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>>>-Je le sais, répondit Hamédy; mais il s'est >> rendu coupable, et je ne me regarde plus >> comme son fils. Je ne trouverai jamais une si » belle occasion de vous prouver mon dévoue>>ment, de montrer mon zèle pour le service >> du prince, et ma haine pour ses ennemis. >>

>> Les paroles de ce fils dénaturé firent frémir toute l'assemblée. L'alcaïde essay a vainement d'ébranler sa résolution; enfin, il en eut horreur, et, voulant se défaire d'un tel monstre, il lui accorda l'horrible faveur qu'il sollicitait avec tant d'instances. Pendant qu'Hamédy était absent, Sidy-Moulou ordonna à un soldat de se tenir prêt à abattre la tête de cet officier au premier signal.

» Hamédy rentra bientôt, portant la main coupée, qu'il remit tranquillement à un es clave de l'alcaïde. Celui-ci, dans le premier mouvement de son indignation, donne au soldat le signal convenu. Un coup de cimeterre fait voler la tête d'Hamédy aux pieds de Sidy-Moulou; le cadavre tombe, et chacun s'aperçoit qu'il lui manque une main.

>> Cette victime de l'amour filial n'avait demandé à exécuter la sentence du juge que pour sauver son père. Il s'était rendu près du vieillard, et lui avait dit : « Sortez; l'alcaïde >> veut bien vous faire grâce en ma faveur. »> A peine est-il sorti, que le généreux Hamédy se coupe une main, et, enveloppant la plaie dans la longue manche de son doliman, il revient, d'un air calme, rendre compte de sa mission.

>> Sidy-Moulou était pénétré de douleur et de remords, lorsque le vieillard lui-même rentra les mains élevées, et se jeta sur le corps de son fils, en poussant des cris de désespoir. Cette scène pathétique attendrit même les bourreaux de l'alcaïde. Hamédy fut enterré avec honneur dans un lieu particulier, auprès duquel on éleva une mosquée; son père ne lui survécut pas long-temps. >>

KERKABON.

L'action d'Hamédy est certainement le plus beau trait de piété filiale que je connaisse, et il mérite d'être transmis à la postérité.

Concevez, s'il est possible, l'étonnement, ou plutôt la stupéfaction de Sidy-Moulou à la vue de ce corps privé d'une main, et combien fut rapide le passage de l'horreur à l'admiration!

DUHAMEL.

Je trouve étonnant que cette belle action se soit passée parmi des Turcs.

KERKABON.

Espérons, mon cher Duhamel, que l'ange dépositaire du livre de vie ne s'informa pas si l'auteur de ce trait héroïque était Turc, ou chrétien.

FREEMAN.

Je suis tellement frappé de cette touchante anecdote, que je n'ai plus le courage de m'occuper de notre examen.

DUHAMEL.

Remettons la partie à une autre séance; celle-ci m'a intéressé. Je garde ce Voyage à Maroc, et je le placerai avec honneur dans ma bibliothèque.

CHAPITRE XI.

LETTRE DE FLORANVILLE.

La lettre suivante, que j'ai reçue le lendemain de la fête de famille dont j'ai rendu compte dans le chapitre précédent, m'a beaucoup surpris, et peut-être produira-t-elle le même effet sur l'esprit de mes lecteurs. Elle est de Floranville, et c'est son valet de chambre, le fameux Gabriel, qui me l'a apportée.

<< Mon cher Freeman, je me trouve dans la même position que Panurge, lorsqu'il disait à Épistémon, son compère :

« Je suis en fantaisie de me marier. »

>> Vous avez dû vous apercevoir hier que

j'étais, contre mon ordinaire, un peu taciturne et rêveur. C'est que je roule dans ma tête un grand projet. Je commence à m'apercevoir qu'à force de vivre, on finit par n'être plus jeune ; et qu'il peut être utile de se préparer de bonne heure des ressources contre l'ennui et le délaissement qui suivent la dernière saison de la vie. Pour tout dire, en un mot, je suis en fantaisie de me marier.

>> Je vois d'ici votre étonnement. J'ai jeté moi-même sur les maris tant de ridicule, je me suis si souvent amusé à leurs dépens, que je me sens un peu honteux de ma résolution. Mais je suis maintenant convaincu que nous sommes tous entraînés par la fatalité; mon étoile veut absolument que je grossisse le nombre des maris, et si, comme le prétend le vulgaire, les mariages sont écrits là-haut, il est inutile que je prétende résister à ma destinée.

>> Je l'avouerai cependant, si j'avais pu persuader à la belle Pauliska de former avec moi un engagement d'un genre moins sévère,

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