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Dieu, elle éclaire l'homme comme un temple; divine, elle est l'étoile de l'humanité; impersonnelle, elle mène l'individu.

L'homme est capable de liberté par la volonté, centre profond de son être individuel; différente de la raison, qui n'est humaine que par accident, la volonté est l'homme même, c'est lui, c'est moi. Racine, principe actif de l'homme, elle est humaine et personnelle par excellence; elle agit; sous le flambeau de la raison et le charme des passions, elle est tenue de faire sa route et sa destinée, et de porter le poids de la vie. La raison, c'est Dieu, c'est l'universel; la volonté, c'est l'homme c'est l'individu.

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La raison est à la fois hors de nous et dans nous; elle nous apparaît hors de nous, objective, par une intuition vive et pure; et ce rapport de l'homme individuel avec la raison objective, universelle, absolue constitue la religion.

Nous sentons la raison dans nous; subjective, par la conscience, qui présente à la volonté les lois de la raison; et ce rapport de la volonté avec la raison subjective constitue la morale.

Mais ici-bas l'homme n'est pas solitaire; il a des semblables. Intelligent, il rencontre sur son passage des êtres intelligens; libre, des hommes libres. Or, il conçoit qu'il a le devoir de les respecter et le droit d'en être respecté lui-même; et ce rapport de l'homme avec l'homme constitue le droit.

Ce dernier rapport puise sa raison comme les deux autres dans la nature de l'homme : il se conçoit par l'intelligence, il se réalise par la liberté. L'homme est et se sait libre; et ce fait fondamental est la source de conséquences fécondes : car, si l'homme est libre, il doit rester et se maintenir libre; donc il est sacré, et le droit se traduit en obligation. Mais si l'homme est obligé, il est responsable; ses actions se peuvent qualifier bonnes ou mauvaises, et on lui imputera le crime ou l'innocence. Voilà donc comme résultats de la liberté qui se connaît, le droit, l'obligation, l'imputabilité : voilà la condition de l'homme envers ses semblables, ses égaux, ses frères.

Mais en face de la nature, que fera l'homme? Il s'érigera en maîtreet en propriétaire. Ne reconnaissant pas à ce qui l'environne et à ce qui l'enserre les caractères qu'il porte lui-même, ne voyant les objets semés autour de lui ni intelligens ni libres, il les appellera choses, et y mettra la main, et cela d'une ame paisible, avec fermeté, sans remords. Pourquoi ? c'est qu'il n'a rien trouvé qu'il dût respecter, rien de semblable à lui, rien d'égal à sa personnalité. Alors, loin de laisser les choses intactes, il les prend et se les approprie. Une fois touchées par

l'homme, les choses reçoivent de lui un caractère qui les transforme et les humanise; en les attirant à lui, il se les est assimilées autant qu'il pouvait, il leur a communiqué sa nature et sa valeur, et, comme lui, il les a faites à l'égard des autres inviolables et sacrées. Voilà donc comme résultats de la liberté qui se connaît le droit sur les choses et la propriété; voilà la condition de l'homme envers la nature : il en est le dictateur, le maître et le propriétaire.

En résumé, l'homme est libre et sociable. Or sa liberté est la racine du droit, et sa sociabilité en est la forme.

Le droit est donc l'harmonie et la science des rapports obligatoires des hommes entre eux. Il est né du commerce de l'homme avec l'homme, du contact de l'homme avec les choses; il est l'enfant de la vie humaine, de la société, ou plutôt il est la société même : rien de plus réel et de plus vivant. L'homme ne peut toucher l'homme, l'influencer, modifier, maîtriser, posséder les choses, sans voir intervenir le droit qui règle ses actes envers ses semblables et sa dictature sur l'univers. C'est le droit qui réunit les hommes, qui fait le lien social, en faisant à chacun sa part, en gardant comme un trésor la propriété de tous et de chacun, en réglant les sacrifices nécessaires; en protégeant les opinions, les doctrines, les sectes, les religions, tant qu'elles ne sortent pas du cercle qu'il leur a tracé; en planant au-dessus d'elles, prêt à punir les écarts téméraires, les violations de la liberté, dont il est, pour ainsi dire, la religion. Pour nous, dans l'essence et dans la nature du droit, nous ne saurions trouver ni abstraction ni fiction : c'est à nos yeux la raison humaine revêtant sur le théâtre du monde les formes les plus sensibles.

Aussi n'est-il pas facile au scepticisme d'ébranler le droit sur son fondement et dans sa pratique. Il s'attaque avec plus d'avantage aux symboles divins de la religion, aux sublimes hypothèses de l'ontologie; car la religion avec ses mystères, l'ontologie avec ses idées, veulent expliquer les choses; et c'est surtout l'explication des choses qui est l'objet des aggressions les plus vives et des doutes les plus amers de l'incrédulité et du scepticisme. Mais qu'objecter aux choses elles-mêmes, de quoi douter devant le spectacle et le drame du monde, à la vue des actes quotidiens de l'homme, de sa liberté de tous les jours, de ses droits de tous les instans? Je le sais, il est pour l'esprit de l'homme des crises inévitables d'un scepticisme douloureux et passager; à force de rouler dans sa sphère, c'est-à-dire de tourner sur elle-même, parfois la pensée fléchit et se trouble, la raison s'obscurcit et arrive à douter d'elle-même. Eh! qui, au milieu du torrent des opinions et des sciences humaines, ne s'est pas quelquefois écrié avec Faust:

<< Philosophie, jurisprudence, médecine, et toi aussi, pauvre théo»logie, vous ai-je assez étudiées, à la sueur de mon front? Et mainte»nant me voilà, pauvre fou, aussi savant qu'auparavant. Oui, on » m'appelle maître et docteur, et voilà bien dix ans environ que je >> mène mes écoliers par le nez, et je vois que nous ne pouvons rien >> savoir! Ah cela me ronge le cœur (1)! »

Mais quand notre esprit se calme peu à peu, quand le sang ne brûle plus la tête et le cœur, et que la pensée redevient sereine et pure, alors nous retrouvons la foi qui fait la force, et si nous considérons soit la nature et son tabernacle, soit l'histoire et son théâtre, nous nous appliquons avec fermeté à les connaître et à les comprendre sans désespoir et sans injure. Certes, si parmi les idées que porte l'esprit de l'homme, il en est une certaine, c'est l'idée du droit qui à chaque instant tombe en acte, rend d'elle-même, à toute heure, d'irrécusables témoignages, et constitue partout et sous tous les climats l'état et la société. Il y a dans cette sphère quelque chose de plus ferme et de plus stable qu'ailleurs ; tout y est plus réel, plus solide et plus positif.

Gardons-nous toutefois d'isoler le droit et sa science du reste des choses et de la réalité. Sans doute, pour l'étudier, il faut l'abstraire et le distinguer; mais pour le comprendre il faut le rattacher à tout ce qui est. Le droit est une partie de la morale; il en est la partie extérieure, pour ainsi dire, la partie obligatoire envers les autres. La morale ellemême est une partie de la psychologie, et la psychologie, centre de toute connaissance philosophique, se rattache, par ses inductions laborieuses, à l'ontologie, science des êtres, science parallèle à la religion, expliquant par les idées ce que la religion traduit par les symboles. Ainsi ontologie et religion, psychologie, morale, jurisprudence, telle est la génération des idées et la hiérarchie du monde moral. Qu'on décide maintenant si le jurisconsulte doit rester étranger à la philosophie et à la théologie historiques.

(1) Habe nun, ach! Philosophie,
Juristerei und Medicin,

Und leider auch Theologie!

Durchaus studiert, mit heissem Bemühn.

Da steh' ich nun, ich armer Thor!

Und bin so klug alswie zuvor;
Heisse Magister, heisse Doktor gar,
Und ziehe schon an die zehen Jahr,
und krumm,

Herauf, herab, und quer,
Meine Schüler an der Nase herum.
Und sehe dass wir nichts wissen können!
Das will mir schier das Herz verbrennen.

CHAPITRE II.

DU DROIT, ET DE SA RÉALITÉ HISTORIQUE,

La nature et la conscience de l'homme contenant l'idée du droit, inévitablement elle doit se manifester dans l'histoire, et s'y développer avec une éclatante énergie. Constatons cette existence éternelle du droit dans la vie de l'homme et des peuples.

Dès qu'un peuple est constitué, qu'il a conscience de lui-même par ses croyances et ses mœurs, et qu'il s'est élevé d'une simple agrégation d'hommes à la société civile, à l'état, à la cité, on peut tenir pour certain que là le droit existe, car il est le fondement de cette société qui prélude par une enfance vigoureuse à une grande destinée. Il est sorti du foyer de la famille, de la tente des patriarches, pour fonder l'état ; il a dépouillé l'expression incertaine et confuse d'une pratique timide et domestique pour entrer dans l'arène de la vie sociale et politique. Mais, à son début, il ne se développe pas d'une manière indépendante : il s'élève et il croît sous les ailes de la religion, qui est toujours la première pensée d'un peuple. Si la morale n'enseigne et n'éclaire les jeunes sociétés que sous l'empire et les formes des dogmes religieux, le droit, qui est une partie de la morale, n'émet ses prescriptions et ses règles que sous l'empreinte et l'autorité de la religion. Alors le droit est divin, le prêtre est législateur, les nations surtout préoccupées de Dieu le mettent partout, jusqu'à ce que, par un changement qui est un progrès, l'homme commence à distinguer et à séparer de la religion la philosophie et la politique, l'état et la science.

Comment dans le premier âge d'un peuple le droit se manifeste-t-il? Par des actes extérieurs et frappans, par des symboles, par le drame. L'imagination appartient aussi bien à la jeunesse des peuples qu'à la jeunesse des individus. Tout s'exprime et s'écrit par des images, des représentations et des simulacres ; ces actes extérieurs ont un sens pro. fond par les idées qu'y attache le peuple qui les pratique ; et les moeurs, cette vie instinctive des nations, expriment seules le droit. Temps presque toujours heureux! époque naïve, où toutes les pensées

de l'homme se manifestent et se produisent avec une gracieuse et poétique énergie! La religion et le droit, avec leurs symboles et leurs images, se nourrissent alors de poésie; et, par leurs mystères et leurs allégories, enchantent la foi pieuse des nations.

Mais aussi il est curieux d'observer comment alors les idées pures et absolues de la conscience se teignent de passions et de préjugés : elles tombent dans la pratique, dans l'histoire; elles dépouillent la pureté philosophique pour revêtir un caractère individuel et un costume national.

Voilà donc les mœurs exprimant seules le droit d'un peuple. Si ce peuple reste long-temps jeune, si des événemens imprévus et de vio lentes catastrophes ne précipitent pas ses destinées et sa maturité, il pourra rester longues années enveloppé dans les voiles et les images de cette civilisation primitive. Mais enfin il arrive un moment où la jeunesse disparaît, et l'imagination avec elle : les idées se réfléchissent et veulent être précisées; les images ne suffisent plus, et le droit passe du symbole à la législation. On écrit le droit, on rédige les coutumes ; ce qui n'était que dans la conscience du peuple passe dans les formules du style législatif.

Il ne faut donc pas confondre le droit lui-même avec la législation. La législation est l'expression, le style du droit, mais elle ne le constitue pas cette distinction est fondamentale, et les ingénieuses études de l'école historique allemande ont fait ressortir cette différence si grave, qui se reproduit chez toutes les nations, tantôt à leur insu,

tantôt à leur escient.

Une famille de pasteurs, qui devint bientôt un peuple, originaire de l'Arabie ou de la Chaldée, émigra vingt siècles avant notre ère en Égypte (1). Elle comptait parmi ses ancêtres Héber, d'où lui vint le nom d'Hébreux. Long-temps elle vécut en Égypte et s'y constitua nation; elle y eut son culte, ses mœurs et ses coutumes. Opprimée, elle trouva dans son sein un homme supérieur, qui se fit son chef et son législateur: Moïse tira les Hébreux d'Égypte, et leur écrivit des lois. Sa législation s'appuie sur les mœurs et les coutumes des Hébreux; tantôt elle les confirme, tantôt elle les épure, tantôt elle les abroge. Sans doute Moïse innova beaucoup; mais, bien qu'au-dessus de son peuple, il avait affaire à lui, et dut respecter beaucoup d'institutions. Aussi dans ses prescriptions se réfère-t-il souvent aux anciennes aux coutumes des pères et des ancêtres. Il fit donc deux choses

mœurs,

(1) Voyez M. Salvador, Histoire des institutions de Moïse et du peuple hébreu, p. 19, t. I.

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