les matelots, la tête rasée (22), se plaisent à raconter leurs périls. Allons, enfants, ornez de festons le temple et l'autel de gazon vert (23); saupoudrez les couteaux de farine; soyez attentifs, gardez un religieux silence (24). Je vous suis à l'instant. Dès que j'aurai rempli ce pieux devoir, selon le rit, je reviendrai à la maison couronner mes petits pénates, faits de cire fragile et reluisante. J'apaiserai notre Jupiter (25); je ferai fumer l'encens en l'honneur de mes lares paternels, leur prodiguerai des violettes de toutes nuances. Déja ma maison reluit de tous côtés: ma porte est ornée de longs rameaux (26), et de lampions allumés avant le point du jour (27). Que tout cela, Corvinus, ne te soit point suspect. Catulle, dont je signale le retour par tant de sacrifices, a trois petits héritiers. Trouve-m'en quelque autre qui sacrifie, en faveur d'un ami si stérile (28), seulement une poule malade près de fermer les yeux. Que dis-je, une poule ! ils ne sacrifieraient pas une caille pour le Ite igitur, pueri, linguis animisque faventes, Hic nostrum placabo Jovem, Laribusque paternis Et matutinis operitur festa lucernis. Nec suspecta tibi sint hæc, Corvine Catullus, 95 Tres habet heredes. Libet exspectare quis ægram, salut d'un père de famille. Que Paccius et Gallita, ces riches sans enfants (29), aient un accès de fièvre, les portiques des temples sont aussitôt tapissés de tableaux votifs. On en voit qui promettent une hécatombe (50), faute d'éléphants: car on n'en vend point à Rome; notre climat n'en a jamais vu naître; on les tire de chez les peuples noirs, pour les nourrir, aux dépens de César, dans les forêts des Rutules et dans les champs de Turnus. Nul citoyen n'a pu se dire maître de ces superbes animaux, dont les ancêtres, soumis aux ordres d'Annibal, de Pyrrhus et de nos capitaines, portaient sur leur dos des cohortes entières, et des tours qui s'avançaient au milieu des combats (31). Si Novius et Pacuvius possédaient un éléphant, ils ne tarderaient point à le conduire aux autels : les lares de Gallita verraient tomber cette victime, digne de telles divinités, de tels adorateurs. Ce Pacuvius, s'il était permis, dévouerait à la mort ses esclaves choisis Si cœpit locuplex Gallita et Paccius, orbi, 100 Legitime fixis vestitur tota tabellis 105 Porticus; existunt qui promittant hecatomben Histrum 110 Partem aliquam belli, et euntem in prælia turrim. 115 parmi les plus beaux de l'un et l'autre sexe (32); lui- Corpora; vel pueris et frontibus ancillarum Post meritum sane mirandum, atque omnia soli NOTES SUR LA SATIRE XII. (1) Argument. Juvénal célèbre le retour de son ami Catulle, qui vient d'échapper, sur mer, aux plus grands dangers. Ce n'est point dans la vue d'un intérêt sordide qu'il a promis d'immoler des victimes; il n'obéit qu'aux sentiments de l'amitié, bien différent de ceux qui captent les successions. (2) J'y vais conduire deux brebis blanches, etc. [v. 3.] On ne trouve, dit Nic. Heinsius (Adversar., pag. 539), cœdimus agnam, que dans les manuscrits les moins anciens : 'les autres portent ducimus; et c'est le mot propre, le mot le plus usité dans les sacrifices; d'ailleurs, Juvénal parle ici de celui qu'il se propose de faire: Animalia cespes exspectat Par vellus dabitur, etc. Cœdimus, qui marque l'effusion du sang, ne saurait convenir ici. (3) L'une pour la reine du ciel, l'autre pour celle qui porte aux combats la tête de Méduse. [v. 3.] Juvénal appelle simplement la première regina, « la reine par excellence. » Virgile la nomme regina deum. Pugnanti Gorgone Maura désigne l'une des trois Gorgones qui habitaient sur le mont Atlas, en Mauritanie, et dont la guerrière Pallas portait la tête sur son égide: Gorgoneumque caput turbata Palladis arma. VIRGIL. 4) Libations. [v. 8.] Les libations étaient une cérémonie qui se faisait dans les sacrifices où le prêtre épanchait, en l'honneur de la divinité à laquelle il sacrifiait, du vin, du lait, ou quelque autre liqueur, après en avoir goûté luimême. Mais les Grecs et les Romains employaient aussi les libations sans sacrifices dans plusieurs conjonctures très fréquentes, comme dans les négociatious, dans les traités, dans les mariages, dans les funérailles, lorsqu'ils entreprenaient un voyage; quelquefois en se couchant, en se levant; enfin très souvent au commencement et à la fin des repas. (5) Un taureau retardé par sa masse, et plus gras qu'Hispulla. [v. 11.] Il n'aurait pas été digne d'un poëte aussi grave que Juvénal de reprocher à cette femme son embonpoint excessif, si d'ailleurs elle n'avait pas été diffamée; mais on a vu (sat. VI, v. 74) Hispulla tragœdo Gaudet, etc. (6) Les prairies du Clitumne, etc. [v. 15.] Clitumnus, maintenant il Clitonno, est une rivière de l'Ombrie, comme on le voit dans Properce (v. III, élég. xxII): Clitumnus ab Umbro tramite, etc. Cette rivière se jette dans une autre appelée, par les anciens, Tinia, aujourd'hui il Topino, auprès de Bevagna, ville de l'Ombrie, autrefois Mevania; et celle-ci se joint au Tibre, auprès de Pérouse. Les taureaux et les génisses de cette partie de l'Ombrie, arrosée par le Clitonno, ont été célébrés par les poëtes à cause de leur blancheur, qu'ils attribuaient communément à la qualité des eaux et des pâturages voisins. (7) Un feu subit embrasa les antennes. [v. 19.] Ce feu ne venait pas de la foudre, puisque Juvénal a dit : Præter fulguris ictum evasi; il venait de ce que nous appelons le feu Saint-Elme, que les anciens nommaient les feux ou les étoiles de Castor et Pollux. Pline (liv. II, chap. 57) dit que de son temps on ne connaissait pas encore la cause de ce météore, funeste aux navigateurs: Omnia incerta ratione et in majestate naturæ abdita; mais un physicien de nos jours, |