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indirecte; la Vie d'Agricola, chef-d'œuvre d'un auteur qui, dit Montesquieu, n'a fait que des chefsd'œuvre. Ces deux ouvrages sont complets; les deux autres, les Histoires et les Annales, sont mutilés '. Les Annales embrassaient l'histoire des événements depuis la mort d'Auguste jusqu'à celle de Néron. Sur les seize livres qui formaient l'ensemble des Annales, nous possédons les quatre premiers et un court fragment du cinquième, le sixième, et les derniers, depuis le onzième (le début de ce livre manque) jusqu'au seizième, qui n'est pas complet. Le règne de Caligula est perdu tout entier, et nous n'avons que la fin du règne de Claude. Trois années du règne de Tibère, ainsi que les dernières années de Néron, sont perdues. Le savant Brottier a rempli ces lacunes par des suppléments, comme Freinshemius avait fait pour Tite-Live. Les Histoires ont bien souffert de l'injure du temps. On ignore de combien de livres elles se composaient; mais on peut mesurer approximativement l'étendue de la perte que nous avons faite, puisque les quatre premiers livres et le commencement du cinquième ne contiennent qu'un peu plus d'une année, et que l'ouvrage entier embrassait une période de vingt-neuf ans. On doute que Tacite ait écrit les règnes de Nerva et de Trajan, qu'il réservait pour sa vieillesse 2.

SUÉTONE, qui vivait sous Trajan et Adrien, est l'impassible témoin des temps dont Tacite fut le peintre énergique et l'accusateur. Les Vies des douze Césars ont l'importance de l'histoire et l'attrait de la biographie. Nous pénétrons avec Suétone dans l'intimité des maîtres du monde, et nous voyons les

1. On peut voir sur Tacite l'introduction, la remarquable traduction, les commentaires de M. Burnouf, et les travaux publiés par M. Panckoucke. Il faut y ajouter la traduction de M. Louandre.

2. Quod si vita suppeditet, principatum divi Nervæ et imperium Trajani, uberiorem securioremque materiam, senectuti seposui. Hist., lib. I, cap. 1.

détails de cette corruption qui prépare la décadence de l'empire. Peu de livres sont aussi intéressants '. Lucius Annæus FLORUS, d'origine espagnole, et vraisemblablement de la famille de Sénèque, vivait sous Trajan. Son précis de l'histoire romaine, qui prend Rome au berceau et qui se termine au moment où Auguste ferme les portes du temple de Janus, est plutôt un panégyrique de Rome qu'une histoire. Il est remarquable par l'unité de composition et de pensée. Écrit avec verve, il présente un tableau animé de l'enfance, de la jeunesse et de la maturité du peuple romain. L'énergique concision du récit, la grandeur des lignes, l'éclat des images, et souvent la profondeur des idées, compensent l'affectation du style et le ton déclamatoire qui déparent trop souvent ce précis rapide et coloré, écrit par un rhéteur éloquent.

On n'est pas d'accord sur l'époque où vécut QUINTE-CURCE (Quintus Curtius Rufus), qui écrivit l'histoire ou plutôt le roman de la vie d'Alexandre. Historien sans critique et sans conscience, QuinteCurce est un écrivain; il a l'art de plaire et d'intéresser; ses récits sont attachants; son style, souvent déclamatoire, est toujours pur; et dans ses harangues invraisemblables, s'il n'atteint pas l'éloquence de Tite-Live, qu'il avait pris pour modèle, il l'imite avec bonheur. Il lui a manqué, pour prendre place à côté des grands historiens, la science des faits et l'amour de la vérité. Personne ne s'est joué de l'histoire avec plus d'habileté.

Après les habiles écrivains que nous venons de nommer la décadence de l'histoire est rapide : les compilateurs de l'Historia Augusta, SPARTIEN, LAMPRIDE, VOPISCUS, POLLION, CAPITOLINUS et GALLICANUS, n'ont aucune valeur littéraire; leur

1. M. E. Pessonneaux, professeur au lycée Napoléon, vient de donner (1856) une nouvelle et fort bonne traduction de Suétone.

principal mérite, à nos yeux, est d'avoir conservé la série des faits sous trente empereurs ou prétendants à l'empire, depuis Adrien jusqu'à Dioclétien, et d'avoir inséré dans leurs récits quelques fragments originaux.

Ön estime assez l'abrégé, Compendium rerum romanarum, écrit par EUTROPE, contemporain de Julien. A la même époque, AURELIUS VICTOR, personnage considérable qui fut préfet de Rome et consul, écrivait, sous le titre de de Viris illustribus urbis Romæ, une suite de biographies intéressantes. Ses autres ouvrages historiques, et notamment l'histoire des Césars, de Casaribus historia, peuvent être lus avec plaisir et consultés utilement. AMMIEN MARCELLIN, qui vivait dans le même temps, n'est pas, il s'en faut de beaucoup, un auteur à dédaigner. Son Histoire, malheureusement mutilée, prenait les faits au point où les avait laissés Tacite et les conduisait jusqu'au temps de l'empereur Valens. Ammien est un disciple dégénéré des bons historiens; les défauts de son temps obscurcissent des qualités précieuses qu'une autre époque aurait mises en lumière. Il est impartial et judicieux, il connaît bien ce qu'il raconte et ce qu'il décrit, et il est doué d'une forte imagination. La recherche et la dureté du style lui viennent du siècle où il a vécu. Il est mort à la fin du quatrième siècle, vers 390.

Nommons encore dans cette époque de décadence: PAUL OROSE, qui composa, à la sollicitation de saint Augustin, une histoire universelle dans laquelle il prouve par des faits concluants que les souffrances des peuples ne sont ni une nouveauté ni une exception; CASSIODORE, qui fut revêtu des dignités les plus importantes de l'empire, sous Théodoric, et qui écrivit une Histoire des Goths, dont l'abrégé rédigé par Jornandès est encore un précieux monument; enfin SULPICE SÉVÈRE, qu'on a

flatté en le nommant le Salluste chrétien, mais dont l'Histoire sacrée, résumé de l'histoire universelle, est du moins écrite avec pureté : chose rare et presque merveilleuse au commencement du cinquième siècle.

Si nous poussions plus loin cette rapide revue des historiens qui ont écrit en latin, nous rencontrerions le père de notre histoire, Grégoire, évêque de Tours. Ce nom nous avertit que nous sommes arrivé aux limites de cette partie de notre travail.

Il convient de donner place, dans cette revue rapide des grands écrivains de la littérature latine, à quelques auteurs qui ne sont illustres ni dans la poésie, ni dans l'éloquence, ni dans l'histoire, et qui cependant méritent de ne pas être oubliés.

CELSE (Aurélius Cornélius) a reçu de ses admirateurs le surnom d'Hippocrate latin. Il le mérite sinon par la science, au moins par cette élégante précision du langage qu'il est si nécessaire et si difficile d'atteindre en traitant des sciences. On ne sait pas si Celse a exercé la médecine, mais il en connaissait tous les secrets, et son livre est devenu pour les praticiens un manuel qu'ils consultent aussi utilement que les Aphorismes d'Hippocrate. Cet ouvrage, qui forme un ensemble complet, est détaché d'une espèce d'encyclopédie dont toutes les parties n'avaient pas sans doute un mérite égal. Quintilien mêle un peu d'ironie à l'éloge lorsqu'il dit, en parlant de Celse, qu'il mérite, par la seule volonté qu'il a eue de tout connaître, que l'on croie qu'il n'a ignoré aucune des choses dont il parle : Dignus vel ipso proposito ut eum scisse omnia ista credamus. Quoi qu'il en soit, ce qui nous reste de lui nous fait regretter la perte de ce qui ne nous est pas parvenu. La pureté de son style ne permet pas de douter qu'il ait vécu du temps d'Auguste.

Nous devons revenir ici avec quelque détail sur Sénèque, que nous avons cité pour les tragédies qu'on lui attribue, mais qui est surtout remarquable comme prosateur et comme philosophe dans les traités de morale et dans les lettres qu'il nous a laissés. Annæus SÉNÈQUE, né à Cordoue l'an 2 de J. C., fut élevé à Rome, où le conduisit son père, rhéteur célèbre. Après avoir débuté au barreau avec éclat, il fut poursuivi à l'instigation de Messaline et relégué en Corse, d'où il fut rappelé après huit ans d'exil, grâce à Agrippine, qui le chargea d'instruire son fils Néron. Sous le règne de son élève, il fut comblé d'honneurs et de richesses jusqu'au moment où un caprice du tyran le força de se donner la mort. Il mourut avec courage, laissant un grand nom taché par le souvenir de l'apologie qu'il avait faite du meurtre d'Agrippine. Parmi les écrivains de la décadence, Sénèque est un des plus remarquables: il éblouit et séduisit ses contemporains par les qualités et par les défauts de son style; ses ouvrages, partout admirés, furent mis aux mains des jeunes gens et firent négliger dans les écoles les modèles du siècle d'Auguste. Quintilien combattit cet engouement et ne put le vaincre. Les brillants défauts de Sénèque convenaient à des âmes qui n'avaient plus assez de pureté pour goûter la simplicité et la noblesse des maitres de l'âge précédent. Le vice de Sénèque est de ne rien écrire naturellement : il vise tonjours à l'effet, et il y arrive par des procédés uniformes, la brusquerie des tours, la phrase coupée, le langage métaphorique et l'antithèse. Quintilien exprime fort bien le plus grave de ces défauts en disant: Pondera rerum minutissimis sententiis fregit'. Oui; dans Sénèque la pensée a du poids et de la valeur, mais elle est dépréciée par le morcelle

1. « Il a divisé le poids des choses en menues sentences. »

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