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guait profondément, pour subsister à part et la dominer de son esprit. Aussi, pour l'Église, le type universel l'emporte toujours sur le caractère local; et ici particulièrement il n'y a pas à relever de différence de pays et de race; partout l'Église cultiva le droit romain et se dirigea d'après ses principes. Nous en voyons la preuve dans des morceaux isolés, tels que les lettres de Grégoire-le-Grand, un écrit d'Agobard, les lettres du pape Jean VIII, les ouvrages de l'évêque Hincmar, et d'autres documens; enfin dans les collections du droit canonique.

Là se termine la première et la plus importante partie du livre de M. de Savigny. Voilà donc fournie la démonstration éclatante de la durée du droit romain pendant et après les conquêtes des barbares; il est clair que le droit romain, puisqu'il n'a pas péri, est devenu un des élémens de notre monde moderne, et que, s'associant aux établissemens barbares et au christianisme, il a été comme eux un des fondemens de notre constitution politique et légale. Tel est le fait qu'il est légitime de dégager de toutes les preuves accumulées par M. de Savigny.

Un autre spectacle nous attend: c'est l'histoire du droit romain depuis le douzième siècle. Ici plus de révolutions politiques, la caractère scientifique domine, et l'histoire purement littéraire commence.

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Nous avons retracé l'existence politique du droit romain pendant le moyen âge; nous passons à sa rénovation scientifiqué. Jusqu'au douzième siècle il n'avait subsisté que comme législation positive des vaincus, et n'avait été un des élémens de la civilisation du moyen âge que pour la pratique des affaires et de la vie civile. Mais, au douzième siècle, il eut des écoles, devint une théorie, et partagea avec la théologie et la scolastique le domaine de la science. Fait unique dans l'histoire! la législation morte d'un peuple détruit va devenir pour l'Europe entière une science politique et sociale, dont la théorie sera aussi nécessaire et aussi florissante que la pratique. C'est surtout la France qui, depuis le moyen âge jusqu'à la fin du dernier siècle, n'a pú échapper à l'esprit romain, et qui, malgré l'originalité du génie national,

en porte l'empreinte dans sa littérature et dans ses lois : ainsi nous allons sans effort de Virgile à Racine, de Tacite à Montesquieu, et nous avons commenté la plus grande partie de notre droit civil à l'aide des décisions de Papinien et des travaux de Cujas.

L'origine, le commencement et les premiers temps de la culture. scientifique du droit romain en Europe, tel est le sujet de la seconde partie du livre de M. de Savigny, qui dès-lors devient une véritable histoire littéraire. Il est curieux d'observer les procédés qu'y emploie l'érudition de l'auteur. Jusqu'à présent nous n'avons en France aucune idée de pareils travaux si pénibles à faire, si précieux à consulter. D'abord, M. de Savigny commence par dresser un vaste catalogue critique de toutes les sources proprement dites et de tous les ouvrages composés sur la matière. Cela fait, il ne craint pas de consacrer un demi-volume à l'histoire des premières universités du moyen âge et de leur constitution; arrive aux glossateurs; expose à quelles sources du droit romain ils purent puiser, quels matériaux ils eurent entre les mains; examine d'une manière générale leur influence et leurs travaux comme professeurs et comme écrivains; enfin, les prenant un à un, écrit leur biographie. Ce dernier travail, qui remplit entièrement le quatrième volume, traite d'une manière si explicite des particularités et des détails qui semblent d'abord étrangers à la science du droit, que, même en s'adressant à l'Allemagne, M. de Savigny a cru devoir le faire précéder de quelques explications qui ressembleraient presque à une apologie. Il expose comment dans la science du droit l'histoire littéraire est nécessaire à l'histoire dogmatique. Quand, dans l'histoire d'une science, on veut comparer le caractère et l'originalité des différentes époques, on a deux points de vue à choisir : on peut ou étudier les découvertes positives de chaque siècle; ou, indépendamment des résultats précis, s'attacher à connaître quel fut le caractère de la science à chaque époque, et comment elle se manifesta dans les hommes les plus remarquables. Quelquefois, il est vrai, ces traces précieuses disparaissent, effacées par les révolutions; et cependant combien il serait utile de ne pas les perdre! Chaque époque a eu ses influences fécondes, et, si nous pouvions toujours ajouter à nos forces celles des temps passés, nous arriverions à les doubler. L'histoire littéraire peut seule tenter de ressusciter les temps qui ne sont plus; elle y réussira, surtout si elle ne s'épargne pas les faits et les détails, tout en portant la critique dans son érudition. Il faut savoir choisir. Quand l'esprit général d'une science se produit quelque part sous des formes individuelles qu'anime la vie, et que de ce mélange de ce qui est général et de ce qui est individuel sort ce que nous appelons l'originalité, c'est

là qu'il faut s'arrêter long-temps avec une curiosité savante. Ainsi, pour revenir à l'histoire du droit, il est manifeste que l'époque des glossateurs est bien autrement féconde que celle qui les suit. Les glossateurs vous confondent d'étonnement avec leur intelligence si vive et si libre, tandis que leurs successeurs marchent sans indépendance et sans force dans la route qu'ils trouvent tracée. Il faudra donc s'étendre davantage sur le douzième et le treizième siècle que sur le quatorzième et le quinzième, et arracher de l'oubli, à l'aide des manuscrits, des ouvrages trop ignorés. Voilà comment M. de Savigny entend l'histoire littéraire du droit; tels sont les avantages que s'en promet ce grand jurisconsulte.

Il ne nous sera pas très-difficile de resserrer en quelques pages les principaux résultats de ces deux derniers volumes. M. de Savigny entre dans mille petits détails qu'il nous sera permis d'omettre; nous supprimons aussi les réfutations toujours fort explicites des opinions qui lui semblent erronées, et les preuves multipliées qu'il donne des siennes. Nous ne devons, pour être utile, que dégager les faits essentiels du milieu de tant d'érudition.

Le droit romain subsistait en Europe, on l'y pratiquait, on l'y étudiait; mais la pratique et la théorie étaient sans force et sans éclat, quand tout-à-coup, au douzième siècle, il se réveille de cette langueur, et jette un vif rayon de lumière; il se forme à Bologne une brillante école dont la renommée passe les Alpes; de nombreux écoliers s'y rendent de toutes les parties de l'Europe, retournent répandre dans leur patrie les belles connaissances qu'ils viennent d'acquérir, les propagent de mille façons, par les décisions qu'ils rendent, par des écrits, et bientôt par des écoles à l'imitation de Bologne.

D'où sortit cette merveilleuse révolution? Est-ce d'une volonté du pouvoir? Non, mais d'une nécessité intime et profonde. Les villes lombardes étaient riches et peuplées. L'activité de leur commerce et la variété des transactions qu'il amenait demandaient un droit civil perfectionné. Les lois germaniques n'étaient plus en harmonie avec cette prospérité, non plus que les connaissances médiocres que l'on avait sur le droit romain; mais on avait les sources de ce droit si riche, et la science pouvait à elle seule, avec ses travaux, mettre la Lombardie en possession d'une législation qui répondît à tous les besoins. Déjà le droit personnel disparaissait entièrement avec l'antique société. Depuis Charlemagne, on s'était habitué à considérer une grande partie des peuples et des États de l'Europe comme étroitement unis, et à reconnaître, au milieu des diversités nationales, quelque chose de commun. Ce qui était commun, c'était l'empire, l'église, la religion, l'usage de la langue

latine, et enfin le droit romain, qu'on ne regardait plus comme le droit particulier des provinces romaines, mais comme le droit général de la chrétienté, opinion qui le rehaussait dans l'esprit des peuples et concourut à étendre son influence. On a beaucoup exagéré le secours que lui prêtèrent les empereurs de la maison de Souabe. Le mouvement partit de la société, tant pour la pratique dans les tribunaux que pour l'institution des écoles, et le privilége octroyé par Frédéric II n'est qu'une reconnaissance honorifique de ce qui s'était fait sans lui. L'étude du droit romain n'était pas une affaire de parti dans la lutte des villes lombardes contre les empereurs; il y avait plus de Guelfes que de Gibelins parmi les jurisconsultes célèbres, et Bologne, où florissait surtout la science, était l'ennemie des empereurs. Mais ce qui contribua à placer très-haut le droit romain fut la condition sociale des jurisconsultes, qui, dans les villes libres, formaient un corps, étaient chargés d'emplois importans, de hautes dignités, et jouissaient d'une considération singulière. Aussi les hommes des plus nobles familles se livraient à la science, et y portaient un sens pratique et une dignité vraie. De là la supériorité de l'école de Bologne. Est-ce le hasard qui a fait de l'école de Bologne le centre de cette révolution scientifique? Non: ses richesses, sa prospérité, le voisinage de Ravenne, où s'était conservée obscurément une école de droit romain, la destinaient à ce rôle éclatant. Il faut donc jeter un coup d'oeil tant sur sa constitution que sur l'état de l'Italie; mais auparavant disons un mot de la tradition vulgaire qui s'était accréditée sur la renaissance du droit romain.

Plusieurs ont cru long-temps que le droit romain avait entièrement disparu pendant le moyen âge; que le manuscrit unique des Pandectes était resté caché à Amalfi; qu'en 1135, les Pisans, en faisant le sac de cette ville s'emparêrent du manuscrit ; que l'empereur Lothaire II dont ils étaient les alliés, leur en fit présent pour les récompenser, et rendit une loi qui abrogeait le droit germanique en faveur du droit romain. On sait maintenant que penser de la disparition du droit romain pendant le moyen âge. Quant à la loi de Lothaire, il n'en existe pas la moindre preuve, et l'histoire d'Amalfi n'a pour elle que deux témoignages assez légers: un passage d'une chronique écrite en italien, probablement dans le quatorzième siècle, et qui n'a jamais été imprimée; puis, un autre passage d'un poème historique de la même époque (1). Ces deux témoignages viennent deux siècles après l'événement (1) Raynerius de Grancis, De præliis Tusciæ, lib. 3 (In Murat. scrip. t. 2, p. 314); Malfia Parthenopes datur et quando omne per æquor,

Unde fuit liber Pisanis gestus ab illis

Juris, et est Pisis Pandecta Cæsaris alti.

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