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ESSAI

SUR L'INDIFFÉRENCE

EN MATIÈRE DE RELIGION

QUATRIÈME PARTIE

(SUITE)

CHAPITRE VI

L'UNIVERSALITÉ EST UN CARACTÈRE DU CHRISTIANISME.

Quand il ne nous resteroit aucuns monuments des peuples anciens, il seroit impossible de douter qu'ils aient connu les vérités nécessaires à l'homme, ou la Religion révélée primitivement, puisque nulle société n'auroit pu sans cela ni subsister, ni s'établir, et que la connoissance de Dieu, vérité essentielle, infinie, est le fond même de la raison humaine, comme de toute intelligence. L'idolâtrie put bien obscurcir, mais jamais elle n'effaça de l'esprit des hommes la notion de la Divinité1; partout elle se conserva

1 Quid enim ampliùs homini necessarium quàm cura in Deum verum...?Ideò tantum opinor, quia à primordio notus est, quia nunquam latuit, quia semper illuxit. Tertullian. adv. Marcion., lib. II, p. 581;

au milieu des faux cultes, ainsi que l'idée de justice au milieu des crimes qui souilloient les nations païennes. «< Elles << n'étoient pas, dit saint Augustin, tellement livrées aux « faux dieux, qu'elles eussent perdu la connoissance du << seul vrai Dieu, auteur de tous les êtres 1. » Aussi saint Paul ne reproche-t-il point aux Gentils d'ignorer Dieu; au contraire, ce qui les rendoit inexcusables, c'est que, le connoissant, ils ne le glorifioient pas comme Dieu. Les anges rebelles qui le connoissent aussi sans doute, mais qui refusent de le glorifier, entraînèrent dans leur révolte presque tout le genre humain, et le polythéisme n'est qu'une grande

edit. Rigaltii. Quand les Pères disent que les Gentils ne connoissoient pas Dieu, ils parlent d'une connoissance pratique; et c'est en ce sens que saint Athanase dit des Juifs mêmes, lorsqu'ils s'éloignoient de la loi, qu'ils ignoroient Dieu, ¿yvwcíav yàp čoxe Ozoũ. Exposit. in psalm. c, p. 1179. Edit. Benedict. Après avoir dit que tous les hommes connoissent l'unité du Dieu créateur, omnibus hominibus ad hoc demùm consentientibus, saint Irénée explique quel est le crime des païens. << Illi enim creaturæ potiùs quàm Creatori servientes, et his qui non sunt dii (Rom., 1, 25; Galat., iv, 8), verùmtamen primum deitatis locum attribuunt fabricatori hujus universatatis Deo. Lib. Il contr. hæres., cap. x, p. 126. Ed. Massuet.

<< L'idolâtrie suppose la croyance qu'il existe une Divinité, et la << superstition que l'âme des hommes est immortelle. » Idolatry doth suppose the belief of the existence of a Deity; and superstition the immortality of the souls of men. Stillingfleet, Orig. sacr., book I, ch. 1, vol. I, p. 9.

1 Discat ergo Faustus.... monarchiæ opinionem non ex gentibus nos habere, sed gentes non usque adeò ad falsos deos esse delapsas ut opinionem amitterent unius veri Dei, ex quo omnis qualiscumque natura. S. Aug. contr. Faustum, Manich. xx, 19. Apertè, ut arbitror, ostendit (Petrus) unum et solum Deum, Græcis quidem gentiliter, à Judæis autem judaicè, novè autem à nobis cognosci et spiritualiter. Clem. Alex. Strom., lib. VI, p. 636. In hoc quod Deus fecit hunc mundum, notus in omnibus gentibus. S. Thom. 2 2 quæst. II, cap. vii.

Ità ut sint inexcusabiles, quia cùm cognovissent Deum, non sicut deum glorificaverunt aut gratias egerunt. Ep. ad Rom., 1, 20 et 21. Confitentur se nôsse Deum, factis autem negant. Ep. ad Tit., 16.

défection, l'acte par lequel la créature, cessant d'honorer Dieu et d'obéir à Dieu comme au suprême monarque de qui relèvent tous les êtres, renonce au moins implicitement à la société qu'il avoit établie entre elle et lui, et se choisit d'autres maîtres. En un mot, l'idolâtrie, née des passions et non pas du défaut de lumières, est, ainsi qu'on l'a vu, un crime de la volonté; et voilà pourquoi, quand Jésus-Christ vint abolir les faux cultes, les esprits célestes, publiant dans leurs sacrés cantiques l'objet de sa mission, proclamèrent la gloire de Dieu, qui alloit de nouveau éclater dans le monde, et annoncèrent la paix aux hommes dont la volonté seroit droite 1.

Parmi les choses généralement reconnues pour certaines, l'universalité des croyances dont se composoit la Religion révélée originairement nous paroît être ce qu'il y a de moins susceptible de contestation. Anciens et modernes, quelle que fût d'ailleurs la diversité de leurs opinions, païens, chrétiens, incrédules; tous ont été frappés de ce fait. « Le savant docteur Shuckford observe 2 que les << anciennes nations conservèrent longtemps des usages << qui annonçoient une Religion primitive, universelle, << dont il s'étoit conservé des traces dans les rites et les cé« rémonies de leur culte religieux; et il met au nombre de «ces usages les sacrifices expiatoires et impétratoires, << soit les sacrifices des animaux, où l'on faisoit couler le «sang des victimes, soit les simples oblations du vin, de «<l'huile, des fruits et productions de la terre. On élevoit << des autels, on dressoit des monceaux de pierres, tels que «celui que Jacob éleva pour y répandre de l'huile et le « consacrer à l'Éternel. Toutes ces coutumes et ces céré

1 Gloria in altissimis Deo, et in terrâ pax hominibus bonæ voluntatis. Luc., 1, 14.

2 Connexion de l'hist, sacrée et de l'hist. profane, t. I.

« monies pratiquées par les patriarches furent admises « par les Gentils, qui d'abord ne les firent servir qu'au culte << du vrai Dieu, et qui dans la suite les transportèrent au « culte sacrilège des idoles 1. »

Un philosophe du siècle dernier rend à l'universalité de la Religion antique, aussi bien qu'à son unité, un témoignage d'autant plus remarquable qu'assurément on ne soupçonnera pas qu'il ait été dicté par des préventions favorables au christianisme. « Ce qu'il y a de certain, dit-il, « c'est que plus on approfondit la Religion des différents « peuples, plus on se persuade qu'il n'y en a encore eu «< qu'une sur toute la terre 2. » Il ne sauroit entrer dans notre plan de rassembler les autorités innombrables qui prouvent la vérité de cette proposition. Nous en offrirons assez cependant, et plus même qu'il n'est nécessaire, pour convaincre tout homme raisonnable et de bonne foi.

Je crois en Dieu, père Tout-Puissant, créateur du ciel et de la terre voilà le premier article du symbole de toutes les nations.

« L'existence d'un Dieu, cause suprême, principe et fin « de toutes choses, a été crue et enseignée si clairement << et si constamment par l'antiquité tout entière; tous les « peuples la proclament avec une si parfaite unanimité, << qu'il semble impossible de ne pas reconnoître dans cet <<< accord la voix même de la nature . » Ainsi parle le docte

1 Nouv. démonst. évangél., t. I, p. 98 et 99.

"Lettres américaines, par M. le comte J. R. Carli; note du traducteur, t. I, p. 13.

3 Deum esse, supremam videlicet rerum omnium caussam, principium atque finem, tam apertè, tamque constanter credidit ac prædicavit omnis retrò vetustas, tantoque consensu in eamdem conspirant sententiam universæ gentes, ut naturæ vox esse videatur. (Alnetan. quæst., lib. II, cap. 1, p. 97.) -<< Tous les peuples ont admis un Dieu suprême « supérieur aux génies gouverneurs du monde. Bien loin de s'en dé« guiser l'excellence, ils l'outroient en quelque façon, en pensant que

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