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Quelquefois un peuple empruntoit celui d'un autre peuple ou voisin, ou conquis; quelquefois il lui donnoit le sien (1); plus souvent on les mélangeoit, et alors les deux peuples avoient également changé de culte. Il arrivoit aussi que les dieux et le culte d'une nation, étoient abominables aux yeux d'une autre nation, et que le même acte qu'on regardoit comme agréable à la divinité dans un pays, passoit ailleurs pour un sacrilége (2). Ainsi l'on sacrifioit, à Rome, le bœuf qu'on adoroît à Memphis; la superstition, suivant ses idées inconstantes, en faisoit tantôt une victime, et tantôt un dieu (3).

En Perse, au temps des Arsacides, on comptoit soixante-dix sectes, parmi les seuls disciples de Zoroastre (4). Les sectateurs de l'ancienne

(1) Les Gaulois, après la conquête, adoptèrent les dieux et le culte des Romains.

(2) Neque enim leges nostræ hostia humana sacrificare permittunt : sed nefarium est. Apud Carthaginienses autem justum sanctumque habetur; Adeò ut eorum nonnulli Saturno filios litent. Platon. Minos. Oper., tom. VI, p. 128. Ed. Bipont.

(5) Quod namque eædem animantes apud hos quidem numina, apud alios autem feræ, apud quosdam hostiæ legibus receptæ sint, certò scitis. S. Justin., Apol. II, pag. 69.

(4) The Arsacides, indeed, practised the worship of the Magi; but they disgraced and polluted it with a va

religion qu'il réforma n'étoient pas moins divisés entre eux (1). La même anarchie régnoit en Egypte (2). La Tartarie, l'Inde (3), le Tibet,

rious mixture of foreign idolatry. The memory of Zoroaster, the ancient prophet and philosopher of the Persians, was still revered in the East; but the obsolete and mysterious language, in which the Zendavesta was composed, opened a field of dispute to seventy sects, who variously explained the fundamental doctrines of their religion, and were all indifferently derided by a crowd of infidels, who rejected the divine mission and miracles of the prophet. Gibbon's history of the decline and fall of the Roman Empire, vol. I, chap. III, p. 263. Basil, 1787. (1) Elmacin, Hist. arab. Agathias, lib. II, initio.

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(2) « Pour ce qui est des Égyptiens, personne n'ignore qu'ils étoient divisés en un grand nombre de sectes. » Mosheim, Histoire ecclésiast. anc. et modern., tom. Ier, pag. 9o. Voyez aussi les remarques du même auteur sur le Système intellectuel de Cudworth, dans sa traduction latine de cet ouvrage; tom. I, p. 415.

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(3) Il existe dans l'Inde un grand nombre de sectes: par exemple, celles des Vishnouites et des Isurenites. Vishnou est le dieu de ceux-là; Isuren le dieu de ceuxci. Alphabet. tibetan. tom. I, p. 118. « La vaste » presqu'île de l'Inde, qui s'avance des embouchures du »Nil et du Gange jusqu'au milieu des îles Maldives, cst » peuplée de vingt peuples différens, dont les mœurs et » les religions ne se ressemblent pas. » Voltaire, Essai sur l'hist. génér. et sur les mœurs et l'esprit des nations, chap. CXX, tom. III, p. 200. Ed. de 1756.

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le Tonquin, la Chine, la Corée, le Japon (1) l'Afrique méridionale, et l'Amérique entière, offroient et offrent cncore, partout où le christianisme n'est pas établi, une égale diversité de croyances et de superstitions.

Quelle confusion immense! quel épouvantable chaos de fables incohérentes, de dieux adorés des uns, abhorrés des autres, de cultes opposés, de rites qui, selon les lieux et les époques, inspiroient le respect ou l'horreur! Non, le ciel n'est pas plus éloigné de la terre, que cet informe amas d'extravagances et de crimes n'est éloigné d'offrir l'apparence même de l'unité es sentielle à la vraie religion.

L'absence d'une autorité générale reconnue, du moins dans la pratique, produisit peu à peu cet effroyable désordre (2). Jamais le genre humain n'oublia complétement la règle antique, mais souvent les passions le portèrent à la violer. Dès qu'on eut cessé d'obéir à la loi que procla moit la tradition universelle, il n'exista plus au

(1) Essai sur l'hist. génér., et sur les murs et l'esprit des nations, chap. CXX, tom. III, p. 196.

(2) They were abandoned, almost without controul, to the natural working of a superstitious fancy. Gibbon, The history of the Decline and fall of the Roman Empire, tom, II, chap. XV, p. 292. Basil, 1787,

cune loi. Chacun se créa la sienne à son gré, et l'idolâtrie n'étoit qu'un culte individuel, comme le protestantisme n'est qu'une doctrine individuelle, une opinion incertaine et variable; et de même que, chez les païens, chaque homme avoit, ou pouvoit avoir ses dieux et son culte particulier, chaque homme a, ou peut avoir ses opinions et sa doctrine particulière chez les protestans. Nui accord entre ceux-ci, non plus qu'entre ceux-là; et la foiblesse du cœur abandonné sans règle à lui-même, n'enfanta pas plus de cultes, ni des cultes plus monstrueux parmi les idolâtres, que la foiblesse de l'esprit livré aussi sans règle à lui-même, n'enfante tous les jours d'opinions monstrueuses dans le protestantisme, qui n'est au fond qu'une sorte d'idolâtrie spirituelle dans laquelle l'homme, après avoir fait un dieu de sa raison, consacre et adore toutes ses pensées, comme le païen consacroit et adoroit toutes ses passions (1).

L'idolâtrie étoit également dépourvue du second caractère essentiel à la vraie religion

(1) Les idolâtres eux-mêmes reconnoissoient que plusieurs de leurs dieux n'étoient que les passions humaines divinisées.

Deum esse amorem, turpiter vitio favens
Finxit libido: quoque liberior foret,

Titulum furori numinis falsi addidit.

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l'universalité; et c'est une conséquence de ce que nous venons de prouver; car, dans une multitude presque infinie de croyances et de cultes opposés, comment chacune de ces croyances et chacun de ces cultes auroit-il pu être universel ? Je ne vois d'universel qu'un crime, c'est-à-dire, l'oubli, non pas du vrai Dieu, mais de son culte : et encore, outre les adorateurs qu'il eut toujours parmi les nations, ce Dieu, quand l'idolâtrie s'étendit dans le monde, se réserva-t-il un peuple entier, qu'il préserva miraculeusement de la corruption. Tous les peuples d'ailleurs ne se pervertirent pas à la fois; partout l'idolâtrie suivoit les progrès de la dépravation des mœurs, et l'universalité qu'elle peut réclamer justement est de même nature, et semblable, sous tous les rapports, à l'universalité des vices, qui, n'étant jamais des lois, mais la violation d'une loi, n'acquièrent jamais d'autorité en se multipliant. Des millions de meurtres sont des millions de crimes; chacun de ces crimes est individuel; ils ne créent point une autorité, une loi

Natum per omnes scilicet terras vagum
Erycina mittit. Ille per cœlum volans

Proterva tenera tela molitur manu;

Regnumque tantum minimus in superis habet.
Vana ista demens animas ascivit sibi,

Venerisque numen finxit, atque arcus dei.

Senec., tragic., Hyppolit., v. 194

200, pág. 57, ed. Elzo. ir.

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