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citronnier, du cyprès, peut-être la lecture publique et très-certainement la dictée dans les classes 2. Lui vivant, sa fierté de stoïcien et de Romain eût été blessée de pareilles distinctions; elles sont cependant devenues après sa mort la sauvegarde de son génie et la garantie de son immortalité.

III. Influence de l'ouvrage depuis les Antonins jusqu'à Julien*. Aux beaux jours des Antonins, à ces jours trop rapides de littérature, de gloire et de bonheur, succèdent de longues tempêtes politiques et religieuses qui déchirent la société, changent en querelles intolérantes et sanglantes les discussions des sages même, et compromettent l'héritage du genre humain déjà avant la domination des Barbares. On s'étonnerait de voir la fortune du petit livre se soutenir durant cette période confuse, si l'on ne se rappelait que la littérature, depuis Auguste, était devenue un moyen de gouvernement 3, et que des empereurs avaient fait asseoir avec eux la philosophie sur le trône. La force morale que les livres avaient créée, luttait sans cesse contre cette force brutale des centurions dont s'indigne notre auteur 4, et

1. HORACE, Art poét., v. 332 et suiv.; VITRUVE, 11, 9; PERse, Sat. 1, 42.

2. PERSE, Sat. 1, 15 et suiv.; id. ibid., v. 29; HORACE, Sat. 1, 10, 73 et suiv.; JUVENAL, Sat. 111, 9; vII, 52; MARTIAL, 111, 44; Pline le JeuNE, Lett. VII, 17.

3. Voyez DION CASSIUS, liv. LII, Discours sur le mode d'administration à suivre.

4 Sat. 111, 77-87; v, 189-191; et passim.

* A. de J.-C. de 180 à 360.

cherchait à arrêter une puissance illimitée. Elle effrayait les mauvais princes par les écrits vengeurs de ceux qui en avaient appelé des succès du crime à la conscience du genre humain1; elle dictait d'heureux choix au despotisme et à la révolte elle-même 2; quelquefois, elle relevait les esprits des peuples consternés par une longue tyrannie, et faisait espérer de nouveaux Antonins à la terre, quand des hommes comme Julien arrivaient au pouvoir. Julien est le dernier des empereurs philosophes; ses écrits 3 rappellent Sénèque et Perse, comme ses exploits Jules César et Trajan; en lui finissent cette religion du stoïcisme et ces sentimens romains qui, ayant, pendant plusieurs siècles, tenu lieu à l'empire du monde de la liberté et de la foi, séparent les républiques de l'antiquité des monarchies modernes, et les fables du polythéisme du dogme des chrétiens.

IV. Usage qu'ont fait les Pères de l'Église des livres des stoïciens et de celui de Perse en particulier*. Les croyances de la Judée furent apportées à Rome, comme toutes celles de l'Orient, après la conquête de l'Égypte et de la Syrie. Pendant long-temps, elles ne firent de

1. Perse et Tacite sont à la tête de ces écrivains - là, qui furent très-nombreux.

2. Agricola, Tacite, Pline le Jeune, Dion Cassius, reçurent de grands commandemens, tout grands hommes qu'ils étaient; Gallus, Probus, un descendant de Tacite aussi vertueux que lui, et Julien lui-même, furent salués empereurs par les légions révoltées.

3. Les Césars et le Misopogon, deux satires dans le genre de l'Apokolokyntose.

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progrès que dans le bas-peuple, et le christianisme luimême, confondu avec les superstitions judaïques, n'obtint que le mépris des philosophes et l'animadversion du gouvernement. On peut juger par les vers de Perse et de Juvénal 2, aussi bien que par les Histoires de Tacite 3 et la correspondance administrative de Pline le Jeune avec l'empereur Trajan, par quelles injurieuses rigueurs furent accueillis à leur origine les dogmes que nous adorons et ces premiers fidèles dont l'Église consacré la mémoire. Les sectateurs du Christ furent proscrits par le despotisme militaire, comme l'avaient été ceux de Zénon, et trouvèrent, comme eux, dans les persécutions même, une énergie nouvelle. A la force qu'ils tenaient de leur maître immortel, insensiblement ils joignirent des secours plus humains, et firent des conquêtes avec les armes de ceux qui les avaient opprimés d'abord. Ainsi leurs prêtres empruntèrent au polythéisme plusieurs de ses cérémonies et de ses solennités; ainsi leurs écrivains puisèrent dans les divers systèmes de philosophie de quoi nourrir et populariser la doctrine. Le stoïcisme dominait; ce fut le stoïcisme qu'ils s'appliquèrent surtout à imiter et à remplacer. Ses dogmes tristes, mystérieux, terribles, se confondirent avec ceux qu'ils enseignaient; sa morale devint leur morale; il n'y a pas jusqu'au style de leurs écrits qui ne paraisse imité du style emblématique de l'école

1. Sat. v, 180 et suiv.

2. Sat. 1, 155-157; vi, 542-551; XIV, 85 et suiv.

3. Annal. xv, 44; Histor. v, 1-14.

4. PLINII JUN., Epistol.

de Zénon. Les Pères de l'Église latine regardaient Sénèque comme un des leurs', et ils ont fait de Perse une étude particulière. Tertullien 2 adopte sa doctrine sur la liberté; Lactance 3 partage ses indignations contre les superstitions populaires, et l'enthousiasme qui le ravit aux célestes pensées; saint Augustin4 le cite et le commente dans tous ses ouvrages; saint Jérôme 5, admirateur de son éloquence, lui emprunte avec ses pensées ses expressions même. Je ne sais où Bayle 6 a pris ces traditions, qu'un Père de l'Église abandonna de dépit les Satires de Perse, en disant au livre: Reste là, puisque tu ne veux pas être entendu; et qu'un autre dit, en les jetant au feu : Brúlons-les pour les rendre claires. Saint Ambroise et saint Jérôme, à qui l'on attribue ces boutades, avaient trop la patience des saints pour se les permettre, et il ne leur prenait pas, à ces esprits cultivés, des accès de cette manie de brûler, qui s'était emparé des néophytes grecs, après avoir entendu saint Paul, et qui, depuis, a livré aux flammes mieux encore que de bons livres.

V. Ce que devint le livre de Perse après l'établissement du christianisme et pendant le moyen áge*. Quoi qu'il en soit de ces anecdotes plus ou moins suspec

1. HYERONYM. De Scriptorib. ecclesiasticis.

2. In lib. De Resurrect. ; in Apologetico, etc.

3. Lib. 11, 2, 4; VI, 1, 2.

4. Confess. IV, 6; vIII, 10 et 11; de Civitat. Dei, 6; de Magist. etc., 9; Epistol. LVI, ad Dioscor., etc.

5. Epistol. IV, 81, etc., etc.

6. Voyez Dictionnaire de Bayle, article PERSE.

* A. de J.-C. de 500 à 1450.

tes, toujours est-il certain qu'au temps où le christianisme devint la religion des empereurs romains, le livre des Satires tenait encore dans la littérature une place importante. Il devait la conserver aussi long-temps que se ferait sentir l'influence de cette philosophie stoïcienne qui avait préparé le règne de l'Évangile. On voit, par les écrits de Sidoine Apollinaire et de Boëce, que Perse et Sénèque servaient encore de modèles aux écrivains et d'autorités aux docteurs au commencement du sixième siècle; et l'on sait d'ailleurs que c'est avec les restes de la dialectique stoïcienne, comme avec celle d'Aristote, que Martian Capella et Cassiodore composèrent les résumés informes qui sont devenus les premiers manuels de l'enseignement scolastique1.

Après les Pères, après Boëce et Cassiodore, on perd, dans la nuit du moyen âge, les traces des diverses écoles philosophiques et littéraires de l'antiquité, et il n'est guère possible de suivre dans l'Occident, depuis cette époque, la destinée des ouvrages grecs et latins. Les recherches de la philologie et de la paléographie ne jettent là dessus qu'une lumière douteuse. Si l'état matériel dans lequel ont été retrouvés les livres des anciens, était une mesure exacte de l'intérêt qu'ils ont excité chez les lecteurs du moyen âge, il faudrait croire que les quelques vers de Perse ont eu plus de prix à leurs yeux, que les grandes compositions des Tite-Live et des Salluste, des Tacite et des Dion Cassius; car, tandis que

1. Voyez l'Histoire comparée des systèmes de philosophie, par M. Degerando, tome 111; voyez l'Histoire de l'Université, par Bulous, origine du trivium et du quatrivium.

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