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que l'homme doit tout à cette autorité ; et comme il reçoit d'autrui les alimens nécessaires à la vie physique, il en reçoit aussi la nourriture de l'intelligence. C'est à la famille que l'enfant doit tout d'abord; et comme la famille où il est né est l'image de cette première famille dont Dieu étoit le père, il doit rechercher, dès que sa raíson est formée, tout ce que Dieu a dit à cette première famille. Ce que tous les peuples croient appartient à cette première tradition. Tout ce qui leur est particulier en est une altération. Ainsi donc l'homme en rapport avec la société l'est avec Dieu même. Rompez ce lien, que reste-t-il à l'homme isolé? Je laisse à chacun de mes lecteurs à se représenter ce que seroit l'homme abandonné à sa naissance, et n'ayant aucune communication avec des êtres humains quand il parviendroit même à conserver la vie.

L'existence de Dieu, l'immortalité de l'ame, la néces sité d'un culte, les peines et les récompenses pour le bons et les méchans, etc.; ces vérités, défendues par le consentement commun, n'ont plus besoin de démonstrations (consensus omnium probat esse rem, CIC.), puisque c'est se déclarer en état de folie que de vouloir contredire le genre humain, et ainsi le scepticisme est détruit à jamais. Tout le christianisme découle de ces vérités, puisque le christianisme n'est que la religion de tous les temps, qui a reçu le sceau d'une nouvelle révélation. Dans toutes les religions il y a des vérités qui sont communes à toutes, et ces vérités appartiennent au christianisme. Les erreurs sont particulières à chacune; elles n'appartiennent plus à la tradition générale ; elles ne sont plus appuyées sur le consentement commun. Il n'y a pas

dans le christianisme une vérité qui ne se trouve chez tous les peuples; mais le christianisme seul représente fidèlement les premières vérités révélées par Dieu au premier homme. Or le principe sur lequel M. de la Mennais fait reposer la philosophie est le même sur lequel est fondée la religion, et ceux qui l'attaquent ne font pas attention qu'ils répondent tous les jours aux inorédules comme M. de la Mennais leur répond à euxmêmes. Vous détruisez la raison, disent les philosophes, en établissaut l'autorité. Vous dites, croyez sans examen, croyez ce que vous ne pouvez comprendre. On répond qu'on ne détruit pas la raison, mais qu'on ne lui permet que d'examiner si les titres de l'autorité qu'on lui propose sont valides. Après cela on l'oblige à croire tout ce qu'enseigne l'autorité. M. de la Mennais ne dit pas autre chose.

En un mot, l'autorité est la règle, dit M. de la Mennais. Deux hommes disputent sur l'existence de Dieu : la raison de l'un lui dit que Dieu n'est pas; la raison de l'autre lui affirme qu'il est. Où est l'évidence certaine? L'autorité est invoquée ; le genre humain dépose que Dieu est; dès lors l'existence de Dieu est un fait qu'il n'est plus possible de nier sans se déclarer fou. Ainsi donc, parce que les philosophes n'avoient pas découvert cette règle innée en nous, et ne l'avoient pas encore exposée, leur orgueil se révolte, et pourquoi ? Le genre humain vit sur ce principe, sans s'inquiéter si les philosophes l'ont reconnu ou nié ; et il est bien plus important que le genre humain ne se soit pas trompé, que quelques rêveurs qui ont élevé systèmes sur systèmes pour en venir enfin à un désolant scepticisme.

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Le second volume de M. l'abbé de la Mennais est donc, comme on le voit, de la plus haute importance; car le principe qu'il pose, admis en philosophie, détruit non seulement les erreurs de toutes les philosophies, mais encore celles des sectes, ou les hérésies; car un homme qui est obligé d'abandonner le sens particulier, et d'en référer au consentement commun en philosophie, pour mettre à couvert les premières vérités, sera infailliblement conduit à abandonner également le sens particulier en religion, et à s'en rapporter à la tradition universelle ou à l'autorité de l'Église. Il étoit digne de M. l'abbé de la Mennais de montrer enfin l'accord de la véritable philosophie et de la religion; et, après un siècle qui, en voulant les séparer, avoit tout ébranlé dans le monde moral, de prouver que la philosophie, pour arriver à la vérité, ne doit employer que le moyen dont la religion se sert pour y parvenir. C'est ainsi que l'erreur contribue toujours au triomphe de la vérité. Si l'on n'avoit pas vu le trouble qui résultoit, pour les intelligences, de la séparation de la philosophie et de la religion, M. de la Mennais n'auroit pas été conduit à montrer que la religion est la scule bonne philosophie ; et il n'auroit pas porté jusqu'à l'évidence ce qu'avoit déjà dit Bacon de la religion Que peu de philosophie en eloigne, et que beaucoup de philosophie y ramène.

LETTRE DE M. GENOUDE

A MONSIEUR LE DIRECTEUR DU DÉFENSEUR.

MONSIEUR,

J'apprends que M. T. se prépare à répondre à l'article que vous avez inséré dans la trentième livraison du Défenseur. Je crois donc essentiel, avant cette nouvelle attaque, de bien poser l'état de la question, et d'expliquer dans quel sens l'homme isolé est pris par M. de la Mennais, en montrant la liaison qui existe entre le premier et le second volume de l'Essai sur l'Indifférence. Ceux qui ont lu le premier chapitre du second volume, sans réfléchir qu'ils lisoient le treizième chapitre d'un ouvrage, et non pas le premier, ont accusé M. de la Mennais de ruiner toute espèce de certitude, et l'ont transformé en sceptique. Si l'on n'étoit pas accoutumé à cette précipitation des jugemens humains, il y auroit vraiment là de quoi s'étonner. Mais on commence aujourd'hui à se dire: Il faut bien que nous n'ayons pas entendu M. de la Mennais ni M. de Bonald qui l'a défendu, puisque ce que nous leur faisons dire est absurde.

Voici le plan de l'Essai:

M. de la Mennais, après avoir montré dans son premier

volume, en combattant les trois systèmes généraux d'incrédulité, que le principe fondamental de l'hérésie, du déisme et de l'athéisme est la souveraineté de la raison individuelle, c'est-à-dire que l'hérétique, le déiste et l'athée soutiennent que la raison particulière de chacun est la règle de ses croyances, en sorte qu'ils n'admettent comme vrai que ce qui est démontré à cette même raison, ce qui les conduit inévitablement au scepticisme universel, considère dans le second volume l'homme dans l'état où l'hérétique, le déiste et l'athée se placent volontaire

ment.

L'homme dès lors, cet être contingent, rejetant Dieu, être nécessaire, est forcé de se nier lui-même, puisqu'il n'aperçoit plus de raison de son existence.

Il ne peut donc avoir la certitude rationnelle de rien, et doit par conséquent demeurer dans le doute. Cependant cet état est impossible. Il y a en lui quelque chose qui le force invinciblement à croire mille et mille choses dont il n'a aucune preuve certaine; d'ou il résulte que le doute, et par conséquent l'isolement de la raison qui produit ce doute, sont opposés à sa nature. Cet homme croira donc nécessairement. En cet état, que doit-il raisonnablement regarder comme certain? Ce que tout le genre humain croit. Il croira donc ce qui sera appuyé sur l'autorité des autres hommes, et voilà le fondement de sa certitude, en voilà la raison dernière. Il lui est impossible d'en assigner une autre, avant d'avoir trouvé Dieu. Il ne peut dire, comme le philosophe religieux, Mes sens s'accordant à croire à l'existence des corps, Dieu me jetteroit lui-même dans l'illusion, si les corps n'existoient pas réel

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