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dans tous ses ports. Les plus petits fleurirent et se remplirent de vaisseaux destinés aux voyages de long cours. D'immenses richesses circulèrent dans le sein de la France, y vivifièrent les manufactures, y encouragèrent les arts: un luxe inconnu éclata de toutes parts, et procura l'aisance et du travail à des millions d'hommes, dont la plupart ignoraient la source de ces bienfaits.

Mais ce fut principalement par les heureux changemens qui s'opérèrent dans sa marine et son commerce, que la France dut sentir les avantages inap préciables de cette possession. Sa marine militaire, anéantie par une suite non interrompue de désastres et que le désordre des finances nationales semblait condamner à une éternelle impuissance, reparut tout-à-coup plus brillante que jamais, et fut en état de tenir tête avec des succès balancés, à toutes les forces de mer d'un ennemi formidable. Elle était alimentée sans efforts par les nombreux navires marchands qui sortaient de nos ports pour se répandre sur tous les points de l'univers, et qui étaient l'école où se formait pour elle une multitude de matelots.

En vain une nation ambitieuse et jalouse s'était flattée, après la guerre malheureuse de 1756, d'avoir écrasé notre commerce; en vain elle dirigea ses plus grands efforts contre nos colonies occidentales, qu'elle considérait comme son plus ferme soutien.

Saint-Domingue restait à la France après tant de désastres multipliés; son commerce renaquit de ses cendres, et brilla d'un nouvel éclat. Le mouvement intérieur rallenti un instant, reprit une plus grande activité; l'agriculture redoubla d'efforts: les manufactures nationales s'élevèrent au plus haut période de perfection. Saint-Domingue, qui par les richesses qu'elle faisait circuler au sein de la métropole, les soutenait si essentiellement, leur offrait d'ailleurs un débouché certain et toujours plus avantageux.

Les denrées coloniales importées à l'étranger, et sur-tout dans le nord, rendaient toutes les nations tributaires de la France; et l'énorme balance qui en résultait en faveur de son commerce, servit efficacement à cicatriser les plaies qui lui avaient été faites par ses ennemis du dehors, et à pallier celles bien plus profondes que lui causaient ses ennemis du dedans.

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Ces avantages précieux étaient encore susceptibles d'une extension incalculable. Plus d'ordre et d'économie, un calcul mieux entendu des moyens de s'approprier tous les fruits de ce commerce, eussent considérablement augmenté les bénéfices dont une partie eût pu être appliquée aux enconragemens à accorder à Saint-Domingue, afin de la pousser rapidement à son plus haut degré de splendeur. Cette colonie offrait encore des ressources étendues. Ses habitans laborieux n'attendaient que

d'être secondés pour la porter au dernier point qu'elle fût capable d'atteindre. Les parties opulentes du nord et de l'ouest, ne laissaient presque plus rien à desirer. Celle du sud, si long-tems négligée

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et

qui ne devait, en quelque sorte, ses progrès qu'à elle-même, et aux secours clandestins du commerce étranger, attirait sur elle l'attention générale, et promettait d'effacer, moyennant des secours, tout l'éclat dont brillaient les deux parties rivales. En un mot, Saint-Domingue, qui éclipsait toutes les autres Antilles françaises et étrangères, et qui seule balançait, ou surpassait leurs produits réunis, eût peutêtre fini par les dépouiller de tout l'intérêt qu'elles présentent au commerce européen, et par les anéantir par l'immensité de ses ressources, la supériorité de ses productions territoriales, et par les facilités qu'elle offre au commerçant.

De tous les témoignages qui prouvent l'étendue des ressources intérieures de Saint-Domingue, il n'en est point de plus fort que les abus qui n'ont cessé de s'attacher à cette colonie depuis sa fondation jusqu'à nos jours. Les plus frappans, comme les plus nuisibles, étaient devenus en quelque sorte inhérens à son gouvernement, à ses rapports commerciaux avec la métropole, et à son régime intérieur. Je les exposerai successivement.

Les meilleurs les meilgouvernemens, ainsi que leures lois, tous les sages sont d'accord sur ce point,

sont ceux qui s'adaptent mieux au climat, aux mœurs, aux inclinations, aux idées, et aux intérêts des peuples auxquels ils sont destinés. A bien considérer en lui-même celui qui a régi Saint-Domingue, soit qu'il fût l'effet du hasard, d'une sage prévoyance, ou une émanation naturelle de celui de la métropole, avec des modifications nécessitées par la différence des localités, il serait difficile, d'après un siècle et demi d'expérience et de succès, de se refuser à la conviction que c'était celui qui convenait le mieux à cette colonie; et cette vérité est plutôt prouvée que combattue, par les abus même dont je dois parler, et qui, après tout, semblables à la rouille qui s'attache à l'acier le plus pur et le mieux trempé, sont toujours plus ou moins inséparables des meilleurs gouvernemens.

des

J'ai parlé au commencement de cet ouvrage principes sur lesquels étaient fondés les rapports des colonies anciennes avec leurs métropoles, moins pour en faire l'application directe aux colonies modernes, que pour avoir une base certaine d'après laquelle on put fixer leurs droits respecifs, les législateurs n'ayant, dans ces derniers tems, rien déterminé là-dessus, et les opinions pouvant, d'après leur silence, varier avec droit sur ce point délicat. Je croirais même que les principes de liberté et d'indépendance admis entre les colonies et les métropoles de l'antiquité, ne sont guères applicables

aux établissemens récens ; ils le sont d'autant moins; qu'il y a peu ou point de rapport dans le but respectif de leurs fondateurs. J'ai dit qu'une portion des peuples anciens n'émigrait & n'allait fonder des villes au loin, que pour obvier aux inconvéniens d'une trop grande population resserrée dans un territoire très circonscrit, ou pour abandonner une contrée, ou accablée par une faction ennemie et victorieuse, elle n'avait à attendre que la persécution et le malheur.

Les nations modernes n'ont eu dans ces établismens que des vues d'intérêt et de commerce, qui ne pouvaient être remplies que par une dépendance absolue de ces colonies envers leurs métropoles. Elles s'en sont en conséquence réservé la propriété exclusive, et n'ont négligé aucun des moyens propres à y maintenir leur domination. En scrutant attentivement les annales de l'antiquité, on y pourrait trouver quelques exemples qui les justifient. Ces motifs, conformes à l'équité, sont suffisans pour prouver que tout projet d'indépendance, en pareil cas, est injuste en principe. Si quelques colonies modernes ont été forcées de faire scission avec la contrée européenne à laquelle elles doivent leur origine, c'est parce qu'indépendamment de la différence qui distingue les possessions européennes du continent américain de celles des Antilles, elles pouvaient se passer de sa protection; d'ailleurs elles ont été justifiées par la violation des conditions réciproquement

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