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publics, à des spectacles nationaux. La suite régulière des strophes, des antistrophes et des épodes leur donne quelque chose de majestueux. Elles tiennent un peu de l'épopée, parce qu'à l'éloge du vainqueur le poëte rattache celui de ses ancêtres, de sa famille et de sa patrie; mais leur principal caractère est lyrique, et c'est dans cette partie surtout que le génie du poëte domine par des mouvements fougueux, fiers, irréguliers; ses images sont grandes et sublimes, ses métaphores hardies, ses pensées fortes, ses maximes étincelantes de traits de lumière. » Pindare paraît souvent obscur, parce que, emporté par son imagination, il supprime le lien de ses idées, ou plutôt parce que ses idées ne s'unissent qu'en vertu d'images qui le transportent rapidement d'un sujet à un autre. On peut le considérer comme un moraliste excellent et comme un croyant sincère : les fables qu'il embellit sont pour lui des vérités : il élève l'âme en peignant la vertu, en exprimant sa reconnaissance pour les dieux et son admiration pour les héros. On doit regretter cependant que l'or tienne une place parmi les divinités qu'il vénère.

ANACREON de Téos, qui florissait vers l'année 530 avant J. C., a donné son nom au genre qu'il a cultivé; rien n'égalait, dit-on, la grâce et la passion de ses chansons amoureuses et bachiques. Parmi les œuvres de ses disciples, mises sous son nom, quelques petits tableaux, tels que l'Amour mouillé, l'Amour piqué par une abeille, sont des modèles. Il fallait beaucoup d'art, ou plutôt un naturel charmant, pour sauver le contraste de la volupté et de la vieillesse, de l'ivresse et des cheveux blancs. Il n'y a guère que du vieil Anacréon qu'on ne puisse pas dire:

Triste senile melos, turpe senilis amor.

Ce voluptueux incorrigible est arrivé à la gloire par le plaisir ce que d'autres ont si chèrement payé n'a été pour lui que le surcroît de la volupté, qui lui suffisait. Il mourut à quatre-vingt-cinq ans, étranglé, dit-on, par un pepin de raisin.

Trois autres poëtes lyriques de cette époque, ASCLEPIADE, PHALÉCUS et GLYCON, ont donné leur nom à trois espèces de vers.

Il faut encore citer, comme ornement de cette période, plusieurs femmes célèbres qui cultivèrent avec éclat la poésie lyrique.

ÉRINNE, née à Téos, faisait partie de l'école lesbienne fondée par Sappho. Elle mourut à vingt ans. Quoique moissonnée si jeune, elle eut le temps de composer, sous le titre du Fuseau, un recueil de poésies qui suffit pour immortaliser son nom. Les anciens la comparaient à Homère et l'égalaient à Sappho. C'est à tort qu'on lui attribue l'ode eis Thy Pouny, qui célèbre réellement la puissance de Rome, et non la force, comme il faudrait l'entendre si ce morceau était l'œuvre de l'élève de Sappho.

CORINNE de Thèbes vainquit cinq fois dans les combats poétiques le jeune Pindare, auquel elle donna plus tard de sages conseils. Il ne reste de cette femme célèbre que de courts fragments en petit nombre, et on a seulement conservé d'Erinne quelques épigrammes. Le temps n'a épargné que la gloire de leurs noms.

TÉLÉSILLE d'Argos, qui marcha sur les traces de Tyrtée, amazone et muse tout ensemble, et PRAXILLE de Sicyone, auteur de dithyrambes, appartiennent à la même époque. Leur bagage poétique se compose pour nous de deux ou trois courts fragments.

Genre dramatique. La poésie dramatique_prit naissance chez les Grecs, dans les fêtes de Bacchus'. Elle sortit du dithyrambe, poëme consacré exclusivement aux louanges de ce dieu, et dans lequel il intercala le récit d'une action jouée d'abord par un personnage unique et représentée ensuite par autant d'acteurs qu'il y avait de personnages prenant part à l'action. Ces dithyrambes étaient l'objet d'un concours dont un bouc était le prix. C'est du nom de cet animal, payos, que vient vraisemblablement le nom de tragédie, quoiqu'on ait proposé pour étymologie tpvyppola, qui signifierait chant des vendanges.

L'art dramatique demeura dans l'enfance sous THESPIS, qui en fut le fondateur, PHRYNICHUS, qui lui succéda, et CHÉRILUS, qui le transmit à ESCHYLE. La tragédie n'était guère alors qu'un monologue mimique précédé, interrompu et suivi de chants et de danses.

ESCHYLE d'Eleusis (525-456 av. J. C.) donna au poëme dramatique sa véritable forme, en mettant sous les yeux des spectateurs tous les détails de l'action et l'image des lieux où elle s'accomplissait. Il consacra ce perfectionnement matériel par le génie, qui fait durer ce qu'il crée. Grand citoyen, soldat intrépide (il était du même sang que Cynégire et Amynias), il employa ses loisirs à la gloire et à l'instruction de sa patrie. Grâce à lui, le théâtre devint une école de courage et de patriotisme; il entretint l'ardeur qu'avaient excitée les guerres médiques, et il fortifia les croyances religieuses par le spectacle des faits héroïques et des légendes mythologiques. Dans ses chœurs, empreints d'une austère moralité, l'inspiration lyrique se sou

1. On peut consulter, pour l'histoire de la tragédie grecque et l'appréciation du génie d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide, les Études sur les tragiques grecs, par M. Patin.

tient à la hauteur où l'avait portée Pindare. Il créa le dialogue, auquel il appliqua le mètre ïambique, où la brièveté des pieds et le fréquent retour des accents saisissent l'oreille en rendant la prononciation plus distincte.

On a remarqué que la Fatalité, puissance inexorable qui tient lieu de la Providence chez les anciens, est le personnage principal de ses drames'. Ses héros, dominés et entraînés par le Destin, développent, à défaut de liberté, la force morale; ils peuvent dire comme le Saül de M. Soumet :

Et j'ai changé du moins l'esclavage en combat.

Cela est vrai surtout de Prométhée, dont Eschyle a retracé avec une incroyable énergie la lutte contre la tyrannie de Jupiter.

Sur les quatre-vingts tragédies qu'Eschyle avait composées, il nous en reste sept, dont voici les titres Prométhée enchaîné, les Sept Chefs devant Thèbes, les Perses, Agamemnon, les Choéphores, les Eumenides, les Suppliantes.

:

Les tragédies d'Eschyle, quoique formant isolément un ensemble, n'étaient que des fractions d'un tout composé de trois parties distinctes. Cette réunion de trois drames ou journées formait une trilogie terminée par un drame satyrique. Ces quatre parties prenaient le nom de tétralogie 2. Ainsi, les Sept Chefs étaient la troisième pièce d'une tétralogie dont la première était Laïus, la seconde OEdipe, et la quatrième un drame satyrique inconnu. Les sept tragédies que nous possédons renferment une trilogie complète : Agamemnon, les Choëphores, les

1. Schlegel, Cours de littérature dramatique.

2. Cet usage, introduit par Eschyle, n'a pas fait loi pour ses successeurs; Sophocle et Euripide, qui l'ont suivi quelquefois, s'en sont écartés souvent.

Eumenides, c'est-à-dire le crime, la vengeance et l'expiation. Par cette combinaison, le drame, soumis aux unités dans ses différentes parties, s'emparait de la durée et de l'espace par la succession de ses tableaux unis et distincts, et franchissait les limites mêmes de l'épopée. Quelle leçon d'histoire et de morale renfermait pour les Grecs cette série de faits héroïques qui nous montre Agamemnon puni de son ambition homicide par une épouse adultère; puis cette femme dénaturée implorant vainement, après vingt ans d'intervalle, la pitié d'un fils, instrument vertueux d'une vengeance parricide, et que son innocence ne sauve pas des remords! En effet, la nature proteste contre l'ordre des dieux, et il ne faudra rien moins que ces dieux eux-mêmes pour arracher du cœur d'Oreste les furies vengeresses.

Le Prométhée enchaîné représente la lutte du Titan bienfaiteur de l'humanité contre la puissance du dieu qui, ne pouvant le fléchir, le frappe de la foudre sur un rocher solitaire. Jamais spectacle plus terrible et plus grandiose ne fut offert dans un cadre d'une simplicité plus sublime. Prométhée voit river les fers qui l'enchaînent par la Force et par la Violence, en présence de Mercure, exécuteur des ordres de Jupiter. Io et les Océanides le supplient vainement de céder; il résiste, et la foudre tombe. Les Sept Chefs sont un tableau épique qui respire les fureurs de la guerre, et qu'adoucissent au dénoûment les plaintes touchantes d'Antigone et d'Ismène sur les corps de Polynice et d'Étéocle. Les Perses, qui peignent la consternation de la cour de Suse à la nouvelle de la bataille de Salamine, sont un hymne en l'honneur de la Grèce. Xerxès apparaissant seul et désarmé renouvelle, pour ainsi dire, la victoire des Athéniens. Les Suppliantes sont bien inférieures pour le style, la conception et l'intérêt

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