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plus ou moins éloignées de celles qui les avaient vu naître.

Sans me livrer à des recherches étrangères ou trop éloignées de l'objet que je me propose de remplir, entre ces nations antiques, j'en citerai deux qui dûrent peut-être leur célébrité à ces mêmes émigrations, à la civilisation, aux arts et aux connaissances qu'elles portèrent dans les lieux où elles allèrent s'établir. Les Égyptiens fondèrent des nations nouvelles parmi les peuplades barbares qui habitaient primitivement la Grèce : les Phéniciens y bâtirent également des villes qui devinrent dans la suite des républiques puissantes et célèbres. Les exemples et les leçons de ces deux peuples adoucirent les mœurs et les inclinations féroces de ceux parmi lesquels ils allèrent s'établir, et les conduisirent insensiblement à ce degré étonnant de sagesse, de grandeur et de perfection, qui excite aujourd'hui toute notre admiration, sans nous laisser l'espérance de les atteindre.

Dans les tems moins fabuleux dont l'histoire plus fidèle nous a transmis le souvenir, le goût des émigrations s'entretint parmi les peuples les plus connus de l'Asie et de l'Europe; des colonies nombreuses furent fondées dans des contrées plus ou moins éloignées du point d'où elles étaient parties, dont les avantages connus d'avance, ou bien le hasard, les attirèrent, et où elles espérèrent trouver la liberté et le bonheur. Indépendamment de ses anciens établis

semens, Tyr jetta, sur les côtes d'Afrique, les fondemens de Carthage, si célèbre depuis par ses richesses, ses conquêtes et ses malheurs; elle fonda en Espagne, sur les bords de l'océan, Cadix, ville moins puissante, mais non moins célèbre, et qui a conservé jusqu'à nos jours, une partie de l'éclat dont elle brilla dans les tems les plus reculés.

A leur exemple, les Phocéens partirent de l'Ionie pour aller bâtir Marseille dans les Gaules : les autres Grecs allèrent porter leurs arts, leurs vertus et leur célébrité sur les côtes opposées de l'Asie ; ils y fondèrent Bisance, Ephèse, Milet et d'autres villes fameuses: de nouvelles colonies se répandirent dans les parties les plus reculées et les moins connues de la vaste peninsule de la Grèce, dans les îles parsemées sur la mer qui baigne ses côtes, et s'étendirent d'un côté jusqu'en Italie, et de l'autre jusqu'aux plages les plus désertes et les plus arides de l'Afrique, qu'ils parvinrent à rendre riches et renommées. Alors on ne connaissait pas les principes politiques qui ont dirigé nos états modernes, du moins dans ce qui est relatif à l'établissement des colonies. Les Tyriens sont les seuls qu'on puisse soupçonner d'avoir eu en vue d'étendre leur commerce, et d'ouvrir des canaux qui fissent refluer dans le sein de leur ville, les richesses de toutes les parties connues de l'univers, et dont les villes nouvelles devaient être l'entrepôt. Les autres peuples furent rarement guidés dans la fondation

de leurs colonies, par des vues d'intérêt et de politique. Dans le tems que ces nations simplement agricoles et guerrières ne connaissaient pas d'autres besoins que d'être heureuses et libres, les progrès de la population n'étaient pas regardés comme un avantage pour l'état. Un peuple pauvre, qui n'avait de communication qu'avec les peuples voisins aussi pauvres que lui, et resserré dans les bornes d'un territoire qui, souvent ingrat, fournissait à peine à ses plus pressans besoins; ce peuple, dis-je, eût trop souffert d'avoir à partager ses minces moyens de subsistance avec les accroissemens rapides de population, que la nature, contraire à ses desirs, multipliait au milieu d'eux, en proportion qu'ils étaient plus heureux et plus libres.

Pour suppléer à ces besoins, et pour parer à cet inconvénient, il ne restait d'autres ressources d'atque taquer ses voisins pour s'emparer de leur territoire, ou d'envoyer de nombreuses colonies s'établir dans des contrées éloignées et inhabitées. Ailleurs, ces émigrations furent motivées par la famine cruelle ou par des calamités, telles que la guerre ou la peste qui, pesant sur des nations entières, les forçait de s'expatrier et d'aller au loin chercher un refuge contre les malheurs qui les accablaient d'autres fois elles étaient le résultat des déchiremens et des divisions intestines des états ou des villes, où il ne restait au parti vaincu d'autre ressource que de fuir loin de ses anciens foyers, et d'aller chercher dans des lieux

paisibles une tranquillité qu'il ne pouvait plus se promettre auprès du parti vainqueur.

De manière ou d'autre, on vit s'élever dans divers points de l'ancien monde; des cités célèbres et opulentes, dont les liaisons religieusement conservées, procurèrent à leur mère-patrie l'occasion et les moyens de s'étendre au-dehors, d'établir un commerce d'échange avec les contrées et les peuples les plus éloignés; de s'enrichir de leurs productions et de leurs lumières, en leur communiquant les siennes, et de goûter au milieu du territoire le plus pauvre et le plus ingrat, toutes les douceurs de l'abondance.

Ces différentes colonies furent fondées sans aucune condition, sans aucune stipulation de droits et de devoirs, d'elles envers leur métropole, et de leur métropole envers elles. Parmi celles qui furent le plus anciennement établies, plusieurs parurent oublier leur origine, ou du moins ne conservèrent aucune relation particulière avec les villes d'où elles la tiraient d'autres ne cessèrent de leur donner des témoignages de leur amour et de leur déférence; mais jamais, à moins que ce ne fût parmi les plus faibles et les moins éloignées, on n'en vit aucune qui s'astraignit à des actes directs de soumission, ni à aucune condition qui portât atteinte à sa liberté. ̈

Il semblerait que lorsque la Grèce fut devenue non moins célèbre par les arts qui fleurirent dans son sein que par ses guerres fameuses du dedans et du dehors,

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quelques-unes de ses colonies les plus récentes dûrent leur établissement à des vues de commerce et de politique; mais le droit public et les liaisons qui se formèrent entr'elles et leur métropole, ne furent fondés que sur les lois de la nature et du sentiment. «Les liens qui unissent les enfans à ceux dont ils » tiennent le jour, subsistaient entre les colonies et » les villes qui les avaient fondées. Elles prenaient » sous leurs différens rapports, les noms tendres et respectables de mère, d'aïeule, de sœur et de fille; » et de ces titres naissaient leurs engagemens réci" proques".

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La métropole devait naturellement protéger. ses colonies qui, de leur côté, se faisaient un » devoir de voler à son secours, quand elle était attaquée; c'est de sa main que souvent elles » recevaient leurs prêtres, leurs magistrats et leurs généraux; elles adoptaient ou conservaient ses lois, ses usages et le culte de ses dieux; elles envoyaient tous les ans, dans ses temples, les prémices de leurs moissons. Ses citoyens avaient » chez elles la première part dans la distribution » des victimes et les places les plus distinguées dans » les jeux et dans les assemblées du peuple.

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» Tant de prérogatives accordées à la métropole, » ne rendaient pas son autorité odieuse; les colonies » étaient libres dans leur dépendance, comme les » enfans le sont dans les hommages qu'ils rendent » à des parens dignes de leur tendresse.

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