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pensée du régicide: témoin ce gentilhomme, sous François Ier, qui, pour avoir confessé à un franciscain la pensée qu'il avait eue de tuer le roi, fut, sur la dénonciation du frère, condamné à mort par le Parlement de Paris. Quant à ceux qui approuvent le régicide, ce n'est pas par des argumens mais par des supplices qu'il faut leur répondre, ainsi qu'à ceux qui doutent de l'existence de Dieu. « Quæ cum divinis et >> humanis legibus perspicua sint, argumenta contraria refellere, homi» nis est et litteris abutentis et otio. Quemadmodum igitur eos qui an » Deus sit necne dubitant, non argumentis sed pœnis acerbissimis re» fellere oportet ; ita quoque statuendum est in eos qui perniciosissimis >> scriptis subditos in principes armare consueverunt (1). » Bodin passe à l'aristocratie, qu'il définit ainsi : « Aristocratia reipublicæ forma quæ>> dam est in qua minor pars civium in universos et singulos cives >> summæ potestatis jus habet (2). » Et l'aristocratie peut tourner ou au pouvoir absolu, ou à l'oligarchie. Ici Bodin examine les différens gouvernemens aristocratiques, Gènes, les cantons suisses, Genève, Raguse, Lucques, et Venise. Il parle de cette dernière république en maints endroits de son livre, et n'a peut-être pas été sur ce point inutile à Montesquieu. Qu'est-ce que l'état populaire? « Respublica popularis est in >> qua cives universi aut maxima pars civium, cæteris omnibus non >> tantum singulatim, sed etiam simul coacervatis et collectis imperandi » jus habent (3). » Nombreuses disquisitions historiques sur la manière dont se donnent les suffrages dans les différentes démocraties. «Hæc po» pularium civitatum exempla proposuimus ut popularium rerumpubli>> carum vis et natura melius intelligeretur. Est igitur respublica » popularis in qua populi pars maxima, seu viritim, seu centuriatim, » seu tributim, seu curiatim, suffragia ferantur, jura majestatis ha» bet (4). »

Je serai très-court sur le troisième livre. Bodin entre dans des détails qui appartiennent à tout gouvernement. Il traite du sénat, de son utilité, de sa composition. Le sénat ne doit pas avoir le pouvoir exécutif. Éloge de la justice, qui concourt presque toujours avec l'utilité. Puis il disserte sur les officiers, les curateurs, les magistrats, de l'obéissance du magistrat au souverain, de la puissance des magistrats sur les particuliers, des rapports des magistrals les uns avec les autres, des corps, colléges et corporations, des différens ordres de citoyens.

(1) Lib. 2, cap. 5, An liceat manus inferre tyranno, clc.

(2) Lib. 2, cap 6, De aristocratia.

(3) Lib. 2, cap. 7, De populari statu.

(4) Ibidem.

Au quatrième livre reviennent des matières plus générales. L'auteur examine comment les États commencent, s'élèvent, s'affermissent, changent, déclinent et tombent. Puis il se demande si l'esprit ne peut prévoir les révolutions des empires. C'est ici qu'il faut saisir ce mélange de philosophie et de surperstition, de mysticisme et de liberté qui distingue Bodin. Il a vu que dans le monde de l'histoire il y avait des causes nécessaires. « Quoniam theologorum ac philosophorum » omnium decretis constant, res humanas nec præcipiti casu, nec >> fortunæ temeritate ferri, consequens est rerum publicarum inte>> ritus et conversiones a Deo, vel a natura, vel ab hominum arbitrio >> ac voluntate pendere: id est a divina potestate, nullis interjectis » causis, aut ab ipsa naturalium causarum et effectionum serie ac >> consecutione sic apta, et ab immortali Deo colligata, ut prima ex>>tremis, media utriusque, omnia omnibus inviolabili nexu cohæreant; >> quam Plato ex Homeri sententia catenam auream, id estorsipay xpuoǹy, >> Zeno fatum, cæteri sioici pronœam; Augustus, Panætium opinor, et » Senecam secutus Deum appellavit (1). » Mais l'homme est libre, sans doute, et sa volonté est tellement infinie dans ses actes et dans ses caprices qu'il n'y a point de règles certaines à établir sur elle. D'un autre côté les conseils de Dieu sont profonds et impénétrables. Il ne reste donc plus à interroger que la nature : «Restat naturæ vis, quæ » nec penitus obscura est, et constanti quodam causarum ac effec>>tionum tenore moderata cursum tenet (2). » Ici Bodin se débat avec sa raison contre des croyances qui sentent la cabale et contre de poétiques superstitions. Il se demande si l'astrologie peut prévoir les destinées des hommes et des États, si ces destinées dépendent du cours des astres, de leurs révolutions et de leur harmonie.

Aurait-il imprimé sur le front des étoiles

Ce que la nuit des temps enferme dans son sein (3) ?

Plusieurs l'ont pensé, dit Bodin, mais la chose est difficile. Sed res ipsa difficultatem habet infinitam. Alors il cherche à s'orienter au milieu des opinions infinies qu'ont enfantées la spéculation et les reveries de l'homme sur les astres et les nombres; il les examine en rejette beaucoup, cependant ne peut s'empêcher d'en retenir quelque chose, et finit par conclure que les révolutions politiques peuvent se prévoir, tant d'après les causes humaines que d'après quelques principes sains de l'astrologie et de la science des nombres.

(1) Lib. 4, cap. 2, An rerum publicarum conversiones prospici possint? (2) Ibidem.

(3) La Fontaine, L'Astrologue.

<< Non tamen dubito quin præcepta quædam de rerum publicarum >> conversionibus et obitu certiora tradi possint, si quis modo re>> troacti temporis inde usque ab orbe condito certam rationem ineat; >> et alia cum aliis comparans, alia ex aliis nectens provehatur altius, >> ac historicorum inter se dissidentium varietatem componat; tum >> eliam ex omnibus solis ac lunæ deliquiis ad ultima conditi orbis >> initia recurrens, demonstrationibus certissimis universi temporis >> rationem complectatur; verissimorumque scriptorum narrationes >> inter se, et cum coelestium corporum siderumque trajectionibus et » conjugationibus comparet; eaque cum numeris, quorum in uni» versa natura maxima vis est, annectat et conjungat, quæ infinitis >> obscuritatibus involuta, et in intimis naturæ recessibus abdita ac re» trusa, non inanibus conjecturis, sed perspicuis argumentis venient » demonstranda (1).

Et plus loin : « His igitur propositis exemplis, licet rerum publi>> carum ortus et occasus conjectura quadam consequi, ac rerum ante>> cedentium causas, siderumque varios concursus ac trajectiones >> intuentem eo usque progredi quo rerum earum disciplina ferre po>> test: nihil de rebus ab immortali Deo procul ab hominum sensu » remotius aut temere affirmantem, aut leviter assentientem (2). » Ainsi Bodin entrevoyait la philosophie de l'histoire quand il pensait que le spectacle et l'étude du passé pouvaient enseigner l'avenir : voilà sa force; mais quelle n'est pas sa misère quand il appelle à son secours les divinations des nombres et de l'astrologie! Après cette excursion, il recommande au législateur de ne pas abroger brusquement les lois, et de respecter l'antiquité des mœurs et des institutions. Il examine s'il est meilleur d'avoir des magistrats inamovibles ou des magistratures mobiles et annuelles, s'il est bon que les différens magistrats soient unis entre eux, si l'on peut tirer quelque parti de leurs divisions, s'il est de la majesté du prince de juger lui-même, et il décide que non; si le prince doit prendre le commandement des armées et combattre ses sujets dans une guerre civile. A coup sûr il songeait à Henri III en traitant cette matière et en écrivant cette phrase : « Quod » si factio principem aut rempublicam opprimere tentabit, minime >> dubitandum est an princeps se adversarium ac hostem ferre debeat >> seditiosorum qui se principis ac reipublicæ adversarios omnium >> maximos profitentur; alioqui si cum de statu ac fortunis reipu>>blicæ aut etiam de principis capite agitur, ipse otiosum spectatorem » se præbeat, non modo audacissimos, sed etiam ignavissimos quoque (1) Lib. 4, cap. 2, An rerum publicarum conversiones prospici possint? (2) Ibidem.

>> ad se opprimendum invitabit (1). » Mais il ne faut pas que dans de médiocres séditions la majesté du prince intervienne; elle doit se réserver pour les grandes affaires.

Nous abordons le cinquième livre, et une grave question destinée à émouvoir et partager long-temps encore les esprits, la question du climat. Parmi les modernes, Bodin le premier l'a traitée avec des développemens vraiment scientifiques. Mais d'abord, qu'est-ce que la question du climat? Elle embrasse ni plus ni moins que l'homme et la nature. L'homme, animal de raison et de liberté, a l'univers pour théâtre de cette liberté et de cette raison; mais ce théâtre n'est pas immobile, n'est pas une matière morte: il se trouve au contraire que c'est un être vivant; qu'il palpite sous les pas de l'acteur qui s'y déploie, qu'il réagit contre son action, et qu'il exerce sur lui une influence continuelle et mystérieuse. L'homme et la nature ! quelle opposition! quel antagonisme! Qu'est-ce donc que l'homme? qu'est-ce donc que la nature? Il ne faudra rien moins que répondre à ces deux questions pour résoudre le problème de l'influence du climat, qui renferme à la fois la psychologie, la physiologie, la physique, l'histoire et la littérature. Le premier penseur qui ait abordé la question avec un bon sens qui n'a pas encore été surpassé, et cependant les concurrens ont eu le temps de se produire, c'est Hippocrate. Médecin avant tout, il n'a écrit son ouvrage Des eaux, des airs et des lieux, titre qui, suivant l'ingénieuse remarque de Cabanis, est à lui seul la meilleure définition du climat, il n'a écrit son ouvrage que pour le médecin, et ne prétendait nullement rattacher ses observations à des principes de législation et de politique. Cependant on s'aperçoit à quelques fragmens de son traité qu'il était contemporain de Socrate et de Platon, et qu'il avait eu pour maître de style et d'éloquence Gorgias le Léontin. « Je veux, dit Hippocrate, quand il arrive à traiter de l'in» fluence des lieux, je veux montrer combien l'Europe et l'Asie » diffèrent entre elles, et combien sont variées les formes physiques » de leurs peuples. Raconter toutes les différences sur tous les ob»jets serait infini; il me suffira de toucher les dissemblances les >> plus importantes. L'Asie diffère surtout de l'Europe sous le rap» port des productions de la terre et des hommes: là le climat est » plus doux, les sociétés d'hommes ont des mœurs plus douces et » qui favorisent le travail des facultés intellectuelles. » On reconnaît lå le germe des opinions sur les influences externes qui ont déterminé la philosophie spéculative et rèveuse de l'Orient. Passons à la pein

(1) Lib. 4, cap. 7, An princeps in bellis civilibus, etc.

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ture du caractère moral des habitans de l'Europe. « Les Européens » sont plus aptes à la guerre que les Asiatiques, dont les moeurs sont » plus civilisées. Il faut en renvoyer la cause aux saisons, qui, en » Asie, n'éprouvent de grandes révolutions ni pour le chaud ni pour » le froid, mais présentent une uniformité presque continuelle. Alors » des spectacles imprévus ne viennent pas frapper les imaginations, » et le corps n'est pas arraché d'une manière violente à son assiette » ordinaire; ébranlemens qui excitent plus la colère, communiquent » à l'esprit de l'homme plus de pénétration et de chaleur que no ferait le repos. Car ce sont toujours les révolutions qui plus que toute >> autre chose réveillent l'homme et l'empêchent d'être immobile. >> Voilà les causes de la faiblesse des races asiatiques, causes auxquelles >> viennent se joindre leurs institutions. La plupart des États en Asie » sont sous la domination d'un seul : or, là où les hommes ne » gouvernent pas eux-mêmes et vivent sous le joug; là, rien ne les » excite à se préparer à la guerre, tout au contraire les détourne des » combats. Les périls ne sont pas égaux; il leur faut partir, endurer les » fatigues, mourir pour leurs maîtres; et cela en s'arrachant à leurs en» fans, à leurs femmes, à leurs amis. Leurs exploits amènent-ils quelques » avantages et quelques fruits, leurs maîtres les prennent et s'en nour>> rissent, et cux on leur laisse recueillir les dangers et la mort. » Tirons deux conséquences. Hippocrate reconnaissait l'influence puissante des institutions, et il avait un sentiment confus de la valeur des facultés morales. Il entrevoyait de plus la différence du caractère spéculatif des Asiatiques, et de l'esprit politique et raisonneur des Grecs. Sans pousser sa pensée jusqu'au bout, il entrevoyait pourtant que le climat était pour quelque chose dans cette différence, et que la tribune aux harangues n'avait pas pu s'élever à Suze ou à Ecbatane: un moderne n'aurait pas manqué de donner à ce rapprochement une forme antithétique; mais ces anciens sont si grands, qu'ils sont toujours simples: quand on verse la lumière, on n'a pas besoin de faire jaillir des étincelles. Platon au cinquième livre de ses lois enseigne que les institutions ne doivent pas ètre contraires au climat. Aristote dans ses problèmes reproduit plusieurs pensées d'Hippocrate.

Bodin, ayant pour devanciers Hippocrate, Platon et Aristote, et après eux Polybe et Galien, partage les hommes en trois classes, les orientaux, les occidentaux, et les mixtes. «< Principio igitur naturas >> eorum qui ad aquilones et austrum positi sunt inquiramus; deinde » eorum qui ad ortum et occasum; post etiam singularem illorum qui >> montes, qui valles, qui palustria, qui arentia loca, qui maritimas >> regiones accolunt, temperationem. Quibus explicatis quantum dis

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