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après avoir lu un auteur dans son texte ou dans une traduction, d'en recommencer mot pour mot la lecture dans un Commentaire. C'est pour sauver, autant qu'il est possible, cet ennui à toute espèce de lecteurs, que j'ai placé en tête de chaque satire un Argument, et, en tête des notes, une Note sommaire, qui mettent à même de bien saisir l'ensemble: il devient moins nécessaire alors d'avoir recours aux explications de détail.

Cependant, comme Perse est un écrivain qui se pique d'érudition, comme son style est rempli d'idiotismes et d'hellénismes, d'allusions et de citations, de phrases à double entente, la traduction serait souvent aussi obscure què le texte lui-même, si des notes fréquentes n'en développaient le sens intime. J'ai cherché à resserrer dans les miennes ce qu'il y a de plus utile dans celles des commentateurs qui m'ont précédé; et cet abrégé est encore bien long cela ne peut guère convenir qu'aux philologues ou aux érudits de profession.

Perse a fait école; et, de ceux à qui il a frayé la route, il nous reste, outre les écrits de Juvénal, une satire de Sulpicia et un fragment de Turnus. J'ai cru devoir réunir à l'œuvre de Perse, qui est si courte, la traduction de ces deux morceaux qui portent l'empreinte du même siècle et de la même manière. On trouvera encore à la fin du volume quelques notices biographiques sur Perse, intéressantes par elles-mêmes, et qué leur peu d'étendue a permis de réimprimer dans leur intégrité.

Enfin, dans un Discours d'introduction, j'ai cherché à retracer l'histoire du livre de Perse et des opinions qu'il renferme. La longueur de ce discours jure avec la brièveté de l'ouvrage lui-même : mais elle ne surprendra point ceux qui savent que cet ouvrage date d'une des grandes époques de l'esprit humain; qu'il a traversé, pour venir jusqu'à nous, dix-huit siècles tout entiers, et que la doctrine philosophique sur laquelle il repose a occupé les penseurs de tous les temps.

PERREAU.

INTRODUCTION.

Libelle, sat. I, v. 120.

LE E petit ouvrage de Perse est un problème d'antiquités fort compliqué, long-temps débattu, et dont on cherche la solution aujourd'hui encore. Si j'entreprends de la donner, ce n'est pas que je me croie autant d'érudition ou de bon goût que les hommes célèbres qui s'y sont employés avant moi; c'est que je viens après eux. La perfection n'est nulle part; la perfectibilité s'étend aux notices littéraires même et aux traductions.

PREMIÈRE PARTIE.

Histoire du livre.

Suivons d'abord, à travers les âges, la fortune de ce poète philosophe venu de l'antiquité jusqu'à nous : ce spectacle intéresse et éclaire.

I. Publication de l'ouvrage et son premier effet*. Composées vers les premières années du règne de Néron, les Satires de Perse n'ont point vu le jour du vivant de leur auteur. Publiées après sa mort par les soins de l'amitié, il paraît qu'elles eurent alors beaucoup de

1. Voyez la Vie de Perse et la Notice pour fixer la chronologie des Satires.

* A. de J.-C. de 50 à 100.

succès. Au mérite qu'elles auront dans tous les temps, elles joignaient, dans leur nouveauté, un intérêt de circonstance; et, bien que celui qui les a écrites récuse et brave dans son orgueil stoïque les jugemens populaires', on se persuade volontiers que l'opinion fut tout d'abord pour lui, ou plutôt pour ses beaux vers, puisque lui-même n'était plus. Un écrivain qui trouve un langage ingénieux, énergique et nouveau, frappe les imaginations et commande l'attention; un penseur indépendant, qui recherche avec audace et fronde avec esprit des sottises que l'on admire et des bassesses que l'on révère, prend faveur par cela même qu'il paraît seul pour la raison; enfin, de poétiques harangues, dictées par un noble enthousiasme pour la force morale, et écrites dans un esprit d'opposition contre la cour des empereurs, devaient avoir un charme particulier pour ces citoyens qui, tout déchus qu'ils étaient de leur souveraineté, conservaient encore beaucoup des sentimens de l'ancienne Rome. Le livre des Satires fut, en quelque sorte, le manifeste de ceux qui tenaient pour la civilisation grecque contre la soldatesque latine 2, et pour la liberté sous l'empire. De là l'influence profonde qu'il a exercée, et les imitations nombreuses dont il a été suivi; de là les éloges du faiseur d'épigrammes Martial3 et du grave professeur Quintilien.

1. Sat. 1re, 7; et çà et là dans tout son livre.

2. Voyez Sat. 1, 107 et suiv.; III, 77 et suiv.; IV, 1–52; v, 62– 131; vi, 36 et suiv.

3.

Sæpius in libro memoratur Persius uno

Quam levis in tota Marsus Amazonide.

(Lib. iv, Epigr. v. 29.)

Ce dernier, dont on ne récusera pas le jugement sur les réputations littéraires de son pays, parle de Perse en ces termes : « Son petit livre lui a fait beaucoup de gloire et de véritable gloire. >>>

I

II. Succès de l'ouvrage sous les Antonins*. Cette gloire, que n'avait pu étouffer à sa naissance le despotisme qui brûlait les ouvrages et qui proscrivait les auteurs, brilla de tout son éclat sous les règnes heureux qui suivirent ceux des Néron et des Domitien. La cause dont les poètes et les orateurs avaient embrassé la défense était triomphante; les principes généreux dont Perse avait des premiers armé l'esprit public avaient prévalu; ils donnaient les Antonins à la terre. Après avoir été un ouvrage de parti, le petit livre devint un ouvrage de doctrine; il fit du bruit dans les écoles, comme il en avait fait dans le public, et prit rang parmi les anciens, à la suite de Lucile, de Lucrèce et d'Horace, parmi les modernes 2, à côté de Juvénal, de Turnus, de Lucien et d'Épictète. Il paraîtrait que, déjà à cette époque, il jouissait du privilège d'un commentaire et d'une notice biographique. Que l'on rapporte le premier à un critique nommé Cornutus 3 ou à quelque autre d'un nom

1. Multum et veræ gloriæ quamvis uno libro Persius meruit (QUINT., Institut. Orat., lib. 1, cap. x).

2. Expressions par lesquelles l'auteur du dialogue de Causis corruptæ eloquentiæ désigne les écrivains du siècle d'Auguste et ceux du siècle de Trajan.

3. Il existe une dissertation écrite en latin vers la fin du quinzième siècle par Elias Vinetus Santo, pour prouver qu'il y a eu deux Cornutus; le premier, qui enseignait la philosophie stoï* A. de J.-C. de 100 à 180.

moins suspect; que l'on fasse auteur de la seconde un écrivain obscur ou Suétone lui-même, toujours est-il vraisemblable que plusieurs des notes manuscrites que nous lisons sur les Satires de Perse, et le peu de détails que nous avons sur sa vie, sont des éditeurs de ce temps-là. Depuis, on se fût procuré difficilement des documens aussi positifs; on ne les eût pas imaginés aussi simples et aussi naturels. Les temps que nous traversons avec notre auteur n'étaient plus, comme ceux qui avaient précédé, ennemis des talens et du savoir; ils ont été, au contraire, plus que ceux même qui suivirent, reconnaissans envers les ancêtres et soigneux de la postérité1. On doit donc penser que Perse obtint alors non-seulement les prérogatives du talent, mais encore ces honneurs matériels et vulgaires dont il avait raillé la vanité de ses contemporains: la couronne de lierre et les images 2, les copies sur les modestes cahiers de l'école et sur les belles membranes à deux couleurs 3, les tablettes odorantes et conservatrices du cèdre, du

cienne, maître et ami de notre auteur; le deuxième, qui aurait vécu cinquante ans plus tard, grammairien ou critique regardé comme l'auteur du Commentaire sur les Satires.

1. TACITE, Hist., liv. 1, chap. 1; id. Vie d'Agricola, ch. 1 et 2; PLINE LE JEUNE, çà et là dans ses Lettres à Tacite.

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