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DAS ERBRECHT

IN WELTGESCHICHTLICHER ENTWICKELUNG, etc.

DU DROIT DE SUCCESSION

ET DE SES DÉVELOPPEMENS

DANS L'HISTOIRE DU MONDE,

FRAGMENT

DE L'HISTOIRE UNIVERSELLE DU DROIT;

PAR ÉDOUARD GANS.

Premier et second volumes. - Berlin, 1824-25.

S'il est de la destinée de l'homme, en face de la nature et du monde moral, d'errer souvent dans ses jugemens et dans ses vues, il dépend de sa volonté de diminuer par ses efforts les chances d'erreur semées autour de lui. Qu'il vienne, au spectacle qu'il se veut donner, la tête ferme et libre de système, avec un génie prompt, mais qui pourtant sache attendre la vue même des choses, il verra aussi clairement qu'il peut voir, jugera aussi bien qu'il peut juger. Ce sont là les spéculations d'un Machiavel et d'un Montesquieu. Sans doute ils se sont trompés; et souvent, avec tout leur génie, ils n'ont fait que se payer d'éblouissantes illusions; mais enfin ils ont bien connu les devoirs et les limites

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de l'humaine nature; ne se mettant pas, eux et leurs idées, à la place de l'humanité, ils l'ont instruite par sa propre histoire, qu'ils lui ont voulu raconter sincèrement. Cette méthode, qui rallie aujourd'hui presque tous les esprits, conduit à la philosophie de l'histoire, science que notre siècle n'a pas trouvée, mais dont il a plus que tout autre l'intelligence et le goût. Étudier les faits, ne les élever à des formules générales qu'après un mûr examen, raconter, puis conclure, attendre que les résultats de l'expérience confirment ou redressent les vues premières de l'esprit, n'arriver à la philosophie de l'histoire qu'après avoir chanté dans une vaste épopée les hommes et les choses, ne sacrifier le drame du monde à aucun système, voilà ce que nous demandons aujourd'hui à ceux qui s'offriront pour écrire l'histoire de l'humanité.

Il semble qu'avec cette disposition d'esprit, nous accueillerons avec peu de faveur ces génies inflexibles qui, avant d'observer les choses, ont résolu de les accommoder à un système qu'ils ont prémédité, et de faire entrer le monde dans leur théorie. Ils ne tirent pas des faits et de l'histoire une philosophie; leur prétention est contraire : d'une philosophie qu'ils ont arrêtée d'avance ils veulent abstraire l'histoire de l'humanité, et ne voir dans les faits que des expressions inévitables de leurs propres idées. Si cette audacieuse façon de faire mène moins que toute autre sur la trace de la vérité, les esprits qui se la permettent commandent l'attention et le respect, car presque toujours ils sont vigoureux et puissans. Ordinairement ce sont des métaphysiciens, quelquefois des poètes. Leur génie artiste, qu'il se manifeste par des abstractions intraitables ou des inspirations fougueuses, façonne les choses à son image, ne les voit plus que comme il les a faites, et laisse après lui une suite brillante d'erreurs qui étonnent l'esprit, l'ébranlent et le fécondent.

Ces réflexions, le livre de M. Gans nous les a suggérées. Il a écrit son Histoire générale du droit de succession sous l'inspiration d'idées philosophiques vivement empreintes dans son esprit. L'histoire n'est pour lui que la preuve d'une théorie. Elève du célèbre professeur de philosophie de Berlin, M. Hegel, il a voulu importer les idées de son maître dans l'histoire du droit; mais ici quelques éclaircissemens sont nécessaires.

En Allemagne, il y a plusieurs années, l'école historique, qui continue d'y fleurir, dans la science du droit n'avait point de contradicteurs; Thibaut, après la querelle sur les codes et la codification, avait suspendu toute polémique. Libre de se développer en paix, l'école historique n'agrandit pas assez ses vues et ses travaux; elle continua de

concentrer ses efforts sur le droit romain et sur le droit allemand (1), se borna à des dissertations spéciales sur des points isolés, ne s'ingéra pas d'étudier lés législations des autres peuples, et de plus, eut le malheur de dédaigner et peut-être même de calomnier la philosophie du droit. Cependant le moment n'était-il pas venu d'élargir et de changer ses études ? Elle savait le droit romain et le droit national. Pourquoi ne pas s'élever de cette connaissance à l'examen des autres législations, ne pas les étudier, les comparer, ne pas parvenir à des notions universelles sur l'histoire du droit, et leur associer la philosophie qui serait sortie de la double inspection de l'homme et des peuples? En est-il donc dans les sciences comme en politique? Une école comme un parti ne peut-elle suffire qu'à une époque et à un mouvement?

Il faut en convenir, les jurisconsultes de l'école historique montraient, par leur méconnaissance de la philosophie, une ignorance vive de la nature des choses. C'était dans la science du droit, c'est-à-dire de ce qui est juste, légitime et obligatoire pour l'humanité, qu'ils omettaient la philosophie, c'est-à-dire la source de ce qui est juste et vrai. Ils étudiaient les législations, considéraient les formules et les théories soit pratiquées, soit écrites chez différens peuples ; et ils n'avaient pas la pensée de chercher la cause et l'esprit de ces appareils et de ces symboles. Inévitablement cette erreur devait être relevée, et la philosophie rappelée au sein de la jurisprudence.

Kant, après avoir, dans ses trois critiques, établi et confirmé le système qui changea la face de la philosophie moderne, avait, vers la fin du dernier siècle, tenté de jeter les fondemens de la métaphysique du droit (2). Nous ne voulons aujourd'hui ni les exposer ni les discuter. Remarquons seulement que les doctrines de Kant exercèrent sur l'histoire du droit peu d'influence. Elle passèrent, il est vrai, dans l'enseignement sous le nom de droit naturel, furent exprimées ou travesties dans une foule de manuels, d'élémens; mais, malgré cette propagation apparente, elles ne restèrent pas moins sans puissance véritable sur les études historiques. On écrivait l'histoire du droit sans s'embarrasser de la philosophie nouvelle; les jurisconsultes historiens semblaient ne la connaître que pour mémoire, et vaquaient à côté d'elle, avec une sécurité parfaite, à leurs affaires et à leurs idées.

Fichte vint après Kant porter la main sur la philosophie du droit (3). Du haut de son idéalisme transcendental, de sa théorie du moi, il définit le

(1) Le savant recueil de l'école historique, Zeitschrift für geschichtliche Rechtswissenschaft, si riche en documens, témoigne de cette préoccupation exclusive.

(2) Metaphysische Anfansgründe der Rechtslehre.

(3) Gründlehre des Naturrechts nach Principium der Wissenschaftslehre. Jena, 1796.

droit, son principe et sa forme. Mais encore ici la science du droit et les jurisconsultes restèrent étrangers à ces hautes spéculations : le monde philosophique seul en fut ému.

On le voit, l'école historique vivait en paix dans son oubli de la philosophie. Elle s'inquiétait peu des méditations contradictoires, et inaccessibles à la foule, de Fichte et de Schelling, et des manuels innombrables du droit naturel qui inondent les universités allemandes. Ni le génie de ces penseurs, ni le cours routinier des études philosophiques, ne menaçaient la jurisprudence d'une commotion. Pour que l'école historique reçût une attaque, il fallait qu'un philosophe trouvât des disciples chez les jurisconsultes. Cela s'est rencontré. Le philosophe est M. Hegel, et le disciple M. Gans (1).

M. Gans convenait bien, par la nature de son esprit et de son talent, au rôle d'agresseur. Jeune, ardent, spiritualiste enthousiaste, tête dogmatique, imagination forte, ce fut pour lui un vrai plaisir de rompre ouvertement avec l'école historique, et de lui témoigner son dédain. Dans la préface de son Histoire, il lui fait le procès sans ménagement; il lui reproche son ignorance absolue de toute philosophie; il l'accuse de ne tenir aucun compte de la raison et de la liberté de l'homme, de ne voir dans le droit qu'un enchaînement de coutumes et de mœurs, d'en bannir le principe intelligent et divin, et de sacrifier toujours le présent au passé. Il est temps, dit en substance M. Gans, de sortir de ces voies étroites et fausses, et de se rallier à une philosophie vivante, concrète, qui, ne reposant plus sur des abstractions vides, serve de centre et d'appui à toutes les sciences positives. Jusqu'ici la science du droit ne s'est. pas assez ressentie de cette révolution philosophique. Cependant, dès le dernier siècle, Montesquieu avait donné un grand exemple. Il embrassa l'idée universelle de l'histoire, et vit l'esprit des lois et des choses. De nos jours, trois jurisconsultes ont étudié largement la science, Grolman, Feuerbach et Thibaut; ils conçoivent la philosophie, et ne rétrécissent pas l'histoire. C'est ce que ne fait pas l'école historique, qui, toujours ensevelie dans un coin du monde, et ne s'élevant jamais, manque constamment l'idée universelle qui vivifie la réalité. Et cependant la science du droit est indépendante des formes, et ne doit s'arrêter ni à un pays, ni à une législation. Elle a deux faces: elle est un art, elle est une science. Comme art, elle préside aux intérêts positifs du pays, les règle et les modère. Comme science, elle est une partie de la philosophie, n'est ni allemande ni romaine, détermine son étendue par la vérité même des choses, et non plus par la convenance et l'utilité d'un pays;

(1) M. Gans s'était déjà fait connaître dans la science, avant la publication de son Histoire, par des Scholies sur Gaius et un Traité des obligations.

et tantôt philosophique, tantôt historique, doit, pour être vraie, embrasser la nature complète de l'homme et l'histoire entière de l'humanité. Hegel a inspiré ce livre. Tout ce qui s'y peut trouver de substance et de valeur lui appartient. >>

Ces idées sont grandes et vraies. Oui, il y a dans l'histoire du droit et des législations, comme dans l'histoire des religions, des faits universels et absolus, qui se reproduisent toujours et partout, qu'il faut reconnaître et distinguer de ce qui n'est dans les divers pays qu'accidentel et national, et dont il faut chercher l'expression et les formes dans les annales de tous les peuples. Voilà pourquoi écrire l'histoire universelle du droit est chose possible et juste, bien qu'effrayante; voilà pourquoi écrire l'histoire du droit sans critique philosophique est une entreprise peu rationnelle. D'accord avec M. Gans sur ces bases fondamentales, examinons maintenant son point de départ,

De son aveu, cet historien est arrivé à la considération de son sujet et au spectacle des choses, pénétré d'idées philosophiques qu'il tenait de son maître, et dont il a voulu trouver la représentation et la mise en scène dans l'histoire du monde. Ainsi, avant tout examen des faits, l'auteur a un système, et un système d'autant plus impérieux et difficile à manier qu'il n'en est ni l'inventeur ni le maître, et que ce système est pour lui comme une opération métaphysique dont il s'est chargé de faire la preuve par l'histoire. Les hommes de génie qui jusqu'ici ont tenté l'histoire universelle ne procédaient pas ainsi. C'était des choses elles-mêmes qu'ils faisaient sortir la philosophie; et puis tout leur appartenait, examen des faits et conclusion, récit et système, drame et métaphysique : si bien que dans leurs mains il se formait, des choses et des idées, un tout complexe et vivant. Ainsi Vico, dans la Science nouvelle, historien et philosophe tout ensemble, interroge les faits, cherche leur langage, pénètre le symbole, raconte le mythe, et révèle l'esprit. Alors vraiment le monde est pour lui comme la forêt enchantée du Tasse; tout y est mouvant et animé, tout y vit, tout y marche. C'est l'intelligence philosophique qui a tout vivifié; mais cette intelligence n'est sortie qu'après un long travail de l'obscure réalité. Tantôt il a fallu la tirer des ruines et des décombres du passé, tantôt la saisir sous les voiles les plus épais et au fond du sanctuaire, tantôt la deviner sous d'éclatans mensonges et de merveilleuses fantasmagories.

Tel est donc le point de départ de M. Gans, idées philosophiques précises et déterminées avant l'observation des faits. On comprend dèslors qu'on ne trouvera pas dans son livre une histoire véritable, mais des vues mises en saillie, des aperçus ingénieux et neufs poussés jus

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