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été inventées par Galen, évêque de Munster; le diacre Flavio de Gioia, Napolitain, a trouvé la boussole; le moine Despina, les lunettes; et Pacificus, archidiacre de Vérone, ou le pape Sylvestre II, l'horloge à roues. Que de savants, dont nous avons déja nommé un grand nombre dans le cours de cet ouvrage, ont illustré les cloîtres, ou ajouté de la considération aux chaires éminentes de l'Église! que d'écrivains célèbres! que d'hommes de lettres distingués! que d'illustres voyageurs! que de mathématiciens, de naturalistes, de chimistes, d'astronomes, d'antiquaires! que d'orateurs fameux! que d'hommes d'état renommés! Parler de Suger, de Ximenes, d'Albéroni, de Richelieu, de Mazarin, de Fleury, n'est-ce pas rappeler à la fois les plus grands ministres et les plus grandes choses de l'Europe moderne?

Au moment même où nous traçons ce rapide tableau des bienfaits de l'Église, l'Italie en deuil rend un témoignage touchant d'amour et de reconnoissance à la dépouille mortelle de Pie VI'. La capitale du monde chrétien attend le cercueil du pontife infortuné qui, par des travaux dignes d'Auguste et de Marc-Aurèle, a desséché des marais infects, retrouvé le chemin des consuls romains, et réparé les aqueducs des premiers monarques de Rome. Pour dernier trait de cet amour des arts, si naturel aux chefs de l'Église, le successeur de Pie VI, en même temps qu'il rend la paix aux fidèles, trouve encore, dans sa noble indigence, des moyens de remplacer, par de nouvelles statues, les chefsd'œuvre que Rome, tutrice des beaux-arts, a cédés à l'héritière d'Athènes.

Après tout, les progrès des lettres étoient inséparables des progrès de la religion, puisque c'étoit dans la langue d'Homère et de Virgile que les Pères expliquoient les principes de la foi : le sang des martyrs, qui fut la semence des chrétiens, fit croître aussi le laurier de l'orateur et du poëte.

Rome chrétienne a été pour le monde moderne ce que Rome païenne fut pour le monde antique, le lien universel; cette capitale des nations remplit toutes les conditions de sa destinée, et semble véritablement la Ville éternelle. Il viendra peut-être un temps où l'on trouvera que c'étoit pourtant une grande idée, une magnifique institution que celle du trône pontifical. Le père spirituel, placé au milieu des peuples, unissoit ensemble les diverses parties de la chrétienté. Quel beau rôle que celui d'un pape vraiment animé de l'esprit apostolique! Pasteur général du troupeau,

En l'année 1800.

il peut, ou contenir les fidèles dans le devoir, ou les défendre de l'oppression. Ses états, assez grands pour lui donner l'indépendance, trop petits pour qu'on ait rien à craindre de ses efforts, ne lui laissent que la puissance de l'opinion; puissance admirable, quand elle n'embrasse dans son empire que des œuvres de paix, de bienfaisance et de charité.

Le mal passager que quelques mauvais papes ont fait a disparu. avec eux; mais nous ressentons encore tous les jours l'influence des biens immenses et inestimables que le monde entier doit à la cour de Rome. Cette cour s'est presque toujours montrée supérieure à son siècle. Elle avoit des idées de législation, de droit. public, elle connoissoit les beaux-arts, les sciences, la politesse, lorsque tout étoit plongé dans les ténèbres des institutions gothiques; elle ne se réservoit pas, exclusivement la lumière, elle la répandoit sur tous; elle faisoit tomber les barrières que les préjugés élèvent entre les nations: elle cherchoit à adoucir nos mœurs, à nous tirer de notre ignorance, à nous arracher à nos coutumes grossières ou féroces. Les papes, parmi nos ancêtres, furent des missionnaires des arts, envoyés à des Barbares, des législateurs chez des Sauvages. « Le règne seul de Charlemagne, dit Voltaire, eut une lueur de politesse, qui fut probablement « le fruit du yoyage de Rome.

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C'est donc une chose assez généralement reconnue, que l'Europe doit au Saint-Siége sa civilisation, une partie de ses meilleures lois, et presque toutes ses sciences et ses arts. Les souverains pontifes vont maintenant chercher d'autres moyens d'être utiles aux hommes: une nouvelle carrière les attend, et nous avons des présages qu'ils la rempliront avec gloire. Rome est remontée à cette pauvreté évangélique qui faisoit tout son trésor dans les anciens jours. Par une conformité remarquable, il y a des Gentils à convertir, des peuples à rappeler à l'unité, des haines à éteindre, des larmes à essuyer, des plaies à fermer, et qui demandent tous les baumes de la religion. Si Rome comprend bien sa position, jamais elle n'a eu devant elle de plus grandes espérances et de plus brillantes destinées. Nous disons des espérances, car nous comptons les tribulations au nombre des desirs de l'Eglise de Jésus-Christ. Le monde dégénéré appelle une seconde prédication de l'Evangile; le christianisme se renouvelle, et sort victorieux du plus terrible des assauts que l'Enfer lui ait encore livrés. Qui sait si ce que nous avons pris pour la chute de l'Église *n'est pas sa réédification! Elle périssoit dans la richesse et dans

le repos, elle ne se souvenoit plus de la croix : la croix a reparu, elle sera sauvée.

CHAPITRE VII.

Agriculture.

C'EST au clergé séculier et régulier que nous devons encore le renouvellement de l'agriculture en Europe, comme nous lui devons la fondation des colléges et des hôpitaux. Défrichements des terres, ouvertures des chemins, agrandissements des hameaux et des villes, établissements des messageries et des auberges, arts et métiers, manufactures, commerce intérieur et extérieur, lois civiles et politiques; tout enfin nous vient originairement de l'Église. Nos pères étoient des Barbares à qui le christianisme étoit obligé d'enseigner jusqu'à l'art de se nourrir.

La plupart des concessions faites aux monastères dans les premiers siècles de l'Eglise étoient des terres vagues, que les moines cultivoient de leurs propres mains. Des forêts sauvages, des marais impraticables, de vastes landes, furent la source de ces richesses que nous avons tant reprochées au clergé.

Tandis que les chanoines prémontrés labouroient les solitudes de la Pologne et une portion de la forêt de Coucy en France, les bénédictins fertilisoient nos bruyères. Molême, Colan et Citeaux, qui se couvrent aujourd'hui de vignes et de moissons, étoient des lieux semes de ronces et d'épines, où les premiers religieux habitoient sous des huttes de feuillages, comme les Américains au milieu de leurs défrichements.

Saint Bernard et ses disciples fécondèrent les vallées stériles que leur abandonna Thibaut, comte de Champagne. Fontevrault fut une véritable colonie, établie par Robert d'Arbrissel, dans un pays désert, sur les confins de l'Anjou et de la Bretagne. Des familles entières cherchèrent un asile sous la direction de ces bénédictins: il s'y forma des monastères de veuves, de filles, de laïques, d'in firmes et de vieux soldats. Tous devinrent cultivateurs, à l'exemple des Pères, qui abattoient eux-mêmes les arbres, guidoient la charrue, semoient les grains, et couronnoient cette partie de la France de ces belles moissons qu'elle n'avoit point encore portées.

La colonie fut bientôt obligée de verser au-dehors une partie de ses habitants, et de céder à d'autres solitudes le superflu de ses mains laborieuses. Raoul de la Futaye, compagnon de Robert, s'établit dans la forêt du Nid-du-Merle, et Vital, autre bénédictin, dans les bois de Savigny. La forêt de l'Orges, dans le diocèse

d'Angers, Chaufournois, aujourd'hui Chantenois, en Touraine, Bellay dans la même province, la Puie en Poitou, l'Encloître dans la forêt de Gironde, Gaisne à quelques lieues de Loudun, Luçon dans les bois du même nom, la Lande dans les landes de Garnache, la Madeleine sur la Loire, Bourbon en Limousin, Cadouin en Périgord, enfin Haute-Bruyère,près de Paris, furent autant de colonies de Fontevrault, et qui, pour la plupart, d'incultes qu'elles étoient, se changèrent en opulentes campagnes.

Nous fatiguerions le lecteur, si nous entreprenions de nommer tous les sillons que la charrue des bénédictins a tracés dans les Gaules sauvages. Maurecourt, Longpré, Fontaine, le Charme, Colinance, Foicy, Bellomer, Cousanie, Sauvement, les Épines, Eube, Vanassel, Pons, Charles, Vairville, et cent autres lieux dans la Bretagne, l'Anjou, le Berry, l'Auvergne, la Gascogne, le Languedoc, la Guyenne, attestent leurs immenses travaux. Saint Colomban fit fleurir le désert de Vauge; des filles bénédictines même, à l'exemple des Pères de leur ordre, se consacrèrent à la culture; celles de Montreuil-les-Dames « s'occupoient, dit Hermann, à coudre, à filer, et à défricher les épines de la forêt, à l'imitation de Laon et de tous les religieux de Clairvaux '. »

En Espagne, les bénédictins déployèrent la même activité. Ils ⚫ achetèrent des terres en friche au bord du Tage, près de Tolède, et ils y fondèrent le couvent de Venghalia, après avoir planté en vignes et en orangers tout le pays d'alentour.

Le mont Cassin, en Italie, n'étoit qu'une profonde solitude: lorsque saint Benoît s'y retira, le pays changea de face en peu de temps, et l'abbaye nouvelle devint si opulente par ses travaux, qu'elle fut en état de se défendre, en 1057, contre les Normands qui lui firent la guerre.

Saint Boniface, avec les religieux de son ordre, commença toutes les cultures dans les quatre évêchés de Bavière. Les bénédictins de Fulde défrichèrent entre la Hesse, la Franconie et la Thuringe, un terrain du diamètre de huit mille pas géométriques, ce qui donnoit vingt-quatre mille pas, ou seize lieues de circonférence; ils comptèrent bientôt jusqu'à dix-huit mille métairies, tant en Bavière qu'en Souabe: les moines de Saint-Benoît-Polironne, près de Mantoue, employoient au labourage plus de trois mille paires de bœufs.

Remarquons en outre que la règle presque générale qui interdisoit l'usage de la viande aux ordres monastiques vint sans doute, De Miracul., lib. 111, cap. xvII.

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en premier lieu, d'un principe d'économie rurale. Les sociétés religieuses étant alors fort multipliées, tant d'hommes qui ne vivoient que de poissons, d'œufs, de lait et de légumes, dûrent favoriser singulièrement la propagation des races de bestiaux. Ainsi nos campagnes, aujourd'hui si florissantes, sont en partie redevables de leurs moissons et de leurs troupeaux au travail des moines et à leur frugalité.

De plus, l'exemple, qui est souvent peu de chose en morale; parceque les passions en détruisent les bons effets, exerce une grande puissance sur le côté matériel de la vie. Le spectacle de plusieurs milliers de religieux cultivant la terre mina peu à peu ces préjugés barbares qui attachoient le mépris à l'art qui nourrit les hommes. Le paysan apprit dans les monastères à retourner la glèbe et à fertiliser le sillon. Le baron commença à chercher dans son champ des trésors plus certains que ceux qu'il se procuroit par les armes. Les moines furent donc réellement les pères de l'agriculture, et comme laboureurs eux-mêmes, et comme les premiers maîtres de nos laboureurs.

Ils n'avoient point perdu de nos jours ce génie utile. Les plus belles cultures, les paysans les plus riches, les mieux nourris et les moins vexés, les équipages champêtres les plus parfaits, les troupeaux les plus gras, les fermes les mieux entretenues, se trouvoient dans les abbayes. Ce n'étoit pas là, ce me semble, un sujet de reproches à faire au clergé.

CHAPITRE VIII.

Villes et Villages, Ponts, grands Chemins, etc.

MAIS si le clergé a défriché l'Europe sauvage, il a aussi multiplié nos hameaux, accru et embelli nos villes. Divers quartiers dè Paris, tels que ceux de Sainte-Geneviève et de Saint-Germainl'Auxerrois, se sont élevés en partie aux frais des abbayes du même nom '. En général, partout où il se trouvoit un monastère, là se formoit un village: La Chaise-Dieu, Abbeville, et plusieurs autres lieux, portent encore dans leurs noms la marque de leur origine. La ville de Saint-Sauveur, au pied du mont Cassin, en Italie, et les bourgs environnants, sont l'ouvrage des religieux de saint Benoît. A Fulde, à Mayence, dans tous les Cercles ecclésiastiques de l'Allemagne, en Prusse, en Pologne, en Suisse, en Espagne, en Angleterre, une foule de cités ont eu pour fondateurs des or

1. Histoire de la ville de Paris.

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