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nous avaient montré la Trinité divine conversant avec les hommes, le Père bénissant de sa main protectrice les œuvres qu'elle avait façonnées (1); le Fils préconisé sous les images les plus sensibles, depuis celles des Patriarches jusqu'à la pierre du désert (2); l'Esprit, enfin, planant sur les eaux primitives qu'il fécondait, remplissant ensuite l'univers échappé du chaos, et comparé, pour son influence sur les âmes, à des fleuves d'eau vive qui en jaillissent pour rafraîchir et purifier (3); sur ces traces, disons-nous, et à l'imitation de ceux qui nous les indiquèrent, le christianisme s'efforça de vivifier son enseignement par la multiplicité de ses symboles, hiéroglyphiques sanctifiés qui ne diffèrent de ceux de l'Égypte que par leur popularité largement calculée, et dont l'expression, si mystérieuse à présent pour le grand nombre, fut d'une intelligence tellement facile aux siècles de foi, qu'ils en firent leur langue hiératique (4). Le but du symbolisme chrétien fut donc continuellement de rattacher l'homme à Dieu par la reproduction artistique des dogmes et des pratiques de la religion. Nous verrons que cette pensée génératrice se fit jour dès que notre culte succéda aux cérémonies de la synagogue; nous la verrons

(1) « Aperis tu manum tuam, et imples omne animal benedictione. »> (Ps., CXLIV, 16.)

(2) « Hæc autem omnia in figura contingebant illis. » (1 Cor., x, 11.) -« Petra autem erat Christus. » (Ibid., x, 4.)

(3) « Spiritus Dei ferebatur super aquas.» (Gen., 1, 2.)- « Spiritus Domini replevit orbem terrarum. » (Sap., 1, 7.)— « Effundam Spiritum meum super omnem carnem, et prophetabunt filii vestri. » (Joel, II, 28.)- « Qui credit in Me, sicut dicit Scriptura, flumina de ventre ejus fluent aquæ vivæ. » (Joan., vII, 38.)

(4) Ce rapprochement entre un certain nombre de symboles chrétiens et les hiéroglyphes de l'Égypte n'a pas échappé aux archéologues expérimentés. M. Godard, d'Angers, l'a signalé en 1841 avec beaucoup de justesse, quoique avec le simple caractère d'une conjecture, au congrès archéologique de cette ville. (Voir Bulletin monumental, t. V, p. 513.) — Nous verrons bien d'autres emprunts de ce genre faits aux principes mêmes des hérésies, en dépit des dénégations un peu trop hâtives de quelques-uns de nos princes de la science, et en particulier de feu M. Charles Le Normand.

Sa cause originelle dans le be

dans l'Évangile même, où le Sauveur daigna s'en servir en ses immortelles paraboles, que S. Jérôme signale comme un des plus utiles ressorts de sa divine prédication (1). C'est aussi de quoi ne douta jamais le moyen âge. Un poète, que nous avons quelque raison d'attribuer au douzième siècle, et dont nous parlerons comme étant l'un des plus curieux symbolistes de ce temps-là, n'a pas eu d'autre intention en écrivant, dit son éditeur, que de nous apprendre à aimer les vertus, à détester les vices, à nous appliquer aux bonnes mœurs (2). Ce serait déjà la plus complète apologie et de la doctrine révélée et de ce moyen de démonstration qu'elle ne cesse d'employer. Ce moyen est sa poésie propre, qui vit de figures et qui se joue agréablement au milieu des fictions et des images pour arriver à l'esprit et au cœur; c'est sa haute et surnaturelle mythologie (qu'on nous passe ce mot) mêlant une douce voix aux accents de la vérité (3), comme une mère attentive couvre d'un miel séducteur le bord du vase quelque peu amer où son enfant malade doit boire la santé et la vie (4).

En sorte que, pour faire goûter les sévères exigences de soin d'enseigner. ses principes moraux, la religion du monde restauré en

(1) « Ut quod per simplex præceptum ab auditoribus teneri non potest, per similitudinem exemplaque teneatur. » (S. Hieronym., In Matthæum, lib. III, cap. XVIII.)

(2) « Est utilitas libri ut perlecto... discamus virtutes amare, vitia frangere et bonis moribus iuhærere...-Intentio autoris est christianos in hoc libro a viti's retrahere ad virtutes. » (Physiologus Theobaldi Episcopi de naturis duodecim animalium, in præfat.;—édition gothique sans date, mais que nous croyons du quinzième siècle.)

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Jésus-Christ s'aida des séductions de la vue; elle donna aux formes plastiques les charmes attrayants de la vertu et les repoussantes laideurs du vice; pour exposer ses mystères à l'esprit scrutateur de l'homme qu'elle voulait persuader, elle confia son prosélytisme aux arts du dessin; elle s'adjugea jusqu'aux mensonges de la fable antique; elle les dissémina, mais avec prudence, depuis les catacombes jusqu'aux églises construites aux époques les plus florissantes de la foi catholique, afin de mieux faire sentir l'attractive douceur du Fils de Dieu, qui devint un Orphée, et la force toute-puissante de la vertu chrétienne, qui fut personnifiée dans Hercule, comme elle l'avait été dans le fils de Manué. Et dans cette attribution qu'elle osa se faire des dépouilles de ses ennemis, dans cette juste et noble usurpation du royaume des âmes, conquis à force de sanglantes victoires, qui pourrait lui reprocher une hardiesse habile et lui contester un droit légitime? Quel vainqueur a dédaigné la bonne épée de son adversaire tué sur le champ de bataille? quel ennemi triomphant s'est jamais cru interdit l'usage et la disposition des splendides palais d'un roi vaincu? L'Église n'hésita point à suivre une marche si naturelle. Des temples consacrés aux dieux de marbre et de bronze, elle fit les temples du Dieu vivant; du Panthéon d'Agrippa, Notre-Damede-la-Rotonde; la basilique des Saints-Apôtres s'éleva sur la prison Mamertine, comme elle donna à ses papes, rois de la Rome nouvelle, ce palais de Latran qu'habitait un sénateur romain. Ce symbolisme-là, pour avoir été moins médité, ne perdait rien de son éloquence; car, au fond, il indiquait une tendance à laquelle devrait céder plus d'une fois l'esprit radicalement modifié du paganisme; et comme celuici n'avait trouvé que dans les symboles mythologiques la beauté spiritualiste de ses œuvres d'art, de même la beauté chrétienne, dominant toutes les autres de la sublime hauteur de son origine, usa de la forme en faveur des conceptions de l'esprit, l'étendit, la divisa, l'appliqua à tous les

objets de son enseignement, et ne laissa rien dans son iconographie ou son architecture qui pût être considéré comme une matière inerte, comme une ornementation sans valeur. En travaillant ainsi pour l'instruction ou l'édification des fidèles, le prêtre, architecte, peintre, ou dirigeant ceux qui tenaient le ciseau ou la palette, pouvait écrire au-dessous de ces œuvres, comme le pape Sixte III, au cinquième siècle : Sixtus, episcopus plebi Dei, ou, comme un curé de Saint-Nizier de Troyes, au quinzième : Sancto plebi Dei. Ces deux époques touchent également aux deux extrémités de la chaîne des temps chrétiens, et l'on voit par elle de quelle façon, en cela comme dans ses dogmes et sa morale, elle a conservé les mêmes principes de zèle et les mêmes éléments de conviction (4). Pourquoi le christianisme, doué de telles inspirations et d'une si fertile persistance, eût-il manqué à l'intelligence des peuples? C'est réellement lui qui donna au monde extérieur une signification religieuse; par lui, ce monde a changé sa substance de lourd et de grossier qu'il était devenu en perdant l'empreinte de la main divine, nous le voyons s'élancer à une ère nouvelle et plus parfaite, la seule qui convienne, en effet, à des âmes immortelles, pour lesquelles seules il fut créé. On voit combien nous sommes loin des théories hasardées étudiés et mieux il y a trente ans sur les causes efficientes ou finales du symbolisme. On s'imaginait alors qu'il nous était venu des régions longtemps mystérieuses de la Germanie. Expliquant sa nature, d'abord si austère et si brute, par les sombres inspirations d'un climat nuageux, on n'y voulait lire que les traditions et les fables de la Scandinavie, de la Saxonie et de la Norwége; on tâtonnait encore, en s'égarant de plus en plus dans ce labyrinthe obscur, où bientôt les sentiers allaient se redresser et le jour se faire (2). Mais ce qui préoccu

Ses principes fondamentaux plus

connus.

(1) M. Didron, Iconographie chrélienne, introduction, p. 2.

(2) Des exceptions se seraient trouvées à ce principe général que les sculptures de nos édifices chrétiens sont toutes empruntées à des idées

pait le moins était ce qu'on doit regarder à présent comme plus inconstestable. Au lieu de rechercher l'idée mère de cette création, prétendue allemande, dans les histoires nationales des peuples septentrionaux, toujours altérée par les détails d'une portée historique assez équivoque, il aurait fallu soulever le voile des transmissions religieuses, fouiller les livres indigènes, et surtout reconnaître dans cette iconographie, si bizarre en apparence, des symboles des dogmes fondamentaux de toutes les religions, le bien et le mal, la vie humaine et la vie d'outre-tombe, les châtiments éternels du crime et les impérissables récompenses de la vertu. C'était encore le christianisme couvant chez ces hordes à demi sauvages les grands principes conservateurs de toute société, et, quoique inconnu encore, perpétuant, pour les révéler à l'avenir, les vérités inscrites au Décalogue de Moïse, avec les promesses et les menaces qui en furent l'indispensable ratification.

Instruire, prêcher, commenter l'Évangile, en laisser la trace plus profonde dans les âmes, le faire arriver au cœur et à la mémoire par les yeux, ce fut donc le but de notre symbolisme, à nous chrétiens, mais avec ce caractère de plus, que n'eut jamais assez le symbolisme antique, d'une tendance non interrompue à séparer l'homme de la terre, à spiritualiser la partie matérielle de son être et à l'élever par de continuels désirs vers le ciel, où sont toutes ses espérances. Telle fut la cause de sa naissance, de sa vie, de ses progrès; c'est l'explication de toute notre iconographie

du christianisme. Le P. Arthur Martin a expliqué avec beaucoup de sagacité et de vraisemblance des piliers de la cathédrale de Frizingue tirés de la mythologie septentrionale, dans le troisième volume de ses Mélanges d'archéologie et d'histoire. Il a vu aussi une tradition scandinave sur un chapiteau de l'église romane de Cunaud. (Voir Bulletin monumental, t. XIX, p. 552, et t. XX, p. 331.) Mais, outre que ces exemples seraient peut-être sujets à contestation, ils ne seraient que fort rares et ne concluraient pas contre l'expérience maintenant reçue partout. Nous reviendrons sur ce dernier fait.

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