Obrázky na stránke
PDF
ePub

on ne s'égare que parce qu'on la méconnoît. L'homme ne crée rien; il reçoit, conserve, transmet; sa puissance ne va pas plus loin. Sitôt donc que quelqu'un se présente seul avec ses idées, une juste prévention s'établit d'abord contre lui; on le rappelle à l'antiquité, à l'universalité, comme à la règle immuable du vrai dans toutes les croyances nécessaires; et si sa doctrine, soumise à cette épreuve, ne la soutient pas, elle est avec raison condamnée sans

retour.

Il est assez singulier peut-être qu'ayant voulu prouver l'excellence et la nécessité de cette règle on nous l'ait opposée pour défendre une philosophie qui repose sur des principes essentiellement différens; de sorte qu'on a vu les partisans du jugement privé nous combattre par l'autorité dont nous essayons de soutenir les droits, et présupposer par conséquent la vérité de la doctrine même qu'ils attaquoient; tant cette doctrine est profondément enracinée dans notre

nature.

Quelque étrange que paroisse la contradictión que j'indique, il est facile de l'expliquer. Les adversaires de l'Essai, sans trop considérer à quel point cela s'accorde avec leur

système, conviennent au moins implicitement qu'on ne peut sans témérité et même sans folie s'écarter des sentimens anciens généralement reçus ; puis, oubliant que la philosophie de l'école n'est ni ancienne ni adoptée généralement, ils réclament en sa faveur la prescription du temps et le consentement commun; ce qui les conduit à un raisonnement tout-àfait extraordinaire. Il s'agit de savoir quel est le criterium de la vérité : selon nous, c'est l'autorité; d'après leur philosophie, c'est l'évidence individuelle. Qui a tort d'eux ou de nous; et que répondent-ils aux preuves que nous donnons de notre sentiment? « Quelque évidentes, << disent-ils, que soient ces preuves à vos yeux, << vous vous trompez cependant, car l'autorité << de tous les philosophes est contre vous >>. Nous n'examinons pas le fait en ce moment; mais, qu'il soit exact ou non, nous devons certes des remercîmens à ceux qui nous l'opposent. Nous croyons les voir lever le bras pour nous frapper; et point du tout, ils nous tendent la main.

«

Il n'y a pas lieu de s'en étonner; car, sur quelque point que ce soit, la discussion ramène toujours à l'autorité, comme au dernier

principe de décision. Malgré soi il en faut venir là, ou renoncer au raisonnement. Le raisonnement, c'est le plaidoyer; mais que sert-il de plaider, s'il n'existe un juge?

[ocr errors]

Au reste, toutes les personnes qui ont cherché à répandre de nouvelles lumières sur le sujet que nous avons traité ont droit à notre reconnoissance. Quelques objections nous ont été proposées publiquement, on nous en a communiqué d'autres par ecrit et de vive voix. Il nous sera, du moins nous le pensons, d'autant plus aisé d'y répondre, que presque toujours il suffira de substituer nos véritables sentimens aux opinions qu'on nous a prêtées; qu'il y ait un peu de notre faute, si quelques lecteurs ne nous ont pas mieux compris, nous sommes très disposés à en convenir en voulant trop abréger, on néglige quelquefois des développemens nécessaires. Nous croyons cependant que les aveux pourroient être réciproques; car, lorsque nous disons formellement le contraire de ce qu'on nous fait dire, l'inadvertance ou l'oubli ne sauroit, à ce qu'il semble, être de notre côté.

On l'a déjà reconnu en partie. Plusieurs

reproches qu'on nous adressoit sont désavoués généralement, La réflexion a calmé d'étranges inquiétudes que nous n'avions pu prévoir ni prévenir. Certainement il y a eu beaucoup de jugemens peu exacts portés sur le second volume de l'Essai, puisqu'ils ont été si divers. Un grand nombre d'évidences individuelles se sont, à l'occasion de cet ouvrage, trouvées en défaut cela ne prouve pas trop en faveur de la philosophie que l'auteur combat; et, quoi qu'il en soit de sa doctrine au fond, les controverses qu'elle a fait naître suffiroient seules pour montrer la nécessité indispensable d'un tribunal plus élevé que la raison particulière de chaque homme.

Pour ne pas interrompre la discussion où nous allons entrer, nous répondrons ici à une question qu'on a faite. A quoi bon chercher, a-t-on dit, de nouvelles preuves de la religion? Pourquoi ne pas se contenter des anciennes ? Pourquoi ? Parce qu'on a fait des objections nouvelles, parce que l'état des esprits n'est plus le même, parce que l'erreur, dans ses progrès, étant parvenue au fond de l'abîme, il a fallu porter jusque-là le flambeau de la vérité. Comment s'arrêter quand

l'ennemi marche? Combattoit-on Calvin par les mêmes armes que Luther? Les réponses faites aux calvinistes suffisoient-elles contre les sociniens? Oppose-t-on les mêmes preuves aux déistes et aux hérétiques? Les disputes ne commencent qu'au point précis qui est contesté; on ne discute pas ce dont on convient; et quand on a nié touté vérité, il a été nécessaire d'établir le fondement de toute vérité, et de chercher la base de la raison humaine.

Nous discuterons ailleurs cette question avec plus d'étendue, en montrant l'importance de notre doctrine. Nous prions seulement de remarquer qu'on auroit pu faire la même demande et adresser le même reproche à tous les pères, à tous les docteurs à tous les écrivains ecclésiastiques, depuis l'origine du christianisme; car, en défendant la foi, chacun d'eux ajoutoit, selon ses lumières et selon le sujet particulier qu'il traitoit, aux réflexions de ceux qui l'avoient précédé: on n'auroit pu sans cela combattre aucune des hérésies quí naissoient successivement; et, en ce qui tient à la controverse, la tradition tout entière n'est qu'une suite de réponses

« PredošláPokračovať »