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et indiquer la strophe alcaïque et la strophe saphique, inventées par Alcée et Sapho, et que nous retrouvons dans les plus belles odes d'Horace.

La strophe saphique est formée de trois vers saphiques suivis d'un adonique. En voici un exemple : Rebus angustis animosus atque

Fortis appare, sapienter idem
Contrahes vento nimium secundo
Turgida vela1.

La chute de la strophe sur ce vers adonique, composé d'un dactyle et d'un spondée, est pleine de grâce. Le rhythme de la strophe alcaïque, plus savant et plus varié, se prête avec un égal bonheur à l'expression des sentiments tendres et des nobles pensées :

Linquenda tellus et domus et placens
Uxor, neque harum quas colis arborum,
Te, præter invisas cupressos,

Ulla brevem dominum sequetur2.

Les deux premiers vers de cette strophe sont alcaïques; le troisième est ïambique dimètre hypermètre 3; le dernier, dactylico-trochaïque.

Citons encore la strophe élégante et noble où domine le vers asclépiade :

Eheu! quantus equis, quantus adest viris
Sudor! quanta moves funera Dardanæ
Genti! Jam galeam Pallas et ægida
Currusque et rabiem parat“.

1. « Montre-toi courageux et ferme dans l'adversité, et par la même sagesse resserre tes voiles enflées d'un vent trop favorable.» 2. « Il faudra quitter la terre, et ta maison et ton épouse chérie, et de tous ces arbres que tu cultives, nul, sinon l'odieux cyprès, ne suivra son maître d'un jour.

3. Hypermètre, qui excède la mesure. En effet, ce vers:

Te præter in visās cuprēs sos,

contient, outre les deux dipodies ïambiques, une syllabe longue. 4. « Quelle sueur pour les chevaux, quelle sueur pour les guer

Le rhythme des choeurs tragiques et des hymnes de Pindare est beaucoup plus libre. Ces morceaux lyriques, dont la prosodie a fait le désespoir des critiques, paraissent n'être rigoureusement soumis qu'au retour périodique des temps forts et des temps faibles marqués par la musique qui les accompagnait. S'ils sont réellement mesurés par pieds, il est bien difficile de le reconnaître, puisque le dochmien, malgré toutes les métamorphoses qu'on lui attribue et sa merveilleuse élasticité, n'a pas complétement répondu à l'espérance de ceux qui ont essayé de scander les strophes, antistrophes et épodes d'Eschyle et de Pindare.

Grammatici certant et adhuc sub judice lis est1.

HORACE.

Nous ajouterons seulement, pour compléter ces aperçus sur le vers métrique, qu'outre l'harmonie résultant du nombre et de la place des pieds, de la combinaison des longues et des brèves, de l'effet des césures et des enjambements ou rejets, la prosodie grecque et la prosodie latine empruntaient une puissance musicale dont il nous est difficile de nous faire une idée, à l'emploi de l'accent tonique, qui élevait la notation d'un certain nombre de syllabes, sans en affecter la durée. Le temps fort, sur lequel la voix montait, s'appelle apois, et le temps faible, où la voix s'abaissait, 9éoic. On comprend combien le retour des accents de cette espèce devait rapprocher du chant la déclamation de la période poétique. Il est plus que vraisemblable que la ma

riers! De combien de funérailles tu menaces les enfants de Dardanus! Déjà Pallas prépare son casque et son égide, et son char et sa fureur.

1. « Les critiques sont aux prises, et la cause est encore pendante. >> Cette curieuse question a été récemment débattue, au profit de la science, entre deux membres distingués de l'Université, MM. Rossignol et Vincent.

nière dont nous récitons les vers grecs et les vers latins aurait fait frémir les contemporains de Sophocle et de Virgile.

De la versification française.

Du vers syllabique.

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Nous arrivons au vers syllabique, et, par là, à la versification française, dont le système diffère essentiellement de celui des Grecs et des Latins.

Du pied et de la césure. -Le vers syllabique ne mesure pas les syllabes, il les compte; mais il est évident qu'un nombre déterminé d'articulations n'aurait d'autre résultat que de donner des lignes de prose à peu près égales. Pour compenser la quantité, dont il ne tient pas un compte rigoureux, et l'atténuation de l'accent tonique, le vers français devait chercher d'autres ressources; il les a trouvées dans cette espèce de coupe qu'on appelle césure', et dans le retour régulier des mêmes consonnances, qu'on appelle rime. La césure donne une suspension, et la rime un élément musical, qui, combinés avec le nombre constant des syllabes, établissent une prosodie qui imprime aux mots ainsi assemblés un caractère profondément distinct de la prose. Nous verrons plus tard que la quantité ou l'accent temporel joue aussi dans ce système un rôle latent, mais réel, qu'on ne néglige pas impunément.

Le P. Du Cerceau, dans ses Réflexions sur la poésie française, a établi, en outre, qu'indépendamment de la rime, de la césure et du nombre des syllabes, la marche du vers doit être différente de l'allure de la prose, et il a montré que ce qui dis

1. Il ne faut pas confondre la césure du vers syllabique avec celle du vers métrique : l'une coupe la phrase, l'autre le mot.

tingue essentiellement notre versification, c'est la construction des mots soumis à l'inversion de manière à tenir l'esprit en suspens, sans toutefois faire naître l'obscurité. La prose, suivant l'ordre logique, marche droit au but; le vers prend une route opposée et éveille plus vivement l'attention par l'incertitude '.

La versification française enferme plusieurs espèces de vers 2: la plus importante est l'alexandrin ou hexamètre, qui se compose de six pieds de deux syllabes. Le milieu du vers est marqué par une césure, ou suspension plus ou moins sensible, et la fin par un son plein qui doit se reproduire comme finale du vers suivant.

1. Ainsi Racine a dû dire en vers:

Aux offres des Romains ma mère ouvrit les yeux.

Transposez les deux termes de cette phrase, vous aurez une ligne de prose, quoique la mesure subsiste. Le puissant effet de l'inversion propre au langage poétique est facile à saisir dans les six derniers vers de cette strophe d'une ode de Malherbe :

La discorde aux crins de couleuvres,
Peste fatale aux potentats,

Ne finit ses tragiques œuvres
Qu'en la fin même des États.
D'elle naquit la frénésie
De l'Europe contre l'Asie,
Et d'elle prirent le flambeau
Dont ils désolèrent leur terre,
Les deux frères de qui la guerre
Ne cessa point dans le tombeau.

L'usage des constructions propres aux vers, introduit dans la prose, donne un langage mixte qui choque le goût. Fénelon, dans son Télémaque, s'est bien gardé d'altérer par cette confusion le génie de notre langue : il a su être poëte par les images, par les caractères, par l'élévation de la pensée; mais, n'écrivant pas en vers, il a sacrifié judicieusement les tours qui appartiennent exclusivement à la versification.

2. Ces diverses espèces de vers se distinguent par le nombre de leurs syllabes. Elles n'ont pas de noms particuliers.

3. Le vers hexamètre français doit le nom d'alexandrin au succès du poëme d'Alexandre, composé en vers de douze syllabes, à la fin du douzième siècle, par Lambert li Tors et Alexandre de Bernay.

Outre la césure qui partage le vers alexandrin en deux sections égales, il y a des césures mobiles, ou coupes, qui varient heureusement la forme du vers. Dans le genre noble, la césure est rigoureusement' soumise au précepte exprimé par Boileau :

Que toujours dans vos vers le sens, coupant les mots, Suspende l'hémistiche, en marque le repos.

Mais dans les genres moins élevés, la suspension se fait à moins de frais, et il suffit souvent que la liaison des deux hémistiches ne soit pas nécessaire, et que la prononciation puisse indiquer un léger repos. Nos jeunes poëtes l'ont souvent méprisée aux dépens du rhythme. La césure, soit mobile, soit constante, ne peut porter sur une syllabe muette sans détruire l'harmonie, car alors elle forcerait la voix à peser sur un son que la prononciation habituelle emporte rapidement. Tel est le principe de la règle qui proscrit l'e muet à la césure.

De l'accent temporel dans les vers français. C'est ici le lieu d'indiquer la part peu remarquée et toutefois importante de la quantité syllabique dans l'harmonie de nos vers 2.

L'accent tonique est moins appréciable en français que dans les langues latine et grecque; mais si la tonalité est presque uniforme, il est évident que la

1. Il faut toujours excepter les cas où la licence produirait une beauté supérieure, comme dans ce vers de Delille :

L'univers ébranlé s'épouvante.... le dieu....

2. En traitant cette question délicate, je crois être fidèle à des souvenirs que m'a laissés l'enseignement si profitable du savant M. Mablin, ancien maître des conférences à l'école normale; il n'a pas moins contribué que M. Boissonade à régénérer l'étude du grec en France. Ce savant modeste, qui s'est dérobé à la célébrité, se survit cependant par le rare mérite de quelques opuscules et l'inaltérable reconnaissance de ses élèves.

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