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une seconde conscience, pour le coupable qui auroit eu le malheur de perdre la conscience naturelle; conscience évangélique, pleine de pitié et de douceur, et à laquelle Jésus-Christ avoit accordé le droit de faire grace, que n'a pas la première.

Après avoir parlé du remords qui suit le crime, il seroit inutile de parler de la satisfaction qui accompagne la vertu. Le contentement intérieur qu'on éprouve en faisant une bonne œuvre n'est pas plus une combinaison de la matière, que le reproche de la conscience, lorsqu'on commet une méchante action, n'est la crainte des lois.

Si des sophistes soutiennent que la vertu n'est qu'un amourpropre déguisé, et que la pitié n'est qu'un amour de soi-même, ne leur demandons point s'ils n'ont jamais rien senti dans leurs entrailles, après avoir soulagé un malheureux, ou si c'est la crainte de retomber en enfance qui les attendrit sur l'innocence du nouveauné. La vertu et les larmes sont pour les hommes la source de l'espérance et la base de la foi or, comment croiroit-il en Dieu, celui qui ne croit ni à la réalité de la vertu, ni à la vérité des larmes?

Nous penserions faire injure aux lecteurs, en nous arrêtant à montrer comment l'immortalité de l'ame et l'existence de Dieu se prouvent par cette voix intérieure appelée conscience. « Il y a dans l'homme, dit Cicéron', une puissance qui porte au bien et détourne du mal, non-seulement antérieure à la naissance des peuples et des villes, mais aussi ancienne que ce Dieu par qui le ciel et la terre subsistent et sont gouvernés: car la raison est un attribut essentiel de l'Intelligence divine, et cette raison, qui est en Dieu, détermine nécessairement ce qui est vice ou vertu. >>

CHAPITRE III.

QU'IL N'Y A POINT DE MORALE, S'IL N'Y A POINT D'AUTRE VIE. Présomption en faveur de l'ame, tirée du respect de l'Homme pour les Tombeaux. LA morale est la base de la société; mais si tout est matière en nous, il n'y a réellement ni vice ni vertu, et conséquemment plus de morale. Nos lois, toujours relatives et changeantes, ne peuvent servir de point d'appui à la morale, toujours absolue et inaltérable; il faut donc qu'elle ait sa source dans un monde plus stable que celui-ci, et des garants plus sûrs que des récompenses précaires ou des châtiments passagers. Quelques philosophes ont cru que la religion avoit été inventée pour la soutenir; ils ne se sont pas aperçus

1 Ad Altic., XII, 28, traduction de d'Olivet.

qu'ils prenoient l'effet pour la cause. Ce n'est pas la religion qui découle de la morale, c'est la morale qui naît de la religion, puisqu'il est certain, comme nous venons de le dire, que la morale ne peut avoir son principe dans l'homme physique ou la simple matière ; puisqu'il est certain que, quand les hommes perdent l'idée de Dieu, ils se précipitent dans tous les crimes en dépit des lois et des bourreaux.

Une religion qui a voulu s'élever sur les ruines du christianisme, et qui a cru mieux faire que l'Évangile, a déroulé dans nos églises ce précepte du Décalogue: Enfants, honorez vos pères et mères. Pourquoi les théophilanthropes ont-ils retranché la dernière partie du précepte, afin de vivre longuement? C'est qu'une misère secrète leur a appris que l'homme qui n'a rien ne peut rien donner. Comment auroit-il promis des années, celui qui n'est pas assuré de vivre deux moments? Tu me fais présent de la vie, lui auroit-on dit, et tu ne vois pas que tu tombes en poussière ! Comme Jéhovah, tu m'assures une longue existence, et as-tu comme lui l'éternité pour y puiser des jours? Imprudent! l'heure où tu vis n'est pas même à toi: tu ne possèdes en propre que la mort ; que tireras-tu donc du fond de ton sépulcre, hors le néant, pour récompenser ma vertu ?

Enfin, il y a une autre preuve morale de l'immortalité de l'ame, sur laquelle il faut insister: c'est la vénération des hommes pour les tombeaux. Là, par un charme invincible, la vie est attachée à la mort; là, la nature humaine se montré supérieure au reste de la création, et déclare ses hautes destinées. La bête connoît-elle le cercueil, et s'inquiète-t-elle de ses cendres? Que lui font les ossements de son père? ou plutôt sait-elle quel est son père après que les besoins de l'enfance sont passés ? D'où nous vient donc la puissante idée que nous avons du trépas? Quelques grains de poussière mériteroient-ils nos hommages? Non, sans doute nous respectons les cendres de nos ancêtres parcequ'une voix nous dit que tout n'est pas éteint en eux. Et c'est cette voix qui consacre le culte funèbre chez tous les peuples de la terre: tous sont également per→ suadés que le sommeil n'est pas durable, même au tombeau, et que la mort n'est qu'une transfiguration glorieuse.

CHAPITRE IV.

De quelques Objections.

SANS entrer trop avant dans les preuves métaphysiques que nous avons pris soin d'écarter, nous tâcherons pourtant de répondre à quelques objections qu'on reproduit éternellement.

Cicéron ayant avancé, d'après Platon, qu'il n'y a point de peutples chez lesquels on n'ait trouvé quelque notion de la Divinité, ce consentement universel des nations, que les anciens philosophes regardoient comme une loi de nature, a été nié par les incrédules modernes; ils ont soutenu que certains sauvages n'ont aucune con-. noissance de Dieu.

Les athées se tourmentent en vain pour couvrir la foiblesse de leur cause; il résulte de leurs arguments que leur système n'est fondé que sur des exceptions, tandis que le déisme suit la règle générale. Si l'on dit que le genre humain croit en Dieu, l'incrédule vous oppose d'abord tels Sauvages, ensuite telle personne, et quelquefois lui-même. Soutient-on que le hasard n'a pu former le monde, parcequ'il n'y auroit eu qu'une seule chance favorable contre d'incalculables impossibilités : l'incrédule en convient; mais il répond que cette chance existoit: c'est en tout la même manière de raisonner. De sorte que, d'après l'athée, la nature est un livre où la vérité se trouve toujours dans la note, et jamais dans le texte, une langue dont les barbarismes forment seuls l'essence et le génie.

Quand on vient d'ailleurs à examiner ces prétendues exceptions, on découvre, ou qu'elles tiennent à des causes locales, ou qu'elles rentrent même dans la loi établie. Ici, par exemple, il est faux qu'il y ait des Sauvages qui n'aient aucune notion de la Divinité. Les voyageurs qui avoient avancé ce fait ont été démentis par d'autres voyageurs mieux instruits. Parmi les incrédules des bois, on avoit cité les hordes canadiennes : eh bien! nous les avons vus ces sophistes de la hutte, qui devoient avoir appris dans le livre de la nature, comme nos philosophes dans les leurs, qu'il n'y a ni Dieu ni avenir pour l'homme; ces Indiens sont d'absurdes barbares, qui voient l'ame d'un enfant dans une colombe ou dans une touffe de sensitive. Les mères, chez eux, sont assez insensées pour épancher leur lait sur le tombeau de leurs fils, et elles donnent à l'homme, au sépulcre, la même attitude qu'il avoit dans le sein maternel. Elles prétendent enseigner ainsi que la mort n'est qu'une seconde mère qui nous enfante à une autre vie. L'athéisme ne fera jamais rien de ces peuples qui doivent à la Providence le logement, l'habit et la nourriture; et nous conseillons aux incrédules de se défier de ces alliés corrompus, qui reçoivent secrètement des présents de l'ennemi.

Autre objection.

« Puisque l'esprit croît et décroît avec l'âge, puisqu'il suit les

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altérations de la matière, il est donc lui-même de nature matérielle conséquemment divisible, et sujet à périr. »

Ou l'esprit et le corps sont deux êtres différents, ou ils ne sont que le même être. S'ils sont deux, il vous faut convenir que l'esprit est renfermé dans le corps; il en résulte qu'aussi longtemps que durera cette union, l'esprit sera en quelques degrés soumis aux liens qui le pressent. Il paroîtra s'élever ou s'abaisser dans les 'proportions de son enveloppe. L'objection ne subsiste donc plus, dans l'hypothèse où l'esprit et le corps sont considérés comme deux substances distinctes.

Dans celle où vous supposez qu'ils ne sont qu'un et tout, parta'geant même vie et même mort, vous êtes tenus à prouver l'assertion. Or, il est depuis longtemps démontré que l'esprit est essentiellement différent du mouvement et des autres propriétés de la matière; n'étant ni étendu, ni divisible.

Ainsi l'objectión se renverse de fond en comble, puisque tout se réduit à savoir si la matière et la pensée sont une et même chose; ce qui ne se peut soutenir sans absurdité.

Au surplus, il ne faut pas s'imaginer qu'en employant la pres.cription pour écarter cette difficulté, il soit impossible de l'attaquer. par le fond. On peut prouver qu'alors même que l'esprit semble suivre les accidents du corps, il conserve les caractères distinctifs de son essence. Les athées, par exemple, produisent en triomphe la folie, les blessures au cerveau, les fièvres délirantes: afin d'étayer leur système, ces hommes sont obligés d'enrôler, pour auxiliaires dans leur cause, les malheurs de l'humanité. Eh bien donc, cés fièvres, cette folie (que l'athéisme, c'est-à-dire le génie du mal, a raison d'appeler en preuve de sa réalité), que démontrent-elles. après tout? Je vois une imagination déréglée, mais un entendement réglé. Le fou et le malade aperçoivent des objets qui n'existent pas; mais raisonnent-ils faux sur ces objets? Ils tirent d'une cause infirme des conséquences saines.

Pareille chose arrive à l'homme attaqué de la fièvre : son ame est offusquée dans la partie où se réfléchissent les images, parceque l'imbécillité des sens ne lui transmet que des notions trompeuses; mais la région des idées reste entière et inaltérable. Et. de même qu'un feu allumé dans une vile matière n'en est pas moins un feu pur, quoique nourri d'impurs aliments, ainsi la pensée, flamme céleste, s'élance, incorruptible et immortelle, du milieu de la corruption et de la mort.

Quant à l'influence des climats sur l'esprit, qui a été alléguée

comme une preuve de la matérialité de la pensée, nous prions les lecteurs de faire quelque attention à notre réponse; car, au lieu de résoudre une objection, nous allons tirer de la chose même qu'on nous oppose une preuve de l'immortalité.

On a remarqué que la nature se montre plus forte au septentrion et au midi: c'est entre les tropiques que se trouvent les plus grands quadrupèdes, les plus grands reptiles, les plus grands oiseaux, les plus grands fleuves, les plus hautes montagnes; c'est dans les régions du nord que vivent les puissants cétacés, qu'on rencontre l'énorme fucus et le pin gigantesque. Si tout est effet de matière, combinaison d'éléments, force de soleil, résultat du froid et du chaud, du sec et de l'humide, pourquoi l'homme est-il excepté de la loi générale ? Pourquoi sa capacité physique et morale he se dilate-t-elle pas avec celle de l'éléphant sous la ligne, et de la baleine sous le pôle? Dira-t-on qu'il est comme le bœuf un animal de tous les pays? Mais le bœuf conserve son instinct en tout climat, et nous voyons par rapport à l'homme une chose bien différente.

Loin de suivre la loi générale des êtres, loin de se fortifier là où la matière est supposée plus active, l'homme, au contraire, s'affoiblit en raison de l'accroissement de la création animale autour de lui. L'Indien, le Péruvien, le Nègre au midi; l'Esquimaux, le Lapon au nord, en sont la preuve. Il y a plus : l'Amérique, où le mélange des limons et des eaux donne à la végétation la vigueur d'une terre primitive, l'Amérique est pernicieuse aux races d'hommes, quoiqu'elle le devienne moins chaque jour, en raison de l'affoiblissement du principe matériel. L'homme n'a toute son 'énergie que dans les régions où les éléments moins vifs laissent un plus libre cours à la pensée; où cette pensée, pour ainsi dire dépouillée de son vêtement terrestre, n'est gênée dans aucun de ses mouvements, dans aucune de ses facultés.

Il faut donc reconnoître ici quelque chose en opposition directe avec la nature passive: or, cette chose est notre ame immortelle. Elle répugne aux opérations de la matière; elle est malade, elle languit quand elle en est trop touchée. Cet état de langueur de l'ame produit à son tour la débilité du corps'; le corps, qui, s'il eût été seul, eût profité sous les feux du soleil, est contrarié par l'abattement de l'esprit. Que si l'on disoit que c'est, au contraire, le corps qui, ne pouvant supporter les extrémités du froid et du chaud, fait dégénérer l'ame, en dégénérant lui-même, ce seroit une seconde fois prendre l'effet pour la cause.

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