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prodige dans son siècle, il était chaste. La modestie était peinte dans tous ses traits. Son visage, nous dit-on, se couvrait souvent d'une aimable rougeur. Il paraît qu'on aurait pu lui donner, à plus juste titre qu'à Virgile, le surnom de vierge.

Il mourut d'une maladie d'estomac à l'âge de vingthuit ans, la huitième année du règne de Néron.

Ce fut la lecture de Lucilius qui lui inspira, dès le temps qu'il était chez Cornutus, le plus vif desir de se signaler dans le genre satirique. Il a imité, au commencement de sa première satire, le poëte qu'il admirait. A peine ses six satires furent-elles achevées, qu'il se hata de les montrer à Cornutus. Celui-ci y trouva sans doute de grandes beautés; mais il y trouva aussi des hardiesses qui le firent trembler pour son jeune élève. Il lui conseilla donc de corriger, entre autres, le vers Auriculas asini Mida rex habet, de crainte que Néron ne se l'appliquât. Le poëte substitua quis non à Mida rex.

Les Satires de Perse ne parurent qu'après sa mort. Cæsius Bassus consentit à en être l'éditeur, sur le refus constant de Cornutus. Elles enlevèrent tous les suffrages dès qu'elles virent le jour, et se répandirent promptement. Le sage Quintilien et le caustique Martial ont loué Perse (5).

Il avait laissé d'autres fruits de ses veilles, mais en petit nombre, parcequ'il écrivait peu et lentement. Cornutus, chargé de revoir ces productions, les jugea toutes indignes de son ami; surtout une pièce sur (d'autres disent contre) Arrie, cette femme célèbre qui se poignarda pour donner à son mari, condamné à mort par Néron, l'exemple d'une mort courageuse. Cornutus sut persuader à la mère de Perse de supprimer tous ces ouvrages.

SECONDE PARTIE.

Il n'est pas aisé d'assigner au juste le degré d'estime que Perse mérite. Ses partisans l'ont mis au-dessus d'Horace et de Juvénal. Ses détracteurs ont prononcé qu'il n'était pas digne d'être lu on a outré à son égard l'admiration et le mépris. Il s'en faut bien qu'il puisse soutenir la comparaison avec Horace, avec ce poëte également enjoué et profond, qui joint la naïveté à la finesse, la force au sentiment, la philosophie à la grace; avec ce satirique philanthrope, qui peint tous les travers, déplore nos faiblesses, accuse les siennes, et a toujours je ne sais quoi de consolant. Juvénal est supérieur à Perse. L'indignation a fait tous ses vers. qu on juge de leur énergie. Malheur aux scélérats qui échappent à la loi! il les dénonce; il en fait justice lui-même. Voyez-le montrant au doigt Crispinus, ce monstre plus hideux, dit-il, que le vice même. Observez son rire sardonique, lorsqu'il fait la liste des turpitudes cachées de Névole. Suivez-le, si vous osez, dans la maison infame où Messaline va prendre, à la faveur des ténèbres, la place d'une courtisane grecque. Écoutez-le ridiculisant à son tour le tyran moqueur qui délibère avec le sénat sur l'apprêt d'un turbot. Voilà sans doute quelques uns des endroits qui ont fait dire à Boileau, dont le zèle s'est borné à critiquer des abus littéraires, que Juvénal a poussé l'hyperbole jusqu'à l'excès. Il pouvait lui reprocher avec plus de justice des tableaux trop uniformes, et une teinte de misanthropie qui rend son intention suspecte. On voudrait, quand il a châtié le crime, qu'il déposàt un moment son fouet terrible, et sourît à la vertu ; qu'il eût quelquefois un vers pour célébrer les charmes de l'innocence. Peut-être encore paraît-il

trop instruit des raffinements du libertinage. Mais quoi, l'histoire elle-même a peine à conserver sa sagesse, lorsqu'elle parle des règnes de Tibère et de Domitien!

Ce qui distingue Perse, c'est une morale saine, une logique pressante, un style tantôt grave, tantôt animé. Le goût a dicté cette première satire, où il peint la décadence de la poésie et de l'éloquence romaine. Ce mouvement si vif, et dont la fin est si touchante, Anne magis Siculi, etc., réunit tous les caractères du sublime, et s'imprime d'abord dans la mémoire. On ne peut s'empêcher de s'unir à la prière qui suit contre les tyrans, et de leur souhaiter au moins avec Perse le tourment des remords. Que le stoïcisme est respectable dans le morceau de la troisième satire, sur les devoirs de l'homme ! Boileau n'a pu, malgré tout son art, embellir l'endroit de la cinquième satire, où l'avarice exhorte un négociant à s'embarquer. Il n'y a point de satire de Perse qui n'offre ou des peintures pleines de force, ou des maximes pleines de vérité. Enfin, on sent qu'il aime la vertu de bonne foi, et l'on ne peut le quitter sans l'aimer luimême.

Nous avons insisté sur quelques beautés de Perse; nous avouerons tous ses défauts. Il a trop prodigué les images extraordinaires, les figures énergiques. Il ressemble aux jeunes peintres, qui prononcent tous les objets, et cherchent à étonner, au moins par l'éclat des couleurs. Il ne badine pas non plus avec grace, quoiqu'il se donne pour plaisant. Naturellement sérieux, il n'avait pu que devenir triste à l'école de Zénon; aussi sa bonne humeur paraît-elle pénible, et conserve-t-elle un air de chagrin. Quant à ses imitations d'Horace, elles sont en assez grand nombre; mais il n'a emprunté à ce poëte que des mots indifférents; il ne s'est pas paré de ses plumes brillantes.

Son obscurité est ce qui a le plus choqué, dans tous

les temps, ses lecteurs, et ce qui a été repris avec le moins de ménagement. Saint Ambroise, dans un mouvement de dépit, jeta le livre par terre, en s'écriant: Puisque tu ne veux pas être compris, reste là (6). Saint Jérôme, plus vif encore, jeta ses satires au feu, en faisant cette pointe Brilons-les, pour les rendre claires (7). Avec quelle fierté et quel dédain Jules-César Scaliger (8) traite notre satirique! Au reste, il avertit, avant de finir, que ce n'est pas pour lui que cet auteur est inintelligible. Meursius (9) dit expressément que Perse ne s'entendait pas lui-même. Ce jeune stoïcien, suivant les expressions d'Heinsius (40), est un enthousiaste qui rend ses oracles dans l'antre de Trophonius. Tout ce qui a frappé le P. Vavasseur (44), en lisant Perse, c'est qu'il est impossible de pénétrer le sens de ses paroles. Bayle fait la même critique dans d'autres termes; et M. Dusaulx vient tout récemment d'écrire (12), dans une dissertation sur Perse, que la lecture de cet auteur apprendra du moins aux gens de lettres à détester l'obscurité.

Il faut avouer que ses satires ne sont pas toujours claires; mais ce défaut ne vient pas de Perse seul. Il suffit, pour s'en assurer, de faire une légère attention aux causes mêmes de cette obscurité, beaucoup plus réelle pour nous que pour les Romains. Il y en a quatre en tout; savoir: premièrement, son tour d'esprit particulier; secondement, le soin qu'il a pris d'envelopper les traits qui regardaient Néron; troisièmement, l'éloignement des temps où il écrivait; quatrièmement, la licence avec laquelle le texte de son ouvrage a été traité dans les premières éditions imprimées. La seconde de ces causes ne peut lui être imputée à blâme. Les deux dernières lui sont étrangères.

Nous avons plusieurs réflexions à faire sur chacun de ces articles. Reprenons-les en détail. Le second fournit matière à une discussion intéressante. Le quatrième sur

tout a besoin de preuves. Lorsque nous aurons administré celles que nous avons recueillies, nous parlerons, par occasion, du tort que les commentateurs ont fait de leur côté à Perse.

Ellipses fréquentes, transitions brusques, images recherchées, métaphores extraordinaires, voilà d'où provient en premier lieu la difficulté d'entendre Perse. Il aurait dù se défier du tour d'esprit qu'il avait reçu de la

nature.

Au lieu que c'est volontairement, et sans doute on ne peut lui en savoir mauvais gré, qu'il cache les traits qui regardent Néron. Nous affirmons, comme on voit, qu'il a osé attaquer l'empereur. Mais cette assertion ne doit pas être prise au pied de la lettre; car notre opinion, faute de témoignages historiques, clairs, positifs, et dignes de foi, n'est fondée, à vrai dire, que sur dés conjectures. Nos adversaires sont dans le même cas. Ainsi l'examen de cette question ne peut produire, et de leur part et de la nôtre, que des vraisemblances plus ou moins fortes. On va juger si nous avons dû croire que nous étions très près, quant à nous, de la vérité.

L'auteur de la vie de Perse assure positivement que le vers Auriculas asini Mida rex habet était dirigé, dans l'intention du poëte, contre Néron : il ajoute que Cornutus fit changer ce vers. Si Perse eut assez de courage, avant la critique, pour s'égayer, sans beaucoup de précaution, sur le compte de l'empereur, il a dû lui en rester assez ensuite pour entreprendre de le satiriser indirectement : il n'aura pas abandonné sa proie. Seulement il aura employé alors plus d'art : il aura eu recours à ces tournures équivoques, dont le sens véritable n'échappe jamais à la malignité des lecteurs.

Les plus anciens scoliastes, entre autres celui dont Pierre Pithou a publié les notes avec des variantes, observent sur plusieurs vers qu'ils sont contre Néron. Les

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