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ESSAI SUR L'INDIFFÉRENCE EN MATIÈRE DE RELIGION. toutes les générations humaines, secouant leur poussière, viendroient elles-mêmes nous dire. «Voilà ce que nous avons cru, » serions-nous plus certains que la connoissance d'un Dieu unique, éternel, père de tout ce qui est, se conserva toujours dans le monde? C'est la foi universelle, la foi de tous les siècles et de toutes les nations. Quelle frappante unanimité! quel magnifique concert! qu'elle est imposante cette voix qui s'élève de tous les points de la terre et du temps, vers le Dieu de l'éternitė !

A l'écart, dans les ténèbres, une autre voix, une voix sinistre a été entendue; elle sembloit sortir d'un sépulcre et se briser entre des ossements; c'étoit comme la voix de la mort. Les peuples ont prêté l'oreille à ce bruit funèbre; de sourds blasphèmes sont venus jusqu'à eux; ils ont dit : C'est le cri de l'athée ! et ils ont frémi d'horreur.

Auteur de tous les êtres! tous les êtres attestent votre existence ils sont en vous, et vous êtes en eux; vous les pénétrez, vous les inondez de votre vie, vous vous manifestez à eux de mille manières diverses, et nul ne peut vous ignorer. Les puissances célestes, les esprits innombrables à qui vous avez confié l'administration de vos œuvres vous connoissent et chantent votre gloire1; mais l'hommé a refusé de vous glorifier; il a transporté à la créature le culte qui n'est dû qu'à vous. Dans l'égarement de son cœur il a oublié le souverain maître, pour adorer ses ministres et ses sujets rebelles, pour s'adorer luimême: voilà son crime, que vous seul pouviez effacer, ô Jésus! Hommes, levez les yeux au ciel, c'est là qu'est votre Père; abaissez-les sur la croix, c'est là qu'est votre Ré dempteur; et que votre être tout entier s'écrie: Adoration, amour au Dieu qui a créé l'univers ! amour, adoration au Dieu qui l'a sauvé !

Coeli enarrant gloriam Dei. Ps. xvi, 1.

CHAPITRE VII

SUITE DU MÊME SUJET.

En considérant ce qu'offrent d'universel les croyances du genre humain, nous avons montré que partout on a

reconnu

1o. L'unité d'un Dieu éternel, tout-puissant, créateur et conservateur;

2o L'existence d'esprits intermédiaires de différents ordres, qui sont les ministres du Dieu suprême dans le gouvernement du monde; les uns bons et qu'il est utile d'invoquer1, ainsi que les âmes des hommes vertueux, élevés après la mort à un haut degré de gloire et de puissance;

1 Bacon met au nombre des paradoxes ou des contradictions apparentes du christianisme : Que nous ne demandions rien aux anyes, et que nous ne leur rendions grâces de rien, tout en croyant que nous leur devons beaucoup. (Christ. paradoxes, etc. Works, t. II, p. 494.) Cette contradiction, qui n'est point du tout apparente, ne se trouve point, comme l'observe M. le comte de Maistre, dans le christianisme total. Soirées de Saint-Pétersbourg, t. II, p. 447.

les autres mauvais et que nous devons craindre, parce qu'ils cherchent sans cesse à nous nuire;

3o La nécessité du culte '.

Toutes ces croyances sont vraies : elles forment encore une partie principale des dogmes chrétiens; nous honorons les anges et les saints, nous les invoquons. Mais les hommes ont fait plus, ils les ont adorés, et les démons mème, violant ainsi le premier des devoirs envers le Souverain Être; et, comme nous l'avons prouvé, l'idolâtrie, par son essence, n'est pas la négation d'une vérité, mais la transgression d'un commandement; elle n'est pas une erreur, mais un crime.

Les païens, en commettant ce crime, avoient d'autant moins d'excuse que nulle part on n'ignoroit que le culte devoit principalement s'adresser au Dieu suprême. Ce devoir est marqué très-expressément dans un grand nombre de passages que nous avons produits, et plusieurs même rappellent l'obligation de n'adorer que ce Dieu, toujours attentif à conserver, par mille moyens divers, au milieu

1 Hi certè à pueritiâ ad deos affirmandos eo maximè inducere animum potuerunt, quod, dùm lacte nutrirentur, à nutricibus matribusque multa de illis joco et seriò dicta decantataque in orationibus audiebant, et in sacrificiis videbant consentanea quæque illis fieri, quæ suavissimè pueri et vident, et audiunt, dùm parentes eorum summo studio pro se liberisque sacrificare, et supplices orare deos, quasi quàm maximè dii sint, viderent; necnon quotidiè in ortu et occasu solis et lunæ Græcos et barbaros omnes, tam in rebus adversis, quàm secundis, conspicerent adorare; atque ex hoc non suspicionem quòd dii non sint afferre; sed testimonium quòd sint, absque controversiâ perhibere. Plat., de Legib., lib. X, Oper., t. IX, p. 71, 72.

2 Quand nous estimons, dit saint Justin, qu'on ne doit pas adorer les ouvrages de la main des hommes, nous ne faisons qu'approuver le sentiment de Ménandre et de plusieurs autres, qui se fondoient sur cette raison que l'ouvrier est toujours plus noble que son ouvrage. Ta dè xai μὴ δεῖν χειρῶν ἀνθρώποις προσκυνεῖν, Μενάνδρῳ τῷ κομικῷ, καὶ τοῖς ταῦτα φήσασί, ταῦτὰ φράζομεν· μείζονα γὰρ τὸν δημιουργὸν τοῦ σκευα

d'un monde corrompu, le souvenir de son existence et de sa loi.

Macrobe observe que « pour montrer la toute-puissance « du Dieu suprême, qui étant toujours invisible, ne peut << être connu que par l'esprit, Platon appelle cet univers le Temple de Dieu. Quelque vénération qu'on ait pour les parties de ce temple, elle est bien différente du sou<< verain culte qui appartient à son auteur; et tous ceux << qui servent au temple de Dieu doivent vivre en véritables « prêtres1. »

Il faut, dit Hiéroclès, reconnoître et servir les dieux, de << sorte que l'on ait grand soin de les bien distinguer du « Dieu suprême, qui est leur auteur et leur père; il ne << faut pas non plus trop exalter leur dignité; et enfin le « culte qu'on leur rend doit se rapporter à leur unique « créateur, que l'on peut nommer proprement le Dieu des dieux, parce qu'il est le maitre de tous, et le plus excel<< lent de tous2. >>

Les livres Zends parlent avec horreur de ceux qui adorent les démons, des Darvands ou hommes impurs, comme ils sont appelés dans le Vendidad3.

On voit qu'au sein même du paganisme, il y eut toujours des hommes qui s'élevèrent contre le principe de l'idolâtrie. Elle étoit, de plus, universellement condamnée sous

Coμévov àπepúvzvto. S. Justin, Apolog. II, Oper., p. 66, Lutet., Paris., 1615.

1 Ideo ut summi omnipotentiam Dei ostenderet posse vix intelligi, nunquàm videri, quidquid humano subjicitur aspectui templum ejus vocavit, qui solâ mente concipitur. Ut qui hæc veneratur ut templa, cultum tamen maximum debeat conditori, sciatque quisque in usum templi hujus inducitur, ritu sibi vivendum sacerdotis. Macrob. Somn. Scip., lib. I, v. 14. Ces dernières paroles rappellent celle de saint Pierre « Vos regale sacerdotium, gens sancta. » Ep. I. cap. 11, 9. 2 Hierocl. in Carmin. Aurs, p. 10.

3 Vendidad, frag. XIX, lib. II, p. 378.

un autre rapport; car, en s'abandonnant à des cultes impies et abominables, le monde entier savoit que le culte de la Divinité devoit être saint comme elle1. On a vu que le théâtre même retentissoit de cette maxime, consacrée par les poëtes, les philosophes, les législateurs.

2

La prière et le sacrifice, voilà le culte, suivant Platon ; et point de véritable culte sans la piété et la sainteté3. L'homme qui s'abandonne à ses passions « ne sera jamais «< cher à aucun autre homme ni à Dieu; car il ne peut y << avoir de société entre eux, ni par conséquent d'amitié. «Mais les sages disent qu'il existe entre le ciel et la terre, << entre les hommes et les dieux une société fondée sur la « tempérance, la modestie et la justice. C'est donc en vain « que le méchant tâche de se les rendre propices; mais

1 Dans les oracles chaldaïques, il est ordonné de rendre à Dieu un culte saint, σε60ývaι Оèòv åyvãs. Deos placatos efficiet, et sanctitas. Cicer., de Officiis, lib. II, cap. 1, n. 11.

2 Point de religion sans prières. Voltaire, Addit. à l'Hist. génér. p. 38. Edit. de 1763.

* Τοῦτο τοίνυν ἑμοιγε δοκεῖ, τὸ μέρος τοῦ δικαίου εἶναι εὐσεβές τε καὶ ὅσιον τὸ περὶ τὴν τῶν θεῶν θεραπείαν· τὸ δὲ περὶ τὴν τῶν ἀνθρώ πων, τὸ λοιπὸν εἶναι τοῦ δικαίου μέρος... Τίς δὴ θεῶν θεραπεία εἴη ἄν ἡ ὁσιότης... Τί δὴ αὖ λέγεις τὸ ὅσιον εἶναι καὶ τὴν ὁσιότητα; οὐχὶ ἐπιστήμην τινὰ τοῦ θύειν τε καὶ εὔχεσθαι; Plat., Eutiphro., Oper., t. I, p. 28, 29, 31 et 32. Edit. Bipont. Id., De legib., lib. IV, t. VIII, p. 186; et lib. X, t. IX, p. 66 et seqq.

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4 Οὔτε γὰρ ἄν ἄλλῳ ἀνθρόπῳ προσφιλὴς ἂν εἴη ὁ τοιοῦτος οὔτε, θεῷ. Κοινωνεῖν γὰρ ἀδύνατος· ὅτῳ δὲ μὴ ἔστι κοινωνία, φιλία οὐκ ἂν εἴη. Φασὶ δ ̓ οἱ σοφοὶ, καὶ οὐρανὸν καὶ γῆν, καὶ θεοὺς καὶ ἀνθρώπους τὴν και νωνίαν συνέχειν, καὶ φιλίαν καὶ κοσμιότητα, καὶ σωφροσύνην καὶ δικαιόtnta. In Gorgia, t. IV, Oper., p. 132. Ed. Bipont. Sénèque dit aussi que la vertu prépare l'âme à la connoissance des choses célestes, et la rend digne d'entrer en société avec Dieu. « Virtus enim quam affe<«ctamus, magnifica est, non quia per se beatum est, malo caruisse, << sed quia animum laxat, ac præparat ad cognitionem cœlestium, di«gnumque efficit, qui ad consortium Dei veniat. » Quæst.natural., lib. I. Præfat.

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