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trouve dans les pamphlets des protestants, dirigés contre les Guises, des passages véhéments qui rappellent l'éloquence des tribuns de l'antiquité 1. A l'assemblée des notables de Fontainebleau et aux états généraux d'Orléans, réunis par LHOSPITAL, le chancelier fit plusieurs discours remarquables. Dans la première de ces assemblées, l'évêque de Valence, MONTLUC, et l'archevêque de Vienne, MARILLAC parlèrent avec succès. Le véritable orateur de cette époque est Lhospital, qui fit entendre dans toutes les circonstances un langage énergique et modéré, plein d'élévation. L'éloquence de ce grand citoyen mériterait un examen approfondi. Les états généraux deux fois assemblés à Blois n'ont rien légué à l'histoire de l'éloquence, et les états de la Ligue sont également stériles. Pour trouver l'éloquence, il faut la chercher dans les pamphlets des différents partis, dans les mémoires où manifestes publiés par DU PLESSIS-MORNAY, dans les discours patriotiques de DU FAY, petit-fils de Lhospital, dans la correspondance et les proclamations de Henri IV. L'Anti-Espagnol, qu'on attribue à ANTOINE ARNAULD, père du grand Arnauld de Port-Royal, renferme de grandes beautés. Je ne puis qu'indiquer ces richesses oratoires.

Le monument le plus remarquable de l'éloquence politique, au seizième siècle, se trouve dans cette Satire Menippée qui donna, par le ridicule, le coup de grâce à la Ligue : c'est le discours de D'Aubray, prononcé au nom du tiers état, et qu'on doit au jurisconsulte PIERRE PITHOU, un des plus savants hommes et des plus habiles écrivains de cette époque.

Le traité de la Servitude volontaire ou le Contre un, écrit vers 1548 par l'ami de Montaigne, ÉTIENNE LA BOETIE, est une déclamation chaleureuse dans

1. On en trouve plusieurs fort remarquables dans l'Histoire de Régnier de La Planche.

laquelle on rencontre quelques traits de véritable éloquence 1.

La prédication catholique pendant la Ligue n'a laissé d'autres monuments que les déclamations fanatiques des BOUCHER et des PORTHAISE 2.

Pendant la première moitié du dix-septième siècle, l'éloquence politique se développa avec une certaine puissance aux états généraux de 1614, où se distinguèrent le cardinal DU PERRON et RICHelieu, alors simple évêque de Luçon 3. Nous en retrouvons encore quelques traces à l'époque de la Fronde, au moins dans les Mémoires du cardinal DE RETZ, qui embellit sans doute ce qu'il crut reproduire.

L'éloquence religieuse compte, pendant cette période, saint FRANÇOIS DE SALES et son ami l'évêque de Belley, CAMUS, un de nos plus féconds écrivains; saint VINCENT DE PAUL (1572-1660), qui s'éleva à la plus haute éloquence en appelant la compassion des riches sur le sort des enfants trouvés ; JEAN DE LINGENDES, dont on a retenu quelques traits heureux, et le père DESMARES. Un prédicateur singulier, le père ANDRÉ, se fit alors un nom par l'originalité de ses saillies piquantes, mais peu dignes de la chaire chrétienne.

Le barreau, sous Louis XIII, s'enorgueillit des noms de SERVIN et d'OMER-TALON, avocats géné

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1. M. L. Feugère a publié récemment les œuvres complètes de ce remarquable écrivain, prosateur éloquent et poëte distingué en français et en latin. Ces œuvres éparses méritaient d'être recueillies. 2. M. Ch. Labitte a publié, sur les prédicateurs de la Ligue, un volume plein de curieux détails.

3. Un de nos collègues, M. Poirson, a mis en relief, dans un mémoire important, les harangues les plus remarquables prononcées devant cette assemblée, où les trois ordres du royaume furent réunis pendant la minorité de Louis XIII.

4. « Louis Servin, dit M. Dupin, nommé avocat général par Henri IV, eut occasion, sous le règne suivant, de montrer une fermeté invincible, un attachement inviolable, mais éclairé, pour la personne du souverain. Il expira, en 1626, aux pieds de Louis XIII, dans le moment même où il faisait d'énergiques re

raux; d'ANTOINE LEMAITRE, qui se déroba à la gloire et aux honneurs par une retraite prématurée à PortRoyal, et de PATRU, écrivain châtié, avocat désintéressé, quelquefois éloquent.

Troisième époque. Éloquence religieuse et judiciaire (Siècle de Louis XIV).

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Deux productions remarquables, qui doivent le jour à des circonstances accidentelles, réclament une place dans l'histoire de l'éloquence. Il est impossible de passer sous silence les Provinciales de PASCAL (1623-1662); car les lettres sur l'Homicide et sur la Calomnie sont comparables, pour l'élévation de l'éloquence, aux plus beaux monuments de l'art oratoire. Les Pensées, ces fragments impérissables, offrent des pages d'un caractère plus saisissant encore. Dans l'émotion qu'elles causent, je ne sais quel effroi religieux se mêle à l'admiration 1. Les Mémoires de PELLISSON (1624-1693) en faveur de Fouquet sont, au jugement de Voltaire, les seuls plaidoyers écrits en France qui rappellent la manière de Cicéron. Cette éloquente défense du surintendant serait encore digne d'attention, lors même que Pellisson ne l'aurait pas écrite dans l'isolement, sur les marges d'un livre, avec un cure-dent trempé dans de la suie délayée; la langue des affaires et celle de la passion s'y trouvent rapprochées sans effort et s'y prêtent un mutuel appui.

montrances à ce prince au sujet de quelques édits bursaux qu'il avait fait apporter au parlement pour les faire enregistrer d'autorité en sa présence dans un lit de justice. Témoin de cette mort glorieuse, le conseiller Bouguier en conserva la mémoire dans ces deux vers latins qu'a recueillis la postérité :

Servinum una dies pro libertate loquentem
Vidit, et oppressa pro libertate cadentem.

1. Une nouvelle édition classique des Pensées de Pascal a été publiée par M. Prosper Faugère; 1 vol. in-12.

La principale gloire du siècle de Louis XIV est dans la succession ou le concours des grands orateurs chrétiens qui occupèrent la chaire sans interruption pendant plus de soixante ans. BossUET, BOURDALOUE, FENELON, FLÉCHIER, MASSILLON, ne laissèrent pas languir l'admiration publique. Bourdaloue vint relever Bossuet, lorsque celui-ci quitta la prédication pour les soins du préceptorat et de son diocèse, et Massillon prit la parole dès que Bourdaloue cessa de se faire entendre.

Avant ces prédicateurs éminents, LINGENDES (1595-1665) avait entrevu la véritable éloquence religieuse; MASCARON (1634-1703), évêque de Tulle, avait brillé dans la chaire chrétienne; mais il paya tribut au mauvais goût jusqu'à ce que l'exemple des maîtres lui eût appris à sacrifier les ornements affectés. Ce fut alors qu'il composa l'oraison funèbre de Turenne, son meilleur ouvrage.

Parlons maintenant de BOSSUET (1627-1704) avec quelque étendue, car il faut bien s'arrêter devant un nom aussi imposant.

Bossuet a été au dix-septième siècle ce que saint Bernard avait été au douzième, avec cette différence que Bossuet fut l'oracle et l'arbitre de l'Église gallicane, et saint Bernard celui de l'Église catholique; que Bossuet résista à la papauté, et que saint Bernard la dirigea et la protégea ; que le pouvoir temporel eut saint Bernard pour adversaire et Bossuet pour défenseur. Tous deux eurent la Bourgogne pour berceau; tous deux puisèrent dans une sainte et nombreuse famille des exemples de vertu qu'ils augmentèrent; tous deux virent leur père entrer dans les ordres; tous deux, malgré la distance des temps, eurent l'insigne honneur de rouvrir la liste, depuis longtemps fermée, des Pères de l'Église tous deux, ils dominèrent par l'ascendant du savoir et du caractère les assemblées où ils paru

rent; ils portèrent la même vigilance aux intérêts de la foi, le même désintéressement dans les choses. de la terre; ils eurent la même autorité d'éloquence; enfin, tous deux furent entraînés à lutter contre un adversaire qu'ils aimaient, qu'ils admiraient, qu'ils ont vaincu : et ces adversaires, Abélard au douzième siècle, Fénelon au dix-septième, ont trouvé plus de sympathie que les victorieux.

Un coup d'œil jeté sur la vie de Bossuet montre dans la suite de ses travaux, d'abord l'adversaire du protestantisme ramenant, par la mission de Metz, de nombreux dissidents au sein de l'Église; enlevant à l'hérésie le plus illustre de ses apôtres, le grand Turenne; leur ôtant, par l'exposition claire et précise de la foi, tout motif sérieux de dissentiment; réduisant Claude, par une argumentation serrée, au silence ou à la contradiction; confondant les insolentes prédictions de Jurieu, déroulant le tableau des variations de l'Eglise protestante, et par conséquent de ses erreurs, car la vérité est une et invariable; enfin, essayant, avec le grand Leibnitz, de réunir en un seul corps tous les membres divisés de la famille chrétienne. Voilà ce qu'il a fait du côté de l'hérésie.

Dans le sein de l'Église catholique, prédicateur infatigable du dogme catholique et de la morale chrétienne, il montre à tous ce qu'il faut croire et ce qu'il faut faire; il repousse avec une égale énergie la morale excessive de ces docteurs qui font haïr la vertu, et celle de ces casuistes dont les relâchements, la coupable complaisance, excusent le vice et élargissent outre mesure la voie étroite qui conduit au ciel; oracle de l'Église gallicane, il en proclame les principes, sans arrière-pensée de flatterie pour la royauté, sans volonté, mais sans crainte d'irriter le saint-siége enfin il combat à outrance le quiétisme, qui pouvait mener, sous les apparences d'une

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