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place la certitude complète, il est obligé d'opérer une triple réformation: la réformation des philosophies, la réformation des démonstrations, et la réformation de la raison humaine native. Tel est le léger travail qu'il propose aux hommes. Il ne s'agit pour chacun que de refaire sa nature; et à l'aide de quoi? de sa nature même.

Quant à la méthode à suivre pour accomplir ce grand oeuvre, Bacon veut que l'on procède par voie d'induction', en partant, pour s'élever à des vérités générales, des faits particuliers connus par les sens, qu'il avoue néanmoins être souvent trompeurs ; et c'est pourquoi il exige que les sens ne jugent que de l'expérience, et que l'expérience juge de la chose1? Il reste encore une difficulté : Qui

I

Itaque doctrina ista de expurgatione intellectus, ut ipse ad veritatem habilis sit, tribus redargutionibus absolvitur: redargutione philosophiarum, redargutione demonstrationum, et redargutione rationis humanæ nativæ. Ibid., pag. 11.

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3 Eo rem deducimus, ut sensus tantum de experimento, experimentum de re judicet. Ibid., pag. 9.

nous assure que les sens ne nous trompent pas toujours? Sur ce point important Bacon fait comme tout le monde; pour se tranquilliser, il a recours à la véracité et à la bonté de Dieu !.

Ce qui frappe le plus dans ce système, c'est le mépris qu'a l'auteur pour la raison humaine, et la défiance qu'elle lui inspire. Pour trouver quelque chose, je ne dis pas de certain, mais de vraisemblable, il faut réformer notre logique, nos premières notions, notre nature même. Mais si notre raison native est tellement défectueuse, qu'on doive tenir pour suspectes les idées même innées, sur quelle idée plus parfaite, sur quel modèle, et par quels moyens la réformerons-nous ? Jusquelà cependant nulle espérance d'arriver à la vérité Doctrina ista de expurgatione intellectus, ut ipse ad veritatem habilis sit, tribus redargutionibus absolvitur. Travaillez donc,

Neque enim hoc siverit Deus, ut phantasiæ nostræ somnium pro exemplari mundi edamus : sed potius benigne faveat, ut apocalypsim, ac veram visionem vestigiorum et sigillorum creatoris super creaturas scribamus. Ibid., pag. 20.

ô vous qui aspirez à la connaître ! Hâtez-vous de refaire les philosophies, de refaire la logique, de refaire votre intelligence; car, tant qu'elle restera telle que Dieu l'a faite, elle est incapable de vérité. Si ce n'est pas là le scepticisme, qu'est-ce donc ? Il n'importe que Bacon affirme ou non certaines choses; la question est de savoir s'il a droit, en vertu de ses principes, d'affirmer quoi que ce soit. Nous en laissons le jugement au lecteur.

Observez de plus que le rapport des sens est la base sur laquelle il établit l'édifice entier de ses connoissances. Or, de son aveu, il n'a d'autre preuve que ses sens ne le trompent pas, que sa confiance en la bonté et en la véracité de Dieu. Mais comment sait-il avec certitude que Dieu est bon, qu'il est vrai ? comment est-il assuré qu'il existe? Son existence est-elle une notion innée en lui? Dès lors elle lui doit être suspecte, et ne saurait être admise sans une nouvelle preuve. Est-ce par le raisonnement qu'il la connoît ? Il doit y croire bien moins encore; car la logique est plus propre à établir l'erreur qu'à conduire à la vérité. Est-ce enfin ses sens qui l'en instruisent? Alors qu'il nous explique comment

ses sens, qui souvent le trompent, et qui, si Dieu n'existoit pas, pourroient le tromper toujours, lui apprennent avec certitude que Dieu

est. Hélas! on voit clairement ici la vérité de ce que dit Bacon lui-même de la foiblesse de l'esprit humain abandonné à ses seules forces, sibi permissus. Ou il désespère du vrai et cesse de le chercher, ou il tourne éternellement dans un cercle sans fin; également en contradiction, soit avec la raison, s'il affirme, soit avec la nature, s'il doute.

CHAPITRE VII.

Pascal.

Se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher. Ce mot de Pascal nous apprend assez ce qu'il pensoit de cette science, si vaine dans ses principes, si variable dans ses systèmes, si désastreuse par ses effets. Nul homme ne montra jamais une plus amère pitié pour la raison humaine destituée de l'appui que la foi lui prête. Avec quel dédain il se joue de sa ridicule présomption ! comme il la fait rougir d'elle-même ! comme il lui impose silence, si elle a la hardiesse de prononcer un mot avant d'avoir dit je crois ! Ce n'est donc pas pour le combattre que nous parlons ici de Pascal; mais au contraire pour faire voir la parfaite conformité de sa doctrine avec la nôtre, sur

› Pensées de Pascal, tom. I, art. x, pag. 274. Paris, 1812.

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