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Première époque. Le moyen âge, les trouvères.

(1100-1454.-12°-15° siècle.)

L'histoire de la poésie en France au moyen âge se trouve comprise dans le tableau général de la littérature de cette époque, tracé par M. Villemain'. C'est là qu'il faut en aller chercher le mouvement et la physionomie. De récentes publications, faites avec soin et discernement 2, ont mis sous nos yeux plusieurs monuments remarquables de cette époque autrefois trop dédaignée parce qu'elle était mal connue, aujourd'hui trop vantée, comme il arrive dans toutes les réactions. Nous n'avons pas la prétention d'indiquer ces richesses antiques; il nous suffira, en choisissant quelques noms, de mettre sur la voie et d'éveiller une ardeur qui pourra se satisfaire ailleurs.

Les compositions en vogue au moyen âge sont, dans le genre épique, de grands poëmes qu'on appelle chansons de gestes, et dont les sujets sont tirés, en général, des exploits de Charlemagne et des douze pairs; il faut y ajouter les romans de la Table Ronde et les poëmes sur Alexandre. Dans les genres inférieurs, les contes sérieux ou badins apparaissent sous le nom de lais et de fabliaux. L'apo

1. Tableau de la littérature au moyen âge, en France, en Italie et en Angleterre.

2. Parmi ces publications, il faut distinguer le Roman de Brut, publié par M. Le Roux de Lincy; Parthénopex de Blois, par M. Crapelet; le Roman de Rou ou Rollon, par M. Pluquet; Berte aux grans piés, Garin le Loherain, le Romancero français, dus à M. Paulin Pâris, membre de l'Institut; Ogier le Danois, par M. Barrois ; les OEuvres de Rutebœuf, par Achille Jubinal, et les nombreuses exhumations de M. Francisque Michel, remarquables par le choix et par la correction des textes. On trouvera quelques détails sur cette époque dans notre Histoire de la Litlérature française (liv. I, p. 1-144).

logue est remis en vogue par des recueils appelés Isopets, d'Esope qui en a fourni les matériaux, aussi bien que ceux des fables agréablement versifiées de Marie de France.

L'allégorie, qui devient, à la fin du treizième siècle et pendant les siècles qui suivent, la principale muse du moyen âge, enfante l'interminable Roman de la Rose, épopée et encyclopédie du treizième et du quatorzième siècle.

Le théâtre, qui succéda à la vogue des chansons de gestes et des romans chevaleresques, nous offre les Miracles, les Mystères, les Moralités, les Farces et les Soties.

Genre héroïque. Entre les poëtes du douzième et du treizième siècle, auteurs de récits historiques, on distingue, après ROBERT WACE, qui a composé les Romans de Brut et de Rou ou Rollon, et qui n'est qu'un chroniqueur en vers, car il n'invente pas, CHRESTIEN DE TROYES, véritable trouvère, dont les poëmes font partie de ce qu'on appelle le cycle des chevaliers de la Table Ronde. La Table Ronde était un ordre de chevalerie institué par le roi Arthus pour la recherche du Saint Graal, vase sacré qui avait servi à la Cène et dans lequel Joseph d'Arimathie avait recueilli le sang de Jésus-Christ pendant sa passion. Ce cycle, où l'on remarque Saint Graal, Tristan le Léonnois, Perceval le Gallois, Lancelot du Lac, embrasse toutes les aventures que M. Creuzé de Lesser a réunies, de nos jours, dans un poëme ingénieux par lequel il aspirait à devenir l'Arioste de la Table Ronde. Charlemagne et ses douze pairs fournirent aux trouvères le sujet de chants héroïques qui entretenaient l'ardeur guerrière dans les esprits. La Chanson de Roland ou Poëme de Roncevaux est la plus célèbre de ces rapsodies héroïques qui se chantaient comme

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autrefois les poëmes d'Homère; elle a pour auteur THÉROULDE, en latin TUROLDUs, qui paraît l'avoir composée dans la seconde moitié du onzième siècle'. HUON DE VILLENEUVE fut, pour cet autre cycle, ce que Chrestien de Troyes avait été pour le précédent. C'est à lui qu'appartiennent Renaud de Montauban, les Quatre fils Aymon, Maugis, Doon de Mayence, etc. ADENÈS OU ADAM LE ROI (ce surnom lui vient de ce qu'il fut sans doute roi des ménestrels) n'a pas composé moins de deux cent mille vers, remarquables par la facilité et une certaine élégance de versification. Il est l'auteur de Berte aux grans piés et des Enfances d'Ogier le Danois. Toute la légende héroïque sur Ogier avait été recueillie et mise en vers de dix syllabes par RAIMBERT de Paris, chevalier et trouvère tout ensemble, dont le style est d'une remarquable énergie. Parmi les poëmes qui se rapportent aux expéditions de Charlemagne, il faut encore citer la Chanson des Saxons, par JEAN BODEL d'Arras, poëme écrit en vers alexandrins.

A côté des poëmes qui célèbrent Arthus et Charlemagne, on rencontre d'autres épopées sur les exploits d'Alexandre2, qui, élevé par les âges précédents aux proportions d'un héros mythologique, prend au moyen âge le caractère chevaleresque. Le Poëme d'Alexandre, récemment publié en Alle

1. Le manuscrit d'Oxford, d'après lequel M. Francisque Michel a publié cette chanson célèbre, paraît antérieur au douzième siècle. On pense que le Théroulde qui se déclare l'auteur du poëme était le précepteur de Guillaume le Conquérant. On sait, par la chanson de Rou, que le jongleur Taillefer chanta à la bataille d'Hastings quelques strophes de ce poëme. M. Génin a donné une édition critique de la chanson de Roland : les amis de notre vieille littérature attendaient avec impatience cette importante publication.

2. Notre vers héroïque tire son nom du Poëme d'Alexandre, écrit en vers de douze syllabes. Ce mètre avait été employé antérieurement, mais le nom d'alexandrin date de la célébrité du Poëme d'Alexandre.

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magne, est l'œuvre de deux poëtes contemporains de Philippe-Auguste, LAMBERT le Court, clerc de Châteaudun, et ALEXANDRE de Bernay ou de Paris : ces deux trouvères, dont la versification est remarquable pour le temps où ils ont vécu, ont suivi dans leurs récits Quinte-Curce quelquefois, et plus souvent le faux Callisthène qui a débité tant de fables sur le héros macédonien. Nos deux poëtes ne manquent pas de donner à Alexandre, pour compagnons de ses exploits, douze pairs, comme à Charlemagne; de plus, ils le font monter dans les airs sur un véhicule qu'emportent des griffons, et descendre au fond des mers et dans les entrailles de la terre.

Les poëmes du cycle carlovingien, ou chansons de gestes, composés de vers de dix ou douze syllabes, sont partagés en stances de longueur inégale, sur une seule rime; la stance finit lorsque la rime est épuisée. L'imperfection de la langue des trouvères est une des causes de l'oubli où sont tombées en France ces productions originales dans lesquelles l'imagination des poëtes se donnait carrière. Le succès du Roman de la Rose et la chute des mœurs chevaleresques les firent négliger dès le quatorzième siècle; mais ils reparurent plus tard, et non sans éclat, dans des traductions en prose. La réaction gréco-latine de l'école de Ronsard les éclipsa de nouveau; les romans pastoraux et héroïques des d'Urfé et des Scudéri les firent oublier, jusqu'à ce que, rajeunis au dix-huitième siècle par la plume élégante du comte de Tressan, ils charmèrent de nouveau l'imagination. Avant cette tardive réhabilitation, le cycle carlovingien avait fourni à l'Italie la matière d'un chef-d'oeuvre, Roland furieux de l'Arioste.

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L'amour chevaleresque ne se produit que dans les romans de la Table Ronde. Il devient une sorte

de religion dans les Amadis, poëmes dont l'origine est douteuse, qui n'ont pas laissé de traces de leur naissance ou de leur passage en France au moyen âge, et que l'Espagne nous a transmis au seizième siècle, époque à laquelle la traduction d'Herberay des Essarts et l'ardeur chevaleresque de François Ier leur donnèrent chez nous une vogue prodigieuse.

Poésie allégorique. Le poëme le plus populaire du moyen âge, le Roman de la Rose, est l'œuvre de deux générations, et se compose de deux parties distinctes: la première, qui appartient au treizième siècle, est de GUILLAUME DE LORRIS, contemporain de saint Louis: elle comprend quatre mille soixante-dix vers; c'est une allégorie galante d'une conquête amoureuse semée de détails agréables, de traits de sentiment et de descriptions souvent ingénieuses; la seconde partie, où plutôt le second poëme, est due à JEAN DE MEUNG, dit Clopinel beaucoup plus étendue que la précédente, elle s'en distingue par l'érudition et l'esprit satirique. Le héros de Jean de Meung est Faux-Semblant, symbole de l'hypocrisie et aïeul de Tartufe; son sujet est le siècle tout entier, avec sa science, sa corruption, ses pratiques superstitieuses et ses préjugés 1.

Genre satirique. Les poëmes satiriques ne sont pas rares au moyen âge. Dans ce genre, on distingue la Bible Guiot, où se trouvent déjà les éter

1. « Guillaume de Lorris, dit M. Ampère, est un poëte chevaleresque pour le fond des sentiments, bien que déjà la forme soit allégorique. Jean de Meung est un pédant plein de verve, qui, dans le livre où son prédécesseur a placé d'élégantes et un peu mignardes personnifications des sentiments chevaleresques, jette à pleines mains l'érudition, la satire, les idées hardies et les images grossières. » Histoire de la formation de la langue française.

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