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compagnies de commerce qu'on venait de former, et
dont le despotisme et le monopole criant, firent ou-
blier l'injustice des particuliers. La compagnie des
Indes occidentales, créée à l'époque de la réunion de
Saint-Domingue à la France, et dont les privilèges
supprimés en 1674, s'étendaient à toutes les Antilles
françaises, avait, malgré beaucoup d'abus, favorisé
les progrès de la colonie naissante, que le commerce
particulier n'eût pas assez activement soutenue, et
qui, sans cette mesure, fût devenue la proie du com-
merce étranger. Néanmoins, les habitans
peu façon-
nés encore au joug de l'injustice, et révoltés par sa
cupidité, se soulevèrent contr'elle, et chassèrent tous
ses agens. Après son extinction, les nationaux, attirés
par des bénéfices certains, accoururent à Saint-Do-
mingue, et la concurrence fut pour l'agriculture et
le commerce, le principe d'accroissemens dont la
France recueillit tous les avantages.

Tous leurs efforts s'étaient naturellement portés
sur les parties du nord et de l'ouest, dont les
ports se
présentent les premiers aux vaisseaux d'Europe, et
offraient à l'habitant des débouchés plus faciles. La
partie du sud, moins fréquentée par les premiers fon-
dateurs, restait inculte et négligée, lorsque les autres
brillaient déjà par la culture, et étaient ornées de
villes florissantes. Le maintien de la liberté vivifiante
du commerce et de
sages encouragemens, lui auraient
préparé des succès pareils ; et le cultivateur, obligé de

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'étendre, n'eût pas tardé à s'appercevoir que cette partie, la plus éloignée à la vérité de la colonie, est la plus riche, la plus fertile de toutes. On crut atteindre plutôt ce but, en formant pour elle une spéculation particulière. La compagnie royale de Saint-Domingue ou du sud fut créée en 1698, avec les privilèges les plus étendus : elle devint, par l'édit de création, pro priétaire de toutes les terres incultes de la partie du şud qu'elle pût faire défricher pour son compte, ou concéder, moyennant certains droits et réserves. Elle eut la liberté de faire tous statuts et règlemens qui lui paraîtraient convenables; on lui accorda la nomination des chefs militaires et des officiers de justice, et le droit de guerre et de paix avec les puissances étrangères. Enfin, elle fut revêtue de toutes les prérogatives qui constituent la souveraineté, aux seules conditions de foi et hommage-lige, et de transporter. aux colonies un certain nombre déterminé de blancs. et de noirs.

Ces éclatantes faveurs ne purent balancer l'effet des abus dont cet établissement fut presqu'aussitôt accompagné. Les premiers efforts de la compagnie contribuèrent à vivifier l'industrie; mais dès qu'il fallut recueillir, ses progrès furent presqu'étouffés par l'usure et le monopole de ses agens, qui maîtres d'imposer telles conditions qu'il leur plaisait à des hommes forcés de tout tenir d'elle, fixaient un prix arbitraire et toujours injuste aux objets qu'ils

leur vendaient, et à ceux qu'ils en recevaient en retour. Un autre abus s'était introduit dans les fournitures qui étaient de la plus mauvaise qualité; soit pour bénéficier d'autant sur la main d'œuvre, soit pour qu'on fût forcé de recourir plus souvent aux magasins de la compagnie. Le cultivateur, trompé et mécontent, se décourageait d'être éternellement son débiteur; par un résultat facile à prévoir, l'agriculture resta dans l'enfance, et la compagnie royale de Saint-Domingue succomba par sa propre avidité, et sous le faix des dépenses énormes que coûtèrent ses établissemens. Ce n'est que de nos jours que la partie du Sud, long-tems négligée par le commerce national, qui ne va qu'où il y a des bénéfices certains à faire, mais alimentée en şecret par le commerce étranger, a pris enfin le rang qui lui était assigné par la nature et par sa fé

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CHAPITRE III.

De l'objet que les nations modernes se sont proposé en fondant leurs colonies; rapports de SaintDomingue avec sa métropole ; de ses progrès et de ses abus; des germes de dissolution qu'elle renfermait au dedans d'elle-même, et des causes qui en ont retardé jusqu'à ces derniers temps le développement et les funestes effets.

MALGRÉ tant d'entraves, Saint-Domingue était une colonie florissante avant la fin du siècle qui avait vu ses faibles commencemens : elle était déjà pour le nom français un monument plus glorieux que les faits étonnans et les victoires qui avaient précédé. Sur ses côtes avaient été fondées des villes peuplées, dans les ports desquelles abordaient de nombreux vaisseaux. Un gouvernement civil et militaire y avait été organisé par l'institution d'un conseil supérieur au petit-goave, et de quatre siéges-royaux. Dès lors son commerce contribuait puissamment à l'éclat de la marine française et de ces formidables escadres que Louis XIV opposa à ses ennemis ; il offrait un des principaux débouchés des manufactures dont Colbert enrichit la France.

Cependant Saint-Domingue, déjà si riche et si utile à cette puissance, était encore éloignée de ce

dégré de splendeur auquel elle avait droit de pré

tendre. Cette colonie se ressentit cruellement des malheurs qui accablèrent la métropole au commencement et vers le milieu de ce siècle; mais rien ne contribua plus à rallentir ses progrès que le systême des compagnies privilégiées, dont la ruine des intéressés, ou une manière de voir plus saine amena enfin l'entière destruction. C'est après la guerre de 1756, que la colonie française de Saint-Domingue commença à prendre son essor et à s'avancer rapidement vers son plus haut point de puissance et d'industrie. La liberté entière, rendue au commerce national, l'émulation qu'elle fit naître dans les particuliers, les encouragemens accordés aux anciennes branches d'agriculture, et à celle du cafier, dont la colonie avait été enrichie, doublèrent sa population et ses produits. La guerre de 1778, si funeste aux autres colonies, acheva de lui imprimer le mouvement le plus actif, parce qu'elle devint le centre du commerce des neutres et par l'énorme quantité d'or qu'y répandirent les escadres et les troupes auxiliaires d'Espagne; enfin, par la hausse subite du prix du café, que diverses causes avaient fait tomber, et dont la culture encouragée, doubla à compter de ce moment. Ce fut alors que sans connaître les moyens qui avaient concouru à la rendre si importante, on commença généralement en France à en ressentir les heureux effets. Une incroyable activité s'étendit

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