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aussi à leurs ordonnatrices, car les dames s'en mêlaient, entre autres la célèbre madame de Tencin, sœur d'un prêtre convaincu de faux et de simonie, et depuis devenu cardinal; religieuse sortie de son cloître après un scandale odieux, et devenue maîtresse du cardinal Dubois. Le duc de Richelieu se distinguait dans ces fêtes licencieuses; et, dans ses Mémoires, il a eu la bonne foi ou la vanité d'en convenir. Ces Mémoires sont très curieux. Les dates ne sont pas précises, mais il y a suppléé par des équivalents très heureux. «< C'était dans le temps, dit-il, que dit-il, que madame la princesse de .... aimait M. et M. Ce fut alors que Vauréal, évêque de Rennes, m'enleva madame de Gontaut, et c'est dans cette même année qu'il eut la maréchale et la marquise de Villars. »

Au reste, en nommant ainsi par leurs noms tant de femmes et de princesses, il prétend n'avoir eu d'autre dessein que de leur donner une leçon instructive. Les princesses peuvent, ditil, songer, comme les rois, que ceux de leurs courtisans qui paraissent le plus les adorer

se permettent quelquefois de transmettre à la postérité le tableau de leurs faiblesses. C'est une intention très louable. «< Mais, croirat-on, observe un écrivain célèbre (1), que cette intention ait quelquefois affligé le régent, dans les dernières années de sa vie? C'est pourtant ce qui est certain. Il songeait avec peine que les détails des licencieuses folies de sa cour seraient transmises à la postérité. Il faut croire qu'il ne se reprocha pas moins son gouvernement, qui ne fut guère qu'une orgie d'une autre espèce, et, surtout, que le principal objet de ses remords fut cette affreuse banqueroute dont les effets ont été si funestes à la morale publique. Ainsi, la France avait souffert une fois ce fléau sans en être dédommagée par la conquête de la liberté politique, et en restant soumise au despotisme, cause reproductive de cette calamité comme de toutes les autres. >>

Je terminerai ces observations par un trait

(1) Champfort.

qui montre à quel point l'orgueil nobiliaire, vil bâtard de la féodalité, peut détruire l'humanité dans le coeur de ceux qu'il a corrompus. Le lendemain de la bataille d'Ettinghen, Richelieu fut chargé de faire enlever les morts. On sait que la vue d'un champ de bataille est affreuse le lendemain d'une action; mais ce lui-là surtout faisait horreur, par une circonstance choquante: M. de Richelieu vit «<les corps des gens de son espèce mêlés et confondus sans ménagement avec ceux des simples soldats. >>

C'est ce mélange dont il fut le plus saisi. M. de Richelieu avait raison: c'est là une des calamités qui consternent profondément une âme noble. N'est-ce pas en effet une chose indécente que cette confusion de rangs parmi des gens tués la veille, et chez qui on eût pu si aisément rétablir l'ordre? N'est-ce pas unc malhonnêteté grossière, un manque d'éducation dans le général ennemi, de n'avoir pas, immédiatement après la victoire, commandé le triage des cadavres, afin de séparer du moins les espèces? Cet usage devrait être établi par

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MÉLANGES DE LITTÉRATUre.

les lois de la guerre, et même par le droit des gens. Grotius et Puffendorff sont impardonnables de n'y avoir pas songé (1).

Que conclure de tous les souvenirs historiques que j'ai évoqués : c'est que le règne de la liberté est favorable aux bonnes mœurs ; que la religion s'altère en devenant l'appui du pouvoir absolu; et que l'ancien régime serait aujourd'hui le pire de tous les régimes.

(1) Champfort.

TABLEAU

HISTORIQUE DE L'ÉTAT ET DES PROGRÈS DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE DEPUIS 1789, PAR MARIE-JOSEPH CHÉNIER.

Les Anglais ont oublié que Milton fut le secrétaire de Cromwell; ils ne voient plus en lui que le génie qui, agrandissant l'épopée, atteignit, dans son vol sublime, les dernières limites de l'imagination et de la haute poésie. Dans Milton je vois deux êtres distincts : l'homme a subi la commune loi, sa cendre ignorée reste confondue avec les cendres vulgaires des générations anéanties; mais le poète a survécu; sa pensée impérissable, son âme tout entière, animent encore ces chants immortels qui semblent échappés d'une lyre divine. Tel est le privilége d'un esprit créateur:

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