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KPD 8193(1)

Harvard College Library
Bowie Collection
Gift of

Mrs. E. D. Brandegee
Nov. 9, 1908.

SI Juvénal avait été traduit en vers français, comme il l'est en prose, je n'aurais pas entrepris ce travail; il est un dégré de perfection où l'on doit s'arrêter. Mais il s'en faut bien que ce poëte ait rencontré un Delille parmi nous, comme il a trouvé un Césarotti en Italie, et un Dryden en Angleterre. Une seule de ses Satires, celle des vœux, a été mise en vers français, et tout le monde connait le fragment de Messaline, dont la traduction est attribuée à l'un des écrivains les plus éloquens de ce siècle. Ces deux morceaux ont suffi pour me convaincre qu'il n'était pas impossible de transporter dans notre langue, une partie des beautés de Juvénal, et je l'ai essayé.

eux;

J'aurais eu beaucoup de choses à dire sur les anciens Satiriques, et sur la comparaison à établir entre mais tout cela a été dit si bien par ceux qui ont commenté ou traduit Juvénal avant moi, qu'il m'a paru inutile d'y revenir. Qu'importe qu'il le cède ou ne le cède pas à Horace? que Perse lui soit préféré par les uns, et que les autres le préfèrent à Perse? qu'importe la distinction qui existe entre les diffé

rens genres de Satires, et le style propre à chacun de ces genres? le point essentiel pour un traducteur, c'est que l'ouvrage auquel il consacre son tems, ne soit pas un ouvrage médiocre. Qu'il soit propre à inspirer la vertu : qu'il renferme d'utiles leçons, et qu'elles soient exprimées avec énergie : qu'on y trouve souvent de ces pensées profondes, de ces vérités éternelles qui, semblables à des fanaux allumés dans la nuit, soudain, au milieu même des plus épouvantables désordres, apparaissent à la raison de l'homme, et le rappellent à lui-même. Or quel poëte de l'antiquité s'est proposé ce but aussi franchement que Juvénal, et l'a plus parfaitement atteint? où trouve-t-on plus de mépris pour le vice, plus d'horreur pour le crime, plus d'enthousiasme pour la vertu ? on lui reproche de l'exagération; mais le génie a-t-il donc toujours un compas à la main? est-il le maître de toutes ses inspirations? et ne voit-on pas quelquefois les nuances légères d'un goût trop délicat, échapper à la touche hardie d'un peintre mâle et sublime?

Qu'un poëte épicurien, désabusé du monde, qui en connait tous les travers; qui s'intéresse trop peu au genre humain, pour chercher à le rendre meilleur; qui n'est peut-être pas assez vertueux, pour oser trop insister sur la turpitude du vice; qu'un

poëte de ce caractère, s'il est né avec un tact fin et délicat, ne fasse qu'effleurer les maximes de la philosophie; qu'il fronde les erreurs des hommes, sans prétendre les en faire rougir; qu'il revête de toutes les couleurs d'un style pur, quoique négligé, les préceptes équivoques d'une morale indulgente et facile, je conçois que, dans ses compositions brillantes, sans suivre de route certaine, sans s'assujetir à aucun plan, il passe, en se jouant, d'une réflexion gracieuse, à une raillerie piquante, et que l'esprit, qui seul guide sa plume, ne l'emporte jamais audelà des bornes que le goût lui prescrit. Mais si un philosophe austère que révolte la dépravation de son siècle, tout-à-coup s'est senti enflammé du noble désir de venger les lois, les mœurs et la nature; si, ne consultant que la sainte indignation qui soulève toutes les puissances de son âme, il a saisi les traits de la Satire, et s'est chargé ou de corriger ses semblables, ou de porter au moins dans leur conscience allarmée, le trouble et la terreur; alors, armé comme d'un glaive étincelant, il parcourt tous les rangs de la société, il frappe, il immole sans distinction, et, de la place publique au sénat, du centre de Rome aux extrémités de l'empire, du grabat des courtisannes au lit même des Empereurs, le crime et l'opprobre sont signalés, le coupable frémit

la vertu triomphe, et le lecteur entraîné avec le poëte dans sa marche impétueuse, est trop vivement ému, pour s'appercevoir de son désordre. Tel est Juvénal; telles sont les fonctions rigoureuses qu'il s'est imposées. Et pouvait-il adopter un genre différent? pouvait-il n'employer que l'arme fragile du ridicule, que les sarcasmes frivoles d'un badinage ingénieux, quand tous les freins étaient brisés, tous les nœuds rompus, toutes les lois muettes ou foulées aux pieds? quand la morale était méconnue, la nature outragée, la vertu proscrite, la délation en crédit, l'univers dans la stupeur? Quand Rome ne comptait plus qu'un tyran, des esclaves, des histrions et des bourreaux? certes, à une époque aussi désastreuse, la plaisanterie eût été de mauvaise grâce : on accorde mal les jeux de l'esprit avec les impressions profondes du sentiment, et le rire est plusque déplacé sur des ruines, et au pied des échafauds.

Les détracteurs de Juvénal l'accusent d'avoir appuyé avec une sorte de complaisance sur des détails licentieux, sur des peintures obscènes, et, par-dessus tout, de montrer dans ses écrits un caractère essentiellement enclin à la haine et à la méchanceté. Dusaulx, s'il n'a pas voulu l'excuser tout-à-fait sous le premier rapport, l'a du moins pleinement justifié sous le second. Il a fait ressortir, de son ouvrage

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