la palme du martyre dont ils sont décorés, il leur a fallu encore vaincre le monde, le démon et la chair; c'est à quoi il faut attribuer les robes blanches qui les couvrent «< en présence de l'Agneau et devant le trône de Dieu (1). » On se rappelle qu'une signification analogue fut donnée à cette robe par le Sauveur lui-même quand il la fit rendre à l'enfant prodigue revenu de ses égarements, et lorsqu'il fit sortir de la salle du festin les invités qui ne s'en étaient pas revêtus (2). – Cependant nos élus chantent la gloire du Père et de son Fils, par qui ils furent sauvés. Ces cantiques de bénédiction et de louanges sont répétés à l'envi par une foule d'anges, par les vieillards et les quatre animaux sacrés qui se prosternent et adorent. Puis un des vieillards y explique à S. Jean la signification de ces merveilles qui l'éblouissent : « Ces Bienheureux, éclatants de la radieuse blancheur de leur robe, sont venus ici à travers de grandes afflictions; ce beau vêtement, ils l'ont blanchi, c'est-à-dire mérité et glorifié dans le sang de l'Agneau, auquel ils unirent l'effusion du leur dans le martyre, ou qu'ils ont honoré par la sainteté de leur vie et la pureté de leurs mœurs, par le baptême ou la pénitence, par la douceur et la patience en face des contradictions (3). C'est pourquoi ils assistent au trône de Dieu et

(1) « Vidi turbam magnam quam dinumerare nemo poterat ex omnibus gentibus et tribubus, et populis, et linguis, stantes ante thronum et in conspectu Agni amicti stolis albis, et palmæ in manibus eorum, et clamabant voce magna dicentes: Salus Deo nostro qui sedet super thronum, et Agno. » (Apoc., vII, 9.)

(2) « Cito proferte stolam primam. » (Luc., xv, 22.) — « Amice, quomodo huc intrasti non habens vestem nuptialem ?» (Matth., XXII, 12.)

(3) « Illi qui amicti sunt stolis albis.. venerunt de tribulatione magna et laverunt stolas suas, et dealbaverunt eas in sanguine Agni.» (Apoc., VII, 13.)

Beauté de ces symboles de la

le servent jour et nuit dans son temple éternel; et Lui, de ce trône où il se répand sur eux comme une tente qui les garde, il se fait leur bonheur et leur récompense. Là, n'existent plus de désirs ni de besoins, comme ceux de la faim et de la soif; plus d'alternatives fâcheuses de la chaleur et du froid, comme dans le monde qui n'est plus rien pour eux; ou bien, et d'une manière plus conforme au style figuré de notre poème, ils possèdent le souverain Bien, la Justice par essence, dont ils avaient faim et soif sur la terre par un bonheur qui est un don de la grâce (1). Placés sous la conduite de l'Agneau, qui règne sur eux par sa consubstantialité avec son Père, il sera leur pasteur et les conduira aux fontaines des eaux vives, à ce torrent des saintes voluptés promis dans le Psalmiste (2), et dont la comparaison est prise de ces bains d'eaux pures et fraîches si recherchés dans les pays chauds; enfin, plus de tristesses ni de craintes, plus de tyrans ni de bourreaux : ces saintes et immortelles victimes ont Dieu pour consolateur et pour refuge. Sa main paternelle essuiera elle-même toutes les larmes de leurs yeux (3).

Quel contraste entre ces douces images et les cataspaix éternelle. trophes qui les précèdent! comme tout y est calme et repose le cœur et comme le pieux symbolisme de telles idées semble conforme aux incompréhensibles réalités du bonheur céleste! Sans doute, dans les extases, impénétrables à notre esprit et à nos sens, de la vision béatifique, les élus ne

(1) « Beati qui esuriunt et sitiunt justitiam, quoniam ipsi saturabuntur.» (Mallh., v, 6.)

(2) « Inebriabuntur ab ubertate domus tuæ, Domine, et torrente voluptatis tuæ potabis eos. » (Ps., xxxv, 9.)

(3) « Ideo sunt ante throuum Dei, et serviunt ei die ac nocte in templo Ejus, et Qui sedet in throno habitabit super illos. Non esurient neque sitient amplius, nec cadet super illos sol, neque ullus æstus: quoniam Agnus qui in medio throni est reget illos et deducet illos ad vitæ fontes aquarum, et absterget Deus omnem lacrymam ab oculis eorum. » (Apoc., VII, 15 et seq.)

portent point de palmes; ils n'ont pas de robes devant le Dieu qui les enveloppe de son essence; ils n'ont aucun besoin. d'être abrités contre les caprices des saisons; ils n'ont certainement plus ni une dernière larme à essuyer, ni de soif qu'il leur faille étancher à des sources limpides; mais une faim et une soif spirituelles qui durent toute la vie du chrétien le font aspirer ici-bas au terme de son exil. C'est l'apaisement de ce besoin qu'exprime le Prophète, et dans sa description de ce bien-être éternel il y a une paix qui captive, une fraîcheur qui charme, une félicité qu'on envie. A défaut des couleurs qui manqueront toujours pour rendre la vie de ces âmes couronnées, on sent que la céleste poésie du Peintre divin a jeté du moins sur sa toile de dignes emblèmes de ces ravissantes vérités.

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