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Louis XIV, parce que nous sommes loin de le regarder comme un monarque accompli, et qu'en rendant justice aux qualités qui l'élèvent au-dessus de la foule des rois, nous déplorons les fautes de son règne et les attentats de son despotisme. Nous savons le motif des éloges pompeux dont il est l'objet : c'est le pouvoir absolu qu'on divinise dans Louis XIV, et que, faute de mieux, l'on veut nous faire adorer. Tout homme qui ne baisse pas la tête devant l'idole monarchique est en butte aux invectives d'un parti qui se trouve réduit à cette dernière ressource de l'impuissance. Tel libelliste, qui n'échappe à l'oubli qu'à l'aide du mépris, répond aux raisonnements par des injures, et ne s'aperçoit pas que l'impudence est la marque infaillible de la sottise; mais ces ennemis de la vérité se consument en vains efforts: elle ne cessera jamais d'avoir des interprètes.

L'une des plus graves atteintes portées aux bonnes mœurs fut la conduite de Louis XIV envers ses maîtresses et ses enfants naturels.

La marquise de Montespan insultait par son

luxe et ses hauteurs à la pénible résignation d'une reine modeste et vertueuse; et le faible monarque élevait les fruits d'un commerce adultère aux honneurs de la légitimité. Cependant Louis XIV soumettait sa raison et sa conscience aux dogmes religieux; il avait auprès de lui Bossuet et Fénelon. Quel bien faut-il donc attendre d'une foi aveugle et d'une piété peu éclairée ? La philosophie, dites-vous, est impuissante à calmer les orages des passions voyez ce que produit la religion!

A l'époque dont je parle, le système des priviléges était tellement perfectionné, que le vice même avait ses prérogatives. Ce seigneur français qui appelait Dieu « le gentilhomme d'en haut » ne pouvait se croire assujetti envers lui aux mêmes devoirs que le peuple des croyants. Il pensait sans doute que de gentilhomme à gentilhomme la distance ne pouvait être considérable, et qu'il devait y avoir entre eux réciprocité d'égards. Cette opinion explique le mot d'une femme de la cour, devant laquelle on exprimait des

doutes sur le salut d'un homme élevé en dignité, et mort en odeur de philosophie.

<< Vous n'y pensez pas, répondit-elle: Dieu y regardera à deux fois avant de damner un homme de cette qualité. >>

Je vois avec plaisir les efforts qu'on fait aujourd'hui pour rétablir l'empire de la religion; et quoique ces efforts paraissent maladroitement dirigés, quoiqu'ils aillent même contre leur but, du moins l'intention est louable. Il serait pourtant à désirer que les ministres du culte catholique, que les princes même de l'église, fussent persuadés qu'il y a quelques lumières en France, quelques connaissances des temps passés: cela leur sauverait la tâche toujours un peu pénible de présenter comme vraies des assertions démenties par l'histoire. Ils vanteraient moins l'inflexible et consciencieuse sévérité du clergé français, dans le grand siècle, objet de leur admiration et de leurs regrets. Je vais citer un exemple de l'indépendante austérité du corps épiscopal sous Louis XIV. Le fameux livre

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de Quesnel venait d'être condamné à Rome par la bulle Unigenitus, dite de la constitution. Cette bulle favorisait toutes les prétentions ultramontaines, et révolta l'opinion publique. Cependant elle fut acceptée par la grande majorité des évêques français; neuf d'entre eux seulement soutinrent l'honneur et les libertés de l'église gallicane. L'évêque du Mans, l'un des acceptants, disait :

« Je n'ai jamais lu le livre de Quesnel, mais j'en ai entendu dire beaucoup de bien; et si, par notre acceptation de la bulle, nous avons mis la foi à couvert, nous n'y avons pas mis la bonne foi. >>

Crillon, évêque de Vence, demandait à l'évêque de Boulogne, l'un des opposants, s'il prétendait corriger le pape.

<< Croyez-vous, répliqua t-il, que le pape soit incorrigible? »

Le cardinal de Noailles ayant donné un mandement pour suspendre l'acceptation de

la bulle, les acceptants en devinrent furieux. Rien ne peint mieux l'opinion qu'on avait d'eux, même à la cour, qu'une plaisanterie de la duchesse de Bourbon. Louis XIV se plaignait devant elle, chez madame de Maintenon, du chagrin que lui causait la division des évêques.

<< Si l'on pouvait, disait-il, ramener les neuf opposants, on éviterait le schisme; mais cela ne sera pas facile.

Eh bien! sire, dit en riant la duchesse, que ne dites-vous aux quarante de revenir à l'avis des neuf: ils ne vous refuseront pas. »

On voit quelle idée on avait de la souple conscience des quarante prélats. L'évêque de Soissons, Sillery, mourut. Dans ses derniers moments, l'horreur des intrigues dont il avait été complice frappa son imagination; il déclama contre la bulle, exhalant ses remords par des hurlements qu'on entendait de la rue. Le nonce du pape, Bentivoglio, était alors à Paris. Cet homme sans mœurs,

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