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Wurts... Ah! quel nom, grand roi, quel Hector que ce Wurts!
Sans ce terrible nom, mal né pour les oreilles,
Que j'allois à tes yeux étaler de merveilles!
Bientôt on eût vu Skink 1 dans mes vers emporté
De ses fameux remparts démentir la fierté;

Bientôt... Mais Wurts s'oppose à l'ardeur qui m'anime.
Finissons, il est temps: aussi bien si la rime
Alloit mal à propos m'engager dans Arnheim 2,
Je ne sais pour sortir de porte qu'Hildesheim .
Oh! que le ciel, soigneux de notre poésie,
Grand roi, ne nous fit-il plus voisins de l'Asie !
Bientôt victorieux de cent peuples altiers,
Tu nous aurois fourni des rimes à milliers.
Il n'est plaine en ces lieux si sèche et si stérile
Qui ne soit en beaux mots partout riche et fertile.
Là, plus d'un bourg fameux par son antique nom
Vient offrir à l'oreille un agréable son.

Quel plaisir de te suivre aux rives du Scamandre;
D'y trouver d'Ilion la poétique cendre;

De juger si les Grecs, qui brisèrent ses tours,
Firent plus en dix ans que Louis en dix jours!
Mais pourquoi sans raison désespérer ma veine?
Est-il dans l'univers de plage si lointaine
Où ta valeur, grand roi, ne te puisse porter,
Et ne m'offre bientôt des exploits à chanter?
Non, non, ne faisons plus de plaintes inutiles :
Puisqu'ainsi dans deux mois tu prends quarante villes,
Assuré des beaux vers dont ton bras me répond,

Je t'attends dans deux ans aux bords de l'Hellespont.

1. Ce fort, qui passait pour imprenable, fut assiégé le 18 et pris le 21 de juin 1672.

2. Ville considérable du duché de Gueldre, prise par Turenne le 14 de juin

1672.

3. Petite ville de l'électorat de Trèves.

4. Allusion au siége de Troie.

ÉPITRE V1

1

A MONSIEUR DE GUILLERAGUES 2

SECRÉTAIRE DU CABINET

Esprit né pour la cour, et maître en l'art de plaire,
Guilleragues, qui sais et parler et te taire,

Apprends-moi si je dois ou me taire ou parler.
Faut-il dans la satire encor me signaler,

Et, dans ce champ fécond en plaisantes malices,
Faire encore aux auteurs redouter mes caprices?
Jadis, non sans tumulte, on m'y vit éclater,
Quand mon esprit plus jeune, et prompt à s'irriter,
Aspiroit moins au nom de discret et de sage;
Que mes cheveux plus noirs ombrageoient mon visage.
Maintenant que le temps a mûri mes désirs,
Que mon âge, amoureux de plus sages plaisirs,
Bientôt s'en va frapper à son neuvième lustre 3,
J'aime mieux mon repos qu'un embarras illustre.
Que d'une égale ardeur mille auteurs animés
Aiguisent contre moi leurs traits envenimés;

Que tout, jusqu'à Pinchêne, et m'insulte et m'accable
Aujourd'hui vieux lion, je suis doux et traitable;
Je n'arme point contre eux mes ongles émoussés.
Ainsi que mes beaux jours mes chagrins sont passés :
Je ne sens plus l'aigreur de ma bile première,

Et laisse aux froids rimeurs une libre carrière.

1. Composée et publiée en 1674.

2. Gabriel-Joseph de Lavergne, comte de Guilleragues, secrétaire des commandements du prince de Conti, secrétaire de la chambre et du cabinet du roi, ambassadeur à la cour ottomane, né à Bordeaux, mort d'apoplexie à Constantinople le 5 de décembre 1684.

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3. A la quarante et unième année. B. Il était né le 1er novembre 1636 et l'épître v fut composée en 1674.

4. Pinchesne était neveu de Voiture. B. Pinchesne, né à Amiens.

Estienne-Martin, seigneur de

Ainsi donc, philosophe à la raison soumis,

Mes défauts désormais sont mes seuls ennemis:

C'est l'erreur que je fuis; c'est la vertu que j'aime.

Je songe à me connoître, et me cherche en moi-même :
C'est là l'unique étude où je veux m'attacher.

1

Que, l'astrolabe en main, un autre aille chercher

Si le soleil est fixe ou tourne sur son axe,

4

Si Saturne à nos yeux peut faire un parallaxe 2;
Que Rohaut vainement sèche pour concevoir
Comment, tout étant plein, tout a pu se mouvoir;
Ou
que Bernier compose et le sec et l'humide
Des corps ronds et crochus errans parmi le vide :
Pour moi, sur cette mer qu'ici-bas nous courons,
Je songe à me pourvoir d'esquif et d'avirons,
A régler mes désirs, à prévenir l'orage,
Et sauver, s'il se peut, ma raison du naufrage.
C'est au repos d'esprit que nous aspirons tous,
Mais ce repos heureux se doit chercher en nous.
Un fou rempli d'erreurs, que le trouble accompagne,
Et malade à la ville ainsi qu'à la campagne,
En vain monte à cheval pour tromper son ennui :
Le chagrin monte en croupe et galope avec lui.
Que crois-tu qu'Alexandre, en ravageant la terre,
Cherche parmi l'horreur, le tumulte et la guerre?
Possédé d'un ennui qu'il ne sauroit dompter,
Il craint d'être à soi-même, et songe à s'éviter.
C'est là ce qui l'emporte aux lieux où naît l'aurore,
Où le Perse est brûlé de l'astre qu'il adore.

De nos propres malheurs auteurs infortunés,

1. L'astrolabe sert à mesurer la hauteur des astres au-dessus de l'horizon. 2. La parallaxe, ce mot est féminin, est la différence entre le lieu apparent et le lieu véritable d'un astre, c'est-à-dire entre la place que semble occuper l'astre vu de la surface de la terre et celle qu'il occuperait vu du centre.

3. Fameux cartésien. B. Jacques Rohault, professeur de philosophie cartésienne, gendre de Cl. Clerselier, autre cartésien, né à Amiens en 1620, mort à Paris en 1675.

4. Célèbre voyageur qui a composé un abrégé de la philosophie de Gassendi. B. François Bernier, médecin et voyageur, né à Angers, mort à Paris le 22 de septembre 1688.

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Nous sommes loin de nous à toute heure entraînés.

A quoi bon ravir l'or au sein du nouveau monde? Le bonheur, tant cherché sur la terre et sur l'onde, Est ici comme aux lieux où mûrit le coco,

Et se trouve à Paris de même qu'à Cusco 1

:

On ne le tire point des veines du Potose 2.
Qui vit content de rien possède toute chose.
Mais, sans cesse ignorans de nos propres besoins,
Nous demandons au ciel ce qu'il nous faut le moins.
Oh! que si cet hiver un rhume salutaire,
Guérissant de tous maux mon avare beau-père,
Pouvoit, bien confessé, l'étendre en un cercueil,
Et remplir sa maison d'un agréable deuil!
Que mon âme, en ce jour de joie et d'opulence,
D'un superbe convoi plaindroit peu la dépense!
Disoit le mois passé, doux, honnête et soumis,
L'héritier affamé de ce riche commis

Qui, pour lui préparer cette douce journée,
Tourmenta quarante ans sa vie infortunée.
La mort vient de saisir le vieillard catarrheux :
Voilà son gendre riche; en est-il plus heureux?
Tout fier du faux éclat de sa vaine richesse,
Déjà nouveau seigneur il vante sa noblesse.
Quoique fils de meunier, encor blanc du moulin,
Il est prêt à fournir ses titres en vélin.

En mille vains projets à toute heure il s'égare:
Le voilà fou, superbe, impertinent, bizarre,
Rêveur, sombre, inquiet, à soi-même ennuyeux.
Il vivroit plus content, si, comme ses aïeux,
Dans un habit conforme à sa vraie origine,
Sur le mulet encore il chargeoit la farine.

Mais ce discours n'est pas pour le peuple ignorant,
Que le faste éblouit d'un bonheur apparent.
L'argent, l'argent, dit-on, sans lui tout est stérile :
La vertu sans l'argent n'est qu'un meuble inutile;

1. Capitale du Pérou. B. Sous les Incas; aujourd'hui c'est Lima. 2. Montagne où sont les mines d'argent les plus riches de l'Amérique.

L'argent en honnête homme érige un scélérat;
L'argent seul au palais peut faire un magistrat.
Qu'importe qu'en tous lieux on me traite d'infâme?
Dit ce fourbe sans foi, sans honneur et sans âme;
Dans mon coffre tout plein de rares qualités,
J'ai cent mille vertus en louis bien comptés,
Est-il quelque talent que l'argent ne me donne?
C'est ainsi qu'en son cœur ce financier raisonne.
Mais pour moi que l'éclat ne sauroit décevoir,
Qui mets au rang des biens l'esprit et le savoir,
J'estime autant Patru 1, même dans l'indigence,
Qu'un commis engraissé des malheurs de la France.
Non que je sois du goût de ce sage insensé
Qui, d'un argent commode esclave embarrassé,
Jeta lout dans la mer pour crier: Je suis libre 2.
De la droite raison je sens mieux l'équilibre;
Mais je tiens qu'ici-bas, sans faire tant d'apprêts,
La vertu se contente et vit à peu de frais.
Pourquoi donc s'égarer en des projets si vagues?
Ce que j'avance ici, crois-moi, cher Guilleragues,
Ton ami dès l'enfance ainsi l'a pratiqué.

Mon père, soixante ans au travail appliqué,
En mourant me laissa, pour rouler et pour vivre,
Un revenu léger 4, et son exemple à suivre.
Mais bientôt amoureux d'un plus noble métier,
Fils, frère, oncle, cousin, beau-frère de greffier,
Pouvant charger mon bras d'une utile liasse,
J'allai loin du palais errer sur le Parnasse.
La famille en pâlit, et vit en frémissant
Dans la poudre du greffe un poëte naissant:
On vit avec horreur une muse effrénée
Dormir chez un greffier la grasse matinée.

1. Fameux avocat et un des bons grammairiens de notre siècle. B.

2. Aristippe fit cette action, et Diogène conseilla à Cratès, philosophe cynique, de faire la même chose. B.

3. Gilles Boileau, greffier de la grand' chambre du parlement de Paris, né à Crosne le 28 de juin 1584, mort à Paris le 2 de février 1657.

4. Environ douze mille écus de patrimoine.

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