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que de vos remerciments. Vous vous plaignez surtout du hasard où je vous exposois, en vous nommant académicien, à faire une mauvaise harangue. Je suis bien persuadé que vous ne la pouviez faire que fort bonne; mais quand même elle auroit été mauvaise, n'aviez-vous pas un nombre infini d'illustres exemples pour vous consoler? Et est-ce la première méchante affaire dont vous seriez sorti glorieusement? Vous dites qu'en vous j'ai prétendu donner un bretteur à l'Académie. Oui, sans doute; mais un bretteur à la manière de César, et d'Alexandre. Hé quoi! avez-vous oublié que le bonhomme Horace avoit été colonel d'une légion, et n'étoit pas revenu comme vous d'une grande défaite?

Cum fracta virtus, et minaces,
Turpe solum tetigere mento 1.

Cependant dans quelle Académie n'auroit-il point été reçu, supposé qu'il n'eût point eu pour concurrent M. de SaintAulaire? Enfin, monsieur, vous me faites concevoir que je vous ai en quelque sorte compromis par trop de zèle, puisque vous n'avez eu pour vous que ma seule voix. Mais si j'ose ici faire le fanfaron, prétendez-vous que ma seule voix non briguée ne vaille pas vingt voix mendiées başsement? Et de quel droit prétendez-vous qu'il ne soit pas permis à un censeur soit à droit, soit à tort, installé depuis longtemps sur le Parnasse, comme moi, de rendre sans votre congé justice à vos bonnes qualités, et de vous donner mon suffrage sur une place qu'il croit que vous méritez 2? Ainsi, monsieur, demeurons bons amis, et surtout pardonnez-moi les ratures qui sont dans ma lettre, puisqu'elle me coûteroit trop à récrire, et que je ne sais si je pourrois venir à bout de la mettre au net. Du reste croyez qu'il n'y a personne qui vous estime plus que moi, et que je suis très-affectueusement,

1. Horace, liv. II, ode vII, vers 11-12.

Votre très-humble, etc.

2. Il la méritait si bien, que, lorsqu'il l'eut obtenue en 1707, il fit faire son discours de réception par Lamotte. (DAUNOU.)

Nous avons déjà bu plusieurs fois à votre santé dans l'illustre auberge où l'on boit si souvent gratis, comme vous savez 1.

LETTRE VIII.

A M. DE LOSME DE MONCHESNAI 2.

SUR LA COMÉDIE.

(Septembre) 1707.

je

Puisque vous vous détachez de l'intérêt du ramoneur, ne vois pas, monsieur, que vous ayez aucun sujet de vous plaindre de moi, pour avoir écrit que je ne pouvois juger à la hâte d'ouvrages comme les vôtres, et surtout à l'égard de la question que vous entamez sur la tragédie et sur la comédie, que je vous ai avoué néanmoins que vous traitiez avec beaucoup d'esprit; car, puisqu'il faut vous dire le vrai, autant que je puis me ressouvenir de votre dernière pièce, vous prenez le change, et vous y confondez la comédienne avec la comédie, que, dans mes raisonnements avec le P. Massillon, j'ai, comme vous savez, exactement séparées. Du reste, vous y avancez une maxime qui n'est pas, ce me semble, soutenable; c'est à savoir, qu'une chose qui peut produire quelquefois de mauvais effets dans des esprits vicieux, quoique non vicieuse d'elle-même, doit être absolument défendue, quoiqu'elle puisse d'ailleurs servir au délassement et à l'instruction des hommes. Si cela est, il ne sera plus permis de peindre dans les églises des vierges Maries, ni des Suzannes, ni des Madeleines agréables de visage, puisqu'il peut fort bien arriver que leur aspect excite la concupiscence d'un esprit corrompu. La vertu convertit tout en bien, et le vice tout en mal. Si votre maxime est reçue, il ne faudra plus non-seulement voir représenter ni comédie ni tragédie, mais il n'en faudra plus

1. Sans doute chez Le Verrier, où Boileau dinait souvent.

2. Jacques de Losme de Montchesnay, né à Paris en 1666, mort à Chartres, en 1740. Il a travaillé pour le théâtre et publié un Boloana.

lire aucune; il ne faudra plus lire ni Virgile, ni Théocrite, ni Térence, ni Sophocle, ni Homère 1; et voilà ce que demandoit Julien l'Apostat, et qui lui attira cette épouvantable diffamation de la part des Pères de l'Église. Croyez-moi, monsieur, attaquez nos tragédies et nos comédies, puisqu'elles sont ordinairement fort vicieuses, mais n'attaquez point la tragédie et la comédie en général, puisqu'elles sont d'ellesmêmes indifférentes, comme le sonnet et les odes, et qu'elles ont quelquefois rectifié l'homme plus que les meilleures prédications: et, pour vous en donner un exemple admirable, je vous dirai qu'un grand prince, qui avoit dansé à plusieurs ballets, ayant vu jouer le Britannicus de M. Racine, où la fureur de Néron à monter sur le théâtre est si bien attaquée 3, il ne dansa plus à aucun ballet, non pas même au temps du carnaval. Il n'est pas concevable de combien de mauvaises choses la comédie a guéri les hommes capables d'être guéris; car j'avoue qu'il y en a que tout rend malades. Enfin, monsieur, je vous soutiens, quoi qu'en dise le P. Massillon, que le poëme dramatique est une poésie indifférente de soi-même, et qui n'est mauvaise que par le mauvais usage qu'on en fait. Je soutiens que l'amour, exprimé chastement dans cette poésie, non-seulement n'inspire point l'amour, mais peut beaucoup contribuer à guérir de l'amour les esprits bien faits, pourvu qu'on n'y répande point d'images ni de sentiments voluptueux. Que s'il y a quelqu'un qui ne laisse pas, malgré cette précaution, de s'y corrompre, la faute vient de lui, et non pas de la comédie. Du reste, je vous abandonne le comédien et la plupart de nos poëtes, et même M. Racine en plusieurs

1. Dans Desmolets: ... ni Térence, ni Sophocle, ni Homère, ni Virgile, ni Théocrite.

2. Louis XIV.

3.

Pour toute ambition, pour vertu singulière,

Il excelle à conduire un char dans la carrière;

A disputer des prix indignes de ses mains;

A se donner lui-même en spectacle aux Romains...

Acte IV, scène iv.

4. « Je vous sais bon gré, dit Monchesnai dans sa réplique à Despréaux, de

de ses pièces. Enfin, monsieur, souvenez-vous que l'amour d'Hérode pour Marianne dans Josèphe, est peint avec tous les traits les plus sensibles de la vérité. Cependant quel est le fou qui a jamais pour cela défendu la lecture de Josèphe? Je vous barbouille tout ce canevas de dissertation, afin de vous montrer que ce n'est pas sans raison que j'ai trouvé à redire à votre raisonnement. J'avoue cependant que votre satire est pleine de vers bien trouvés. Si vous voulez répondre à mes objections, prenez la peine de le faire de bouche, parce qu'autrement cela traineroit à l'infini: mais surtout trêve aux louanges. J'aime qu'on me lise, et non qu'on me loue. Je suis, etc.

LETTRE IX.

A M. DESTOUCHES 1,

SECRÉTAIRE DE MONSEIGNEUR L'AMBASSADEUR DE FRANCE

EN SUISSE A SOLEURE.

Paris, 26 décembre 1707.

Si j'étois en parfaite santé, vous n'auriez pas de moi, monsieur, une courte réplique. Je tâcherois, en répondant fort au long à vos magnifiques compliments, de vous faire voir que je sais rendre hyperboles pour hyperboles, et qu'on ne m'écrit pas impunément des lettres aussi spirituelles et aussi polies que la vôtre; mais l'âge et mes infirmités ne permettant plus ces excès à ma plume, trouvez bon, monsieur, que, sans faire assaut d'esprit avec vous, je me contente de vous assurer que j'ai senti, comme je dois, vos honnêtetés, et que j'ai lu avec un fort grand plaisir l'ouvrage que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer. J'y ai trouvé en effet beaucoup de génie et de feu, et surtout des senti

m'abandonner les comédiens et nos poëtes modernes, et même M. Racine, en plusieurs de ses pièces; lui-même est convenu avec moi que sa Bérénice étoit très-dangereuse pour les mœurs. »

1. Philippe Néricault Destouches, de l'Académie française, né à Tours en 1680, mort le 4 de juillet 1754. C'est l'auteur du Glorieux, du Philosophe marié, etc.

ments de religion, que je crois d'autant plus estimables qu'ils sont sincères, et qu'il me paroît que vous écrivez ce que vous pensez. C'est un éloge que le zèle des dévots ne mérite pas toujours. Cependant, monsieur, puisque vous souhaitez que je vous écrive avec cette liberté satirique que je me suis acquise, soit à droit, soit à tort, sur le Parnasse, depuis très-longtemps, je ne vous cacherai point que j'ai remarqué dans votre ouvrage de petites négligences, dont il y a apparence que vous vous êtes aperçu aussi bien que moi, mais que vous n'avez pas jugé à propos de réformer, et que pourtant je ne saurois vous passer. Car comment vous passer deux hiatus aussi insupportables que ceux qui paroissent dans les mots d'essuient et d'envoie de la manière dont vous les employez? comment souffrir qu'un aussi galant homme que vous fasse rimer terre à colère ? Comment?... Mais je m'aperçois qu'au lieu des remerciments que je vous dois, je vais ici vous inonder de critiques, très-mauvaises peut-être. Le mieux donc est de m'arrêter, et de finir en vous exhortant de continuer dans le bon dessein que vous avez de vous élever sur la montagne au double sommet, et d'y cueillir les infaillibles lauriers qui vous y attendent. Je suis avec beaucoup de reconnoissance...

Monsieur,

Votre très-humble, etc.

BOILEAU DESPRÉAUX.

LETTRE X.

BOILEAU A RACINE.

A Auteuil, le (26) mai (1687).

Je ne me suis point hâté de vous répondre, parce que je n'avois rien à vous mander de ce que je vous avois déjà écrit dans ma dernière lettre. Les choses sont changées depuis. J'ai quitté au bout de cinq semaines le lait d'ânesse, parce que non-seulement il ne me rendoit point la voix, mais il

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