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Ce discours, écrit en français par Descartes, parut, pour première fois, avec la Dioptrique, les Météores et la Ge métrie, à Leyde, 1637, in-4o. Il a été réimprimé à Par in-12, 1724, avec la Dioptrique, les Météores, la Méca que, et la Musique, et sans la Géométrie. Une traducti latine en fut publiée à Amsterdam en 1644, in-4o, et ibid in-4o, 1656.

DE LA MÉTHODE

POUR BIEN CONDUIRE SA RAISON,

ET CHERCHER LA VÉRITÉ DANS LES SCIENCES.

Si ce discours semble trop long pour être lu en une fois, on le pourra distinguer en six parties. Et, en la première, on trouvera diverses considérations touchant les sciences. En la seconde, les principales règles de la méthode que l'auteur a cherchée. En la troisième, quelques unes de celles de la morale qu'il a tirée de cette méthode. En la quatrième, les raisons par lesquelles il prouve l'existence de Dieu et de l'âme humaine, qui sont les fondements de sa métaphysique. En la cinquième, l'ordre des questions de physique qu'il a cherchées, et particulièrement l'explication du mouvement du cœur et de quelques autres difficultés qui appartiennent à la médecine; puis aussi la différence qui est entre notre âme et celle des bêtes. Et en la dernière, quelles choses il croit être requises pour aller plus avant en la recherche de la nature qu'il n'a été, et quelles raisons l'ont fait écrire.

PREMIÈRE PARTIE.

Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée; car chacun pense en être si bien

pourvu,

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tenter en toute autre chose n'ont point coutur d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est p vraisemblable que tous se trompent: mais plut cela témoigne que la puissance de bien juger distinguer le vrai d'avec le faux, qui est propr ment ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, e naturellement égale en tous les hommes; et ain que la diversité de nos opinions ne vient pas ce que les uns sont plus raisonnables que les a tres, mais seulement de ce que nous conduison nos pensées par diverses voies, et ne considéro pas les mêmes choses. Car ce n'est pas assez d'a voir l'esprit bon, mais le principal est de l'appl quer bien. Les plus grandes âmes sont capable des plus grands vices aussi bien que des plus gra des vertus ; et ceux qui ne marchent que fort le tement peuvent avancer beaucoup davantage, s'i suivent toujours le droit chemin, que ne font ceu qui courent et qui s'en éloignent.

Pour moi, je n'ai jamais présumé que mon espri fût en rien plus parfait que ceux du commun même j'ai souvent souhaité d'avoir la pensée auss prompte, ou l'imagination aussi nette et distincte ou la mémoire aussi ample ou aussi présente, qu quelques autres. Et je ne sache point de qualité que celles-ci qui servent à la perfection de l'esprit car pour la raison, ou le sens, d'autant qu'elle es

la seule chose qui nous rend hommes et nous distingue des bêtes, je veux croire qu'elle est tout entière en un chacun; et suivre en ceci l'opinion commune des philosophes, qui disent qu'il n'y a du plus et du moins qu'entre les accidents, et non point entre les formes ou natures des individus d'une même espèce.

Mais je ne craindrai pas de dire que je pense avoir eu beaucoup d'heur de m'être rencontré dès ma jeunesse en certains chemins qui m'ont conduit à des considérations et des maximes dont j'ai formé une méthode, par laquelle il me semble que j'ai moyen d'augmenter par degrés ma connoissance, et de l'élever peu à peu au plus haut point auquel la médiocrité de mon esprit et la courte durée de ma vie lui pourront permettre d'atteindre. Car j'en ai déjà recueilli de tels fruits, qu'encore qu'au jugement que je fais de moi-même je tâche toujours de pencher vers le côté de la défiance plutôt que vers celui de la présomption, et que, regardant d'un œil de philosophe les diverses actions et entreprises de tous les hommes, il n'y en ait quasi aucune qui ne me semble vaine et inutile, je ne laisse pas de recevoir une extrême satisfaction du progrès que je pense avoir déjà fait en la recherche de la vérité, et de concevoir de telles espérances pour l'avenir, que si, entre les occupations des hommes, purement hommes, il

importante, j'ose croire que c'est celle que j choisie.

Toutefois il se peut faire que je me trompe, ce n'est peut-être qu'un peu de cuivre et de ver que je prends pour de l'or et des diamants. Je sa combien nous sommes sujets à nous méprendr en ce qui nous touche, et combien aussi les juge ments de nos amis nous doivent être suspects lorsqu'ils sont en notre faveur. Mais je serai bie aise de faire voir en ce discours quels sont les che mins que j'ai suivis, et d'y représenter ma vi comme en un tableau, afin que chacun en puiss juger, et qu'apprenant du bruit commun les opi nions qu'on en aura, ce soit un nouveau moyer de m'instruire, que j'ajouterai à ceux dont j'a coutume de me servir.

Ainsi mon dessein n'est pas d'enseigner ici la méthode que chacun doit suivre pour bien conduire sa raison, mais seulement de faire voir en quelle sorte j'ai tâché de conduire la mienne. Ceux qui se mêlent de donner des préceptes se doivent estimer plus habiles que ceux auxquels ils les donnent; et s'ils manquent en la moindre chose, ils en sont blamables. Mais, ne proposant cet écrit que comme une histoire, ou, si vous l'aimez mieux, que comme une fable, en laquelle, parmi quelques exemples qu'on peut imiter, on en trouvera

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