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naissent divers et les animaulx, les hommes | blicque et privee, portoit simplement, Les choses bonnes et belles leur estre octroyees; remettant à la discretion de la puissance supreme le triage et chois d'icelles :

naissent aussi plus et moins belliqueux, iustes, temperants et dociles; icy subiects au vin, ailleurs au larrecin ou à la paillardise; icy enclins à la superstition, ailleurs à la mescreance; icy à la liberté, icy à la servitude; capables d'une science, ou d'un art; grossiers ou ingenieux, obeïssants ou rebelles, bons ou mauvais, selon que porte l'inclination du lieu où ils sont assis; et prennent nouvelle complexion si on les change de place, comme les arbres; qui feut la raison pour laquelle Cyrus ne voulut accorder aux Perses d'abbandonner leur païs, aspre et bossu, pour se transporter en un aultre doulx et plain, disant' que les terres grasses et molles font les hommes mols, et les fertiles, les esprits infertiles: si nous veoyons tantost fleurir un art, une creance, tantost une aultre, par quelque influence celeste; tel siecle produire telles natures, et incliner l'humain genre à tel ou tel ply; les esprits des hommes tantost gaillards, tantost maigres, comme nos champs : que deviennent toutes ces belles prerogatives dequoy nous nous allons flattant? Puis qu'un homme sage se peult mescompter, et cent hommes, et plusieurs nations; voire et l'humaine nature selon nous se mescompte plusieurs siecles en cecy ou en cela: quelle seureté avons nous que par fois elle cesse de se mescompter, et qu'en ce siecle elle ne soit en mescompte?

Il me semble, entre aultres tesmoignages de nostre imbecillité, que celuy cy ne merite pas d'estre oublié, Que, par desir mesme, l'homme ne scache trouver ce qu'il luy fault; Que, non par iouïssance, mais par imagination et par souhait, nous ne puissions estre d'accord de ce dequoy nous avons besoing pour nous contenter. Laissons à nostre pensee tailler et coudre à son plaisir; elle ne pourra pas seulement desirer ce qui luy est propre, et se satisfaire :

Quid enim ratione timemus,

Aut cupimus? quid tam dextro pede concipis, ut te Conatus non poeniteat, votique peracti2? C'est pourquoy Socrates ne requeroit les dieux, sinon de luy donner ce qu'ils sçavoient luy estre salutaire et la priere des Lacedemoniens 3 pu

donne aux Athéniens tant de finesse : à Thèbes, l'air est épais; aussi les Thébains ont-ils plus de vigueur que d'esprit. CIC. de Fato, c. 4.

I HÉRODOTE, IX, 121. J. V. L.

Est-ce la raison qui règle nos craintes et nos désirs? Qui ja mais conçut un projet sous des auspices assez favorables pour ne s'être pas repenti de l'entreprise, et même du succès? Juv. Sat. X, 4.

3 PLATON, second Alcibiade, pag. 42. C.

Coniugium petimus, partumque uxoris; at illis
Notum, qui pueri, qualisque futura sit uxor1 :

et le chrestien supplie Dieu « Que sa volonté soit faicte, » pour ne tumber en l'inconvenient que les poëtes feignent du roy Midas. Il requit les dieux que tout ce qu'il toucheroit se convertist en or: sa priere feut exaucee; son vin feut or, son pain or, et la plume de sa couche, et d'or sa chemise et son vestement; de façon qu'il se trouva accablé soubs la iouïssance de son desir, et estrené d'une insupportable commodité : il luy fallut desprier ses prieres:

Attonitus novitate mali, divesque, miserque,

Effugere optat opes, et quæ modo voverat, odit. Disons de moy mesme ; Ie demandois à la fortune, autant qu'aultre chose, l'ordre Sainct Michel, estant ieune; car c'estoit lors l'extreme marque d'honneur de la noblesse françoise, et tres rare. Elle me l'a plaisamment accordé : au lieu de me monter et haulser de ma place pour y aveindre, elle m'a bien plus gracieusement traicté; elle l'a ravallé et rabbaissé iusques à mes espaules et au dessoubs. Cleobis et Biton3, Trophonius et Agamedes, ayants requis, ceulx là leur deesse, ceulx cy leur dieu, d'une recompense digne de leur pieté, eurent la mort pour present: tant les opinions celestes sur ce qu'il nous fault sont diverses aux nostres! Dieu pourroit nous octroyer les richesses, les honneurs, la vie, et la santé mesme, quelquesfois à nostre dommage; car tout ce qui nous est plaisant ne nous est pas tousiours salutaire. Si, au lieu de la guarison, il nous envoye la mort ou l'empirement de nos maulx, virga tua, el baculus tuus, ipsa me consolata sunt; il le faict par les raisons de sa providence, qui regarde bien plus certainement ce qui nous est deu, que nous ne pouvons faire; et le debvons prendre en bonne part, comme d'une main tres sage et tresamie;

Si consilium vis:
Permittes ipsis expendere numinibus, quid

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Conveniat nobis, rebusque sit utile nostris.....
Carior est illis homo quam sibi1:

car de les requerir des honneurs, des charges, c'est les requerir qu'ils vous iectent à une battaille, ou au ieu des dez, ou de telle aultre chose de laquelle l'yssue vous est incogneue et le fruict doubteux.

Il n'est point de combat si violent entre les philosophes, et si aspre, que celuy qui se dresse sur la question du souverain bien de l'homme : duquel, par le calcul de Varro2, nasquirent deux cents quatre vingts huict sectes. Qui autem de summo bono dissentit, de tota philosophiæ ratione disputat 3.

Tres mihi convivæ prope dissentire videntur,
Poscentes vario multum diversa palato :

Quid dem? quid non dem? Renuis tu, quod iubet alter;
Quod petis, id sane est invisum acidumque duobus 4:

nature debvroit ainsi respondre à leurs contesta

tions et à leurs debats. Les uns disent nostre bien estre, loger en la vertu ; d'aultres, en la volupté; d'aultres, au consentir à nature; qui en la lupté; d'aultres, au consentir à nature; qui en la science, qui à n'avoir point de douleur, qui à ne se laisser emporter aux apparences; et à cette fantasie semble retirer cette aultre de l'ancien Pythagoras,

Nil admirari, prope res est una, Numici, Solaque, quæ possit facere et servare beatum 5, qui est la fin de la secte pyrrhonienne. Aristote attribue à magnanimité n'admirer rien et disoit Archesilas 7, les soustenements et l'estat droict et inflexible du iugement, estre les biens; mais les consentements et applications, estre les vices et les maulx. Il est vray qu'en ce qu'il l'establissoit par axiome certain, il se despartoit du pyrrhonisme. Les pyrrhoniens, quand ils disent que le souverain bien c'est l'ataraxie, qui est l'immobilité du iugement, ils ne l'entendent pas dire d'une façon affirmatifve; mais le mesme bransle de leur ame, qui leur faict fuyr les precipices, et

1 Croyez-moi, laissons faire aux dieux ; ils savent ce qui nous convient, ce qui peut nous être utile : l'homme leur est plus cher qu'il ne l'est à lui-même. Juv. Sat. X, 346. 2 S. AUGUSTIN, de Civit. Dei, XIX, 2.

3 Or, dès qu'on ne s'accorde pas sur le souverain bien, on diffère d'opinion sur toute la philosophie. CIC. de Finib. V, 5. 4 Il me semble voir trois convives de goûts différents : que leur donnerai-je? que ne leur donnerai-je pas ? Vous refusez ce qu'un autre demande; et ce que vous voulez déplait aux deux autres. HOR. Epist. II, 2, 61.

5 Ne rien admirer, Numicius, c'est presque le seul moyen d'assurer son bonheur. HOR. Epist. I, 6, I.

6 Morale à Nicomaque, IV, 3, pag. 72, édit. de M. Coray. J. V. L.

7 SEXTUS EMPIR. Pyrrh. hypot. I, 33. C.

8 Mot grec qui signifie tranquillité parfaite, absolue indif

se mettre à couvert du serein, celuy là mesme leur presente cette fantasie, et leur en faict refuser une aultre.

Combien ie desire que pendant que ie vis, ou quelque aultre, ou Iustus Lipsius', le plus sçavant homme qui nous reste, d'un esprit tres poly et iudicieux, vrayement germain à mon Turnebus, eust et la volonté, et la santé, et assez de repos, pour ramasser en un registre, selon leurs divisions et leurs classes, sincerement et curieusement autant que nous y pouvons veoir, les opinions de l'ancienne philosophie sur le subiect de nostre estre et de nos mœurs, leurs controverses, le credit et suitte des parts, l'application de la vie des aucteurs et sectateurs à leurs preceptes ez accidents memorables et exemplaires : le bel ouvrage et utile que ce seroit!

Au demourant, si c'est de nous que nous tirons le reiglement de nos mœurs, à quelle confusion nous reiectons nous? car ce que nostre raison nous y conseille de plus vraysemblable, c'est generalement à chascun d'obeïr aux lois de son païs, comme porte l'advis de Socrates, inspiré, dict il, d'un conseil divin; et par là que veult elle dire, sinon que nostre debvoir n'a aultre reigle que fortuite? La verité doibt avoir un visage pareil et universel: la droicture et la iustice, si l'homme en cognoissoit qui eust corps et veritable essence, il ne l'attacheroit pas à la condition des coustumes de cette contree, ou de celle là; ce ne seroit pas de la fantasie des Perses ou des Indes que la vertu prendroit sa forme. Il n'est rien subiect à plus continuelle agitation que les loix : depuis que ie suis nay, i'ay veu trois et quatre fois rechanger celles des Anglois nos voysins; non seu lement en subiect politique, qui est celuy qu'on veult dispenser de constance, mais au plus important subiect qui puisse estre, à sçavoir de la religion: dequoy i'ay honte et despit, d'autant plus que c'est une nation à laquelle ceulx de mon quartier ont eu aultrefois une si privee accointance, qu'il reste encores en ma maison aulcunes traces de nostre ancien cousinage. Et chez nous icy, i'ay veu telle chose qui nous estoit capitale, devenir legitime; et nous, qui en tenons d'aulselon l'incertitude de la tres, sommes à mesme,

■ Juste-Lipse, savant Belge, qui fut en commerce de lettres avec Montaigne, a rempli du moins une partie de ce vœu dans son grand ouvrage sur le stoïcisme, Manuductio ad storcam philosophiam. Ce travail ne parut qu'en 1604, douze ans après la mort de Montaigne; et il est probable qu'il l'aurait peu satisfait. J. V. L.

En effet, de 1534 à 1558, Montaigne avait pu voir les Anference, adiapopía, autre terme de la philosophie pyrrho-glais, ou plutôt la cour d'Angleterre, changer quatre fois de

Bienne. C.

religion. J. V. L.

fortune guerriere, d'estre un iour criminels de leze maiesté humaine et divine, nostre iustice tumbant à la mercy de l'iniustice, et en l'espace de peu d'annees de possession, prenant une essence contraire. Comment pouvoit ce dieu ancien plus clairement accuser en l'humaine cognoissance l'ignorance de l'estre divin, et apprendre aux hommes que leur religion n'estoit qu'une piece de leur invention propre à lier leur societé, qu'en declarant, comme il feit à ceulx qui en recherchoient l'instruction de son trepied, « Que le vray culte à chascun estoit celuy qu'il trouvoit observé par l'usage du lieu où il estoit ? » O Dieu! quelle obligation n'avons nous à la benignité de nostre souverain createur, pour avoir desniaisé nostre creance de ces vagabondes et arbitraires devotions, et l'avoir logee sur l'eternelle base de sa saincte parole! Que nous dira doncques en cette necessité la philosophie? « Que nous suyvions les loix de nostre païs : » c'est à dire, cette mer flottante des opinions d'un peuple ou d'un prince, qui me peindront la iustice d'autant de couleurs, et la reformeront en autant de visages, qu'il y aura en eulx de changements de passion : ie ne puis pas avoir le iugement si flexible. Quelle bonté est ce, que ie veoyoy hier en credit, et demain ne l'estre plus, et que le traiect d'une riviere faict crime? Quelle verité est ce que ces montaignes bornent, mensonge au monde qui se tient au delà 2?

Mais ils sont plaisants, quand pour donner quelque certitude aux loix, ils disent qu'il y en a aulcunes fermes, perpetuelles et immuables, qu'ils nomment naturelles, qui sont empreintes en l'humain genre par la condition de leur propre essence; et de celles là, qui en faict le nombre de trois, qui de quatre, qui plus, qui moins: signe que c'est une marque aussi doubteuse que le reste. Or ils sont si desfortunez (car comment puis ie nommer cela, sinon desfortune, que d'un nombre de loix si infiny, il ne s'en rencontre pas au moins une que la fortune et temerité du sort ayt permis estre universellement receue par le consentement de toutes les nations?) ils sont, dis ie, si miserables, que de ces trois ou quatre loix choisies, il n'en y a une seule qui ne soit contredicte et desadvouee, non par une nation, mais par plusieurs. Or c'est la seule enseigne vraysemblable par laquelle ils puissent argumenter

Ce dieu, c'est Apollon. Voyez XÉNOPHON, Mémoires sur Socrate, I, 3, I. C.

2 α Plaisante justice qu'une rivière ou une montagne borne! Vérité au deçà des Pyrénées, erreur au delà. » Pensées de PASCAL

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aulcunes loix naturelles, que l'université de l'approbation : car ce que nature nous auroit veritablement ordonné, nous l'ensuyvrions sans doubte d'un commun consentement; et non seulement toute nation, mais tout homme particulier, ressentiroit la force et la violence que luy feroit celuy qui le vouldroit poulser au contraire de cette loy. Qu'ils m'en monstrent, pour veoir, une de cette condition. Protagoras et Ariston ne donnoient aultre essence à la iustice des loix, que l'auctorité et opinion du legislateur; et que cela mis à part, le bon et l'honneste perdoient leurs qualitez, et demeuroient des noms vains de choses indifferentes: Thrasymachus, en Platon', estime qu'il n'y a point d'aultre droict que la commodité du superieur. Il n'est chose en quoy le monde soit si divers qu'en coustumes et loix : telle chose est icy abominable, qui apporte recommendation ailleurs, comme en Lacedemone la subtilité de desrobber; les mariages entre les proches sont capitalement deffendus entre nous, ils sont ailleurs en honneur :

Gentes esse feruntur,

In quibus et nato genitrix, et nata parenti Iungitur, et pietas geminato crescit amore 2; le meurtre des enfants, meurtre des peres, communication de femmes, traficque de voleries, licence à toutes sortes de voluptez, il n'est rien en somme si extreme qui ne se treuve receu par l'usage de quelque nation.

Il est croyable qu'il y a des loix naturelles, comme il se veoid ez aultres creatures: mais en nous elles sont perdues; cette belle raison humaine s'ingerant par tout de maistriser et commander, brouillant et confondant le visage des choses, selon sa vanité et inconstance: nihil itaque amplius nostrum est; quod nostrum dico, artis est 3. Les subiects ont divers lustres et diverses considerations; c'est de là que s'engendre principalement la diversité d'opinions : une nation regarde un subiect par un visage, et s'arreste à celuy là; l'aultre, par un aultre.

Il n'est rien si horrible à imaginer que de manger son pere: les peuples qui avoient anciennement cette coustume 4, la prenoient toutesfois pour tesmoignage de pieté et de bonne affection, cherchants par là à donner à leurs progeniteurs

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la plus digne et honnorable sepulture; logeants en eulx mesmes et comme en leurs moëlles les corps de leurs peres et leurs reliques; les'vivifiants aulcunement et regenerants par la transmutation en leur chair vifve, au moyen de la digestion et du nourrissement: il est aysé à considerer quelle cruauté et abomination c'eust esté à des hommes abbruvez et imbus de cette superstition, de iecter la despouille des parents à la corruption de la terre, et nourriture des bestes et des vers.

Lycurgus considera au larrecin la vivacité, diligence, hardiesse et adresse qu'il y a à surprendre quelque chose de son voysin, et l'utilité qui revient au public que chascun en regarbe plus curieusement à la conservation de ce qui est sien; et estima que de cette double institution à assaillir et à deffendre, il s'en tiroit du fruct à la discipline militaire (qui estoit la principale science et vertu à quoy il vouloit duire cette nation) de plus grande consideration que n'estoit le desordre et l'iniustice de se prevaloir de la chose d'aultruy.

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On preschoit Solon de n'espandre pour la mort
de son fils des larmes impuissantes et inutiles :
Et c'est pour cela, dit il, que plus iustement
ie les espans, qu'elles sont inutiles et impuis-
santes'. » La femme de Socrates rengregeoit son
dueil par telle circonstance: «Oh! qu'iniustement
le font mourir ces meschants iuges! — Aimerois tu
doncques mieulx que ce feust iustement? » luy
repliqua il'. Nous portons les aureilles percees;
les Grecs tenoient cela pour une marque de ser-
vitude3. Nous nous cachons pour iouyr de nos
femmes; les Indiens le font en publicque 4. Les
Scythes immoloient les estrangiers en leurs tem-
ples; ailleurs les temples servent de franchise5:
Inde furor vulgi, quod numina vicinorum
Odit quisque locus, quum solos credat habendos
Esse deos, quos ipse colit 6.

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l'ay ouy parler d'un iuge, lequel, où il rencontroit un aspre conflict entre Bartolus et Baldus 7, et quelque matiere agitee de plusieurs contrarietez, mettoit en marge de son livre, « Question pour l'amy » c'est à dire que la verité estoit si Dionysius le tyran offrit à Platon une robbe à embrouillee et debattue, qu'en pareille cause il la mode de Perse, longue, damasquinee et par- pourroit favoriser celle des parties que bon luy fumee; Platon la refusa, disant qu'estant nay sembleroit. Il ne tenoit qu'à faulte d'esprit et de homme, il ne se vestiroit pas volontiers de robbe suffisance, qu'il ne peust mettre par tout, Quesde femme mais Aristippus l'accepta, avecquestion pour l'amy : » les advocats et les iuges de noscette response, « Que nul accoustrement ne pou- tre temps treuvent à toutes causes assez de biais voit corrompre un chaste courage 1. >> Ses amis pour les accommoder où bon leur semble. A une tansoient sa lascheté de prendre si peu à cœur science si infinie, dependant de l'auctorité de que Dionysius luy eust craché au visage : « Les tant d'opinions, et d'un subiect si arbitraire, il pescheurs, dit il, souffrent bien d'estre baignés ne peult estre qu'il n'en naisse une confusion des ondes de la mer, depuis la teste iusqu'aux extreme de iugements; aussi n'est il gueres si pieds pour attraper un gouion'. » Diogenes la- clair procez auquel les advis ne se treuvent divoit ses choulx, et le voyant passer « Si tu vers ce qu'une compaignie a iugé, l'aultre le sçavois vivre de choulx, tu ne ferois pas la court iuge au contraire, et elle mesme au contraire une à un tyran; » à quoy Aristippus : « Si tu sea- aultre fois. Dequoy nous veoyons des exemples vois vivre entre les hommes, tu ne laverois pas ordinaires, par cette licence, qui tache merveil des choulx3. » Voylà comment la raison fournit leusement la cerimonieuse auctorité et lustre de d'apparence à divers effects: c'est un pot à deux nostre iustice, de ne s'arrester aux arrests, et anses, qu'on peult saisir à gauche et à dextre: courir des uns aux aultres iuges pour decider d'une mesme cause.

Bellum, o terra hospita, portas :

Bello armantur equi; bellum hæc armenta minantur.
Sed tamen idem olim curru succedere sueti
Quadrupedes, et frena iugo concordia ferre:
Spes est pacis 4.

1 DIOGENE LAERCE, II, 78. C.

* ID. II, 67. C.

3 ID. II, 68; HORACE, Epist. I, 17, 1. C.

4 Est-ce donc la guerre que tu nous offres, o rive hospitalière? C'est pour la guerre qu'on arme les coursiers; c'est la guerre que nous présagent ces fiers animaux. Mais quelquefois aussi on les attelle à un char, et le frein les habitue à marcher ensemble sous le même joug : j'espère encore la paix. VIRG. Encide, III, 539.

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Quant à la liberté des opinions philosophiques touchant le vice et la vertu, c'est chose où il n'est besoing de s'estendre, et où il se treuve plusieurs advis qui valent mieulx teus, que publiez aux foibles esprits. Arcesilaus disoit' n'estre considerable en la paillardise de quel costé et par où on le feust. Et obscœnas voluptates, si natura requirit, non genere, aut loco, aut ordine, sed forma, ætate, figura metiendas, Epicurus putal.... Ne amores quidem sanctos a sapiente alienos esse arbitrantur..... Quæramus, ad quam usque ætatem iuvenes amandi sint'. Ces deux derniers lieux stoïques, et sur ce propos, le reproche de Dicæarchus à Platon mesme 3 monstrent combien la plus saine philosophie souffre de licences esloingnees de l'usage commun, et excessifves.

d'olives; à peine eust il donné advis à Clisthenes de refuser la belle Agariste, sa fille, à Hippoclides', pour luy avoir veu faire l'arbre fourché sur une table. Metrocles lascha un peu indiscrettement un pet, en disputant, en presence de son eschole, et se tenoit en sa maison caché de honte; iusques à ce que Crates le feut visiter; et adioustant à ses consolations et raisons l'exemple de sa liberté, se mettant à peter à l'envy avecques luy, il luy osta ce scrupule, et de plus, le retira à sa secte stoïque, plus franche, de la secte peripatetique, plus civile, laquelle iusques lors il avoit suyvy3. Ce que nous appelons Honnesteté, de n'oser faire à descouvert ce qui nous est honneste de faire à couvert, ils l'appelloient Sottise; et de faire le fin à taire et desadvouer ce que nature, coustume et nostre desir publient et proclament de nos actions, ils l'estimoient Vice: et leur sembloit, Que c'estoit affoler les mysteres de Venus que de les oster du retiré sacraire de son temple, pour les exposer à la veue du peu

les perdre : c'est chose de poids que la honte; la recelation, reservation, circonscription, parties de l'estimation: Que la volupté tres ingenieusement faisoit instance, sous le masque de la vertu, de n'estre prostituee au milieu des quarrefours, foulee des pieds et des yeulx de la commune, trouvant à dire la dignité et commodité de ses cabinets accoustumez. De là disent aulcuns que d'oster les bordels publicques, c'est non seulement espandre par tout la paillardise qui estoit assignee à ce lieu là; mais encore aiguillonner les hommes vagabonds et oysifs à ce vice, par la mal aysance :

Les loix prennent leur auctorité de la possession et de l'usage; il est dangereux de les ramener à leur naissance: elles grossissent et s'anoblissent en roulant, comme nos rivieres; suy-ple; et Que tirer ses ieux hors du rideau, c'estoit vez les contremont iusques à leur source, ce n'est qu'un petit sourgeon d'eau à peine recognoissable, qui s'enorgueillit ainsin et se fortifie en vieillissant. Voyez les anciennes considerations qui ont donné le premier bransle à ce fameux torrent, plein de dignité, d'honneur et de reverence; vous les trouverez si legieres et si delicates, que ces gents icy, qui poisent tout et le rameinent à la raison, et qui ne receoivent rien par auctorité et à credit, il n'est pas merveille s'ils ont leurs iugements souvent tres esloingnez des iugements publicques. Gents qui prennent pour patron l'image premiere de nature, il n'est pas merveille si, en la pluspart de leurs opinions, ils gauchissent la voye commune: comme, pour exemple, peu d'entre eulx eussent approuvé les conditions contrainctes de nos mariages; et la pluspart ont voulu les femmes communes. et sans obligation: ils refusoient nos cerimonies. Chrysippus disoit qu'un philosophe fera une douzaine de culebutes en publicque, voire sans hault de chausses, pour une douzaine

I PLUTARQUE, Règles et préceptes de santé, c. 5. Mais le philosophe Arcésilas ne dit cela que pour blâmer également toute sorte de débauche. Il souloit dire contre les paillards et luxurieux, qu'il ne peult chaloir de quel costé on le soit; pource qu'il y a (ajoute Plutarque, fidèlement traduit par Amyot) autant de mal à l'un qu'à l'aultre. C.

2 A l'égard des plaisirs obscènes, Epicure pense que, si la nature les demande, il faut moins s'arrêter à la naissance et au rang, qu'à l'âge et à la figure. CIC. Tusc. quæst. V, 33. — Les stoïciens ne pensent pas que des amours saintement réglés soient interdits au sage. CIC. de Finib. bonor. et mal. III, 20. – Voyons ( disent les stoïciens) jusqu'à quel âge on doit aimer les jeunes gens. SÉNÈQUE, Epist. 123.

3 CIC. Tusc. quæst. IV, 34. C.

4 PLUTARQUE, Contredicts des philosophes stoiques, c. 31. C.

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Machus es Aufidiæ, qui vir, Scævine, fuisti:
Rivalis fuerat qui tuus, ille vir est.
Cur aliena placet tibi, quæ tua non placet uxor?
Numquid securus non potes arrigere 5?

Cette experience se diversifie en mille exemples:
Nullus in urbe fuit tota, qui tangere vellet
Uxorem gratis, Cæciliane, tuam,

Dum licuit: sed nunc, positis custodibus, ingens
Turba fututorum est. Ingeniosus homo es 6.

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