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contempler et leur parler tout à notre aise. Qu'on y porte nos siéges. Mercure, mettez-vous à ma droite; et vous, Minos, à ma gauche; et que Diogène se tienne derrière nous. MINOS. Les voilà qui arrivent en foule.

PLUTON. Y Sont-ils tous?

UN GARDE. On n'en a laissé aucun dans les galeries. PLUTON. ACCOurez donc, vous tous, fidèles exécuteurs de mes volontés, spectres, larves, démons, furies, milices infernales que j'ai fait assembler. Qu'on m'entoure tous ces prétendus héros, et qu'on me les dépouille.

CYRUS. Quoi! vous ferez dépouiller un conquérant comme moi?

PLUTON. Hé! de grâce, généreux Cyrus, il faut que vous passiez le pas.

HORATIUS COCLES. Quoi! un Romain comme moi, qui a défendu lui seul un pont contre toutes les forces de Porsenna, vous ne le considérerez pas plus qu'un coupeur de bourses?

PLUTON. Je m'en vais te faire chanter.

ASTRATE. Quoi! un galant aussi tendre et aussi passionné que moi, vous le ferez maltraiter?

PLUTON. Je m'en vais te faire voir la reine. Ah! les voilà dépouillés.

MERCURE. Où est le François que j'ai amené?

LE FRANÇOIS. Me voilà, seigneur, que souhaitez-vous? MERCURE. Tiens, regarde bien tous ces gens-là; les connois-tu ?

LE FRANÇOIS. Si je les connois? Hé! ce sont tous la plupart des bourgeois de mon quartier. Bonjour, madame Lucrèce. Bonjour, monsieur Brutus. Bonjour, mademoiselle Clélie. Bonjour, monsieur Horatius Coclès.

PLUTON. Tu vas voir accommoder tes bourgeois de toutes pièces. Allons, qu'on ne les épargne point, et qu'après qu'ils auront été abondamment fustigés, on me les conduise tous, sans différer, droit aux bords du fleuve de Léthé1;

1. Fleuve de l'oubli. B.

puis, lorsqu'ils y seront arrivés, qu'on me les jette tous, la tête la première, dans l'endroit du fleuve le plus profond, eux, leurs billets doux, leurs lettres galantes, leurs vers passionnés, avec tous les nombreux volumes, ou, pour mieux dire, les monceaux de ridicule papier où sont écrites leurs histoires. Marchez donc, faquins, autrefois si grands héros. Vous voilà arrivés à votre fin, ou, pour mieux dire, au dernier acte de la comédie que vous avez jouée si peu de temps.

CHŒUR DE HÉROS, s'en allant chargés d'escourgées 1. Ah! La Calprenède! Ah! Scudéri!

PLUTON. Eh! que ne les tiens-je! que ne les tiens-je! Ce n'est pas tout, Minos. Il faut que vous vous en alliez tout de ce pas donner ordre que la même justice se fasse sur tous leurs pareils dans les autres provinces de mon royaume. MINOS. Je me charge avec plaisir de cette commission. MERCURE. Mais voici les véritables héros qui arrivent et qui demandent à vous entretenir. Ne voulez-vous pas qu'on les introduise?

PLUTON. Je serai ravi de les voir; mais je suis si fatigué des sottises que m'ont dites tous ces impertinens usurpateurs de leurs noms, que vous trouverez bon qu'avant tout j'aille faire un somme.

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Quand je donnai la première fois mes satires au public, je m'étois bien préparé au tumulte que l'impression de mon livre a excité sur le Parnasse. Je savais que la nation des poëtes, et surtout des mauvais poëtes, est une nation farouche qui prend feu aisément, et que ces esprits avides de louanges ne digéreroient pas facilement une raillerie, quelque douce qu'elle pût être. Aussi oserai-je dire, à mon avantage, que j'ai regardé avec des yeux assez stoïques les

1. Fouet composé de plusieurs brins de cordes ou de cuir.

2. Ce Discours fut d'abord publié séparément avec la satire ix en 1668.

libelles diffamatoires qu'on a publiés contre moi 1. Quelques calomnies dont on ait voulu me noircir, quelques faux bruits qu'on ait semés de ma personne, j'ai pardonné sans peine ces petites vengeances au déplaisir d'un auteur irrité, qui se voyoit attaqué par l'endroit le plus sensible d'un poëte, je veux dire par ses ouvrages.

Mais j'avoue que j'ai été un peu surpris du chagrin bizarre de certains lecteurs, qui, au lieu de se divertir d'une querelle du Parnasse dont ils pouvoient être spectateurs indifférens, ont mieux aimé prendre parti et s'affliger avec les ridicules que de se réjouir avec les honnêtes gens. C'est pour les consoler que j'ai composé ma neuvième satire, où je pense avoir montré assez clairement que, sans blesser l'État ni sa conscience, on peut trouver de méchans vers méchans, et s'ennuyer de plein droit à la lecture d'un sot livre. Mais, puisque ces messieurs ont parlé de la liberté que je me suis donnée de nommer, comme d'un attentat inouï et sans exemples, et que des exemples ne se peuvent pas mettre en rimes, il est bon d'en dire ici un mot pour les instruire d'une chose qu'eux seuls veulent ignorer, et leur faire voir qu'en comparaison de tous mes confrères les satiriques j'ai été un poëte fort retenu.

Et pour commencer par Lucilius, inventeur de la satire, quelle liberté, ou plutôt quelle licence ne s'est-il point donnée dans ses ouvrages? Ce n'étoit pas seulement des poëtes et des auteurs qu'il attaquoit, c'étoit des gens de la première qualité de Rome; c'étoit des personnes consulaires. Cependant Scipion et Lélius ne jugèrent pas ce poëte, tout déterminé rieur qu'il étoit, indigne de leur amitié, et vraisemblablement, dans les occasions ils ne lui refusèrent pas leurs conseils sur ses écrits, non plus qu'à Térence. Ils ne s'avisèrent point de prendre le parti de Lupus et de Métellus qu'il avoit joués dans ses satires, et ils ne crurent pas lui donner rien du leur en lui abandonnant tous les ridicules de la république :

1. Ceci regarde particulièrement Cotin, qui avoit publié une satire contre l'auteur. B.

Num Lælius, aut qui

Duxit ob oppressa meritum Carthagine nomen;

Ingenio offensi, aut læso doluere Metello,

Famosisve Lupo cooperto versibus 1?

En effet, Lucilius n'épargnoit ni petits ni grands, et souvent des nobles et des patriciens il descendoit jusqu'à la lie du peuple :

Primores populi arripuit, populumque tributim 2.

On me dira que Lucilius vivoit dans une république, où ces sortes de liberté peuvent être permises. Voyons donc Horace, qui vivoit sous un empereur, dans les commencemens d'une monarchie, où il est bien plus dangereux de rire qu'en un autre temps. Qui ne nomme-t-il point dans ses satires? Et Fabius, le grand causeur, et Tigellius le fantasque, et Nasidienus le ridicule, et Nomentanus le débauché, et tout ce qui vient au bout de sa plume. On me répondra que ce sont des noms supposés. Oh! la belle réponse! comme si ceux qu'il attaque n'étoient pas des gens connus d'ailleurs! comme si l'on ne savait pas que Fabius étoit un chevalier romain qui avait composé un livre de droit; que Tigellius fut en son temps un musicien chéri d'Auguste; que Nasidienus Rufus étoit un ridicule célèbre dans Rome; que Cassius Nomentanus étoit un des plus fameux débauchés de l'Italie! Certainement il faut que ceux qui parlent de la sorte n'aient pas fort lu les anciens et ne soient pas fort instruits des affaires de la cour d'Auguste. Horace ne se contente pas d'appeler les gens par leur nom; il a si peur qu'on ne les méconnoisse, qu'il a soin de rapporter jusqu'à leur surnom, jusqu'au métier qu'ils faisoient, jusqu'aux charges qu'ils avaient exercées. Voyez, par exemple, comme il parle d'Aufidius Luscus, préteur de Fondi : Fundos, Aufidio Lusco prætore, libenter Linquimus, insani ridentes præmia scribæ, Prætextam, et latum clavum 3, etc.

1. Horace, 1. II, satire 1. B. Vers 65-68.

2. Horace, 1. II, satire 1. B. Vers 69.

3. Horace, 1. I, satire v, vers 35. B. - Vers 34-36.

<< Nous abandonnâmes, dit-il, avec joie le bourg de Fondi, dont étoit préteur un certain Aufidius Luscus; mais ce ne fut pas sans avoir bien ri de la folie de ce préteur, auparavant commis, qui faisoit le sénateur et l'homme de qualité. »

Peut-on désigner un homme plus précisément? et les circonstances seules ne suffisoient-elles pas pour le faire reconnoître? On me dira peut-être qu'Aufidius étoit mort alors; mais Horace parle là d'un voyage fait depuis peu. Et puis, comment mes censeurs répondront-ils à cet autre passage:

Turgidus Alpinus jugulat dum Memnona, dumque
Diffingit Rheni luteum caput, hæc ego ludo 1.

<< Pendant, dit Horace, que ce poëte enflé d'Alpinus égorge Memnon dans son poëme, et s'embourbe dans la description du Rhin, je me joue en ces satires. »

Alpinus vivoit donc du temps qu'Horace se jouoit en ces satires: et si Alpinus en cet endroit est un nom supposé, l'auteur du poëme de Memnon pouvoit-il s'y méconnoître? Horace, dira-t-on, vivoit sous le règne du plus poli de tous les empereurs; mais vivons-nous sous un règne moins poli? et veut-on qu'un prince qui a tant de qualités communes avec Auguste soit moins dégoûté que lui des méchans livres, et plus rigoureux envers ceux qui les blâment?

Examinons pourtant Perse, qui écrivoit sous le règne de Néron. Il ne raille pas simplement les ouvrages des poëtes de son temps, il attaque les vers de Néron même. Car enfin tout le monde sait, et toute la cour de Néron le savoit, que ces quatre vers, Torva Mimalloneis, etc., dont Perse fait une raillerie si amère dans sa première satire, étoient des vers de Néron. Cependant on ne remarque point que Néron, tout Néron qu'il étoit, ait fait punir Perse; et ce tyran, ennemi de la raison, et amoureux, comme on sait, de ses ouvrages, fut assez galant homme 1. Horace, l. I, satire x, vers 36. B. -Vers 36, 37.

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