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OPÉRA

OU

MASCARADE DE COMUS.

A l'époque où Milton composa cet opéra, l'art dramatique avait fait peu de progrès en Angleterre. Shakspeare, Ben Johnson, et quelques autres écrivains, avaient travaillé pour le théâtre; mais leurs ouvrages, quelque mérite qu'on veuille leur accorder sous d'autres rapports, se ressentaient de l'enfance de l'art. Un fait curieux, qui n'a pas été remarqué même en Angleterre, c'est que Milton est le premier poète de cette nation qui ait observé la règle des trois unités recommandées par Aristote, et, ce qui vaut mieux encore, par la raison. Ainsi Milton a eu, comme Corneille, la gloire de retrouver les lois es

sentielles du drame; la seule différence qui existe entre eux, c'est que Corneille a perfectionné la scène française, et que Milton n'a point fait d'école.

On représente quelquefois en Angleterre l'opéra de Comus; je l'ai vu jouer à Philadelphie. La représentation produit peu d'effet. L'action est trop simple pour ce genre de drame, et le style est trop épique pour soutenir l'attention du spectateur, qui, au lieu de métaphores et de dissertations morales, voudrait qu'on l'intéressât par le langage et le mouvement des passions.

Les Anglais ont fait cependant à cet opéra quelques changements qui lui donnent un peu plus de vie et d'intérêt. Je me servirai dans cette analyse, selon que je le jugerai nécessaire, de la pièce originale ou de celle qui a été adoptée par les comédiens de Drury-Lane et de Covent-Garden. Les personnages de cet opéra sont : Comus ; une princesse, et ses deux frères égarés dans la forêt où Comus a établi son séjour; deux génies; Euphrosine, l'une

des trois Grâces; Sabrina, déesse de la rivière de Saverne; suite de Comus; bergers dan

seurs.

La scène est dans une forêt peu éloignée du château de Ludlow.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIÈRE.

Un génie paraît sur la scène.

<< Ma demeure, dit-il, est dans les cieux, devant le seuil étoilé du palais où Jupiter tient sa cour. Là résident dans leurs sphères ces esprits aériens revêtus de formes immortelles, lesquels respirent l'air tranquille et pur de ces douces régions, loin du tumulte et des vapeurs grossières de ce point nébuleux que les hommes appellent la terre. Ceuxci, confinés dans leur chétive bergerie, s'efforcent de conserver une existence fragile et agitée, sans penser aux récompenses que la

vertu décerne après la mort à ses fidèles serviteurs, parmi les dieux élevés sur des trônes

sacrés.

» Il en est cependant qui aspirent par la rectitude de leur vie à porter leurs mains pures sur la clé d'or qui ouvre le palais de l'éternité. C'est vers eux que je suis envoyé. Sans eux je ne souillerais pas mes vêtements parfumés d'ambroisie des vapeurs fétides de ce monde usé par le péché. Mais d'où jaillit cette source d'une pure lumière? d'où partent ces traits doux et brillants qui percent les ténèbres de la nuit? C'est un ministre de Jupiter, et, si j'en crois mes yeux, c'est l'aimable Philadel, l'un de ces esprits célestes qui foulent aux pieds la voûte radieuse du firmament (1).

(1) Dans l'ouvrage original, on ne voit qu'un génie qui expose le sujet de la pièce avec aussi peu d'artifice que le prologue dans quelques tragédies d'Euripide.

SCENE II.

Les deux génies se reconnaissent et se questionnent mutuellement. Le premier gé nie satisfait en ces termes la curiosité de son compagnon :

<< Un noble pair gouverne toute cette con-: trée qui regarde l'occident. Sa sévérité tempérée par la sagesse, son autorité adoucie par la confiance, font aimer ses lois à une antique nation pleine de fierté, et célèbre par ses exploits.

» Son manoir superbe est situé au fond de cette vallée champêtre. Il a une fille et deux fils encore à la fleur de l'âge, élevés dans les vertus royales, et qui doivent venir ici pour accompagner la pompe de leur père et la remise du sceptre qui lui est nouvellement con fié. Ils n'ont d'autre chemin à suivre que les sentiers obscurs de cette forêt redoutable, dont la sombre profondeur, agitée par la tempête, menace le voyageur égaré. Si je

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