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tôt qu'elles ont été rédigées en partie par de savants prêtres ou des assemblées d'ecclésiastiques.

De temps immémorial, les évêques et les métropolitains ont eu des droits assez considérables en matière civile. Ils étoient chargés de la promulgation des ordonnances impériales relatives à la tranquillité publique; on les prenoit pour arbitres dans les procès : c'étoient des espèces de juges de paix naturels que la religion avoit donnés aux hommes. Les empereurs chrétiens, trouvant cette coutume établie, la jugèrent si salutaire', qu'ils la confirmèrent par des articles de leurs codes. Chaque gradué, depuis le sous-diacre jusqu'au souverain pontife, exerçoit une petite juridiction, de sorte que l'esprit religieux agissoit par mille points et par mille manières sur les lois. Mais cette influence étoit-elle favorable ou dangereuse aux citoyens? Nous croyons qu'elle étoit favorable.

D'abord, dans tout ce qui s'appelle administration, la sagesse du clergé a constamment été reconnue, même des écrivains lés plus opposés au christianisme. Lorsqu'un état est tranquille, les hommes ne font pas le mal pour le seul plaisir de le faire. Quel intérêt un concile pouvoit-il avoir à porter une loi inique, touchant l'ordre des successions ou les conditions d'un mariage? ou pourquoi un official, ou un simple prêtre, admis à prononcer sur un point de droit, auroit-il prévariqué? S'il est vrai qué l'éducation et les principes qui nous sont inculqués dans la jeunesse influent sur notre caractère, des ministres de l'Évangile devoient être, en général, guidés par un conseil de douceur et d'impartialité; mettons, si l'on veut, une restriction, et disons, dans tout ce qui ne regardoit pas ou leur ordre, ou leurs personnes. D'ailleurs l'esprit de corps, qui peut être mauvais dans l'ensemble, est toujours bon dans la partie. Il est à présumer qu'un membre d'une grande société religieuse se distinguerà plutôt par sa droiture, dans une place civile, que par ses prévarications, ne fût-ce que pour la gloire de son ordre, et le joug que cet ordre lui impose.

De plus, les conciles étoient composés de prélats de tous les pays, et partant ils avoient l'immense avantage d'être comme étrangers aux peuples pour lesquels ils faisoient des lois. Ces haines, ces amours, ces préjugés feudataires, qui accompagnent ordinairement le législateur, étoient inconnus aux Pères des conciles. Un évêque françois avoit assez de lumières touchant sa pa

Eus., de Vit. Const., lib. IV, cap. 27; Sozom., lib. 1, cap. 9; Cod. Justin., lib. 1, tit iv. leg. 7.

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Voyez Voltaire, dans l'Essai sur les Mour's.

trie pour combattre un canon qui en blessoit les mœurs ; mais il n'avoit pas assez de pouvoir sur des prélats italiens, espagnols, anglois, pour leur faire adopter un'règlement injuste; libre dans le bien, sa position le bornoit dans le mal. C'est Machiavel, ce nous semble, qui propose de faire rédiger la constitution d'un État par un étranger. Mais cet étranger pourroit être, ou gagné par intérêt, ou ignorant du génie de la nation dont il fixeroit le gouvernement; deux grands inconvénients que le concile n'avoit pas, puisqu'il étoit à la fois au-dessus de la corruption par ses richesses, et instruit des inclinations particulières des royaumes par les divers ⚫ membres qui le composoient.

L'Église prenant toujours la morale pour base, de préférence à la politique (comme on le voit par les questions de rapt, de divorce, d'adultère), ses ordonnances devoient avoir un fond naturel de rectitude et d'universalité. En effet, la plupart des canons ne sont point relatifs à telle ou telle contrée ; ils comprennent toute la chrétienté. La charité, le pardon des offenses, formant tout le christianisme, et étant spécialement recommandés dans le sacerdoce, l'action de ce caractère sacré sur les mœurs doit participer de ces vertus. L'histoire nous offre sans cesse le prêtre priant pour le malheureux, demandant grace pour le coupable, ou intercédant pour l'innocent. Le droit d'asile dans les églises, tout abusif qu'il pouvoit être, est néanmoins une grande preuve de la tolérance que l'esprit religieux avoit introduite dans la justice criminelle. Les dominicains furent animés par cette pitié évangélique, lorsqu'ils dénoncèrent avec tant de force les cruautés des Espagnols dans le Nouveau-Monde. Enfin, comme notre code a été formé dans des temps de barbarie, le prêtre étant le seul homme qui eût alors quelques lettres, il ne pouvoit porter dans les lois qu'une influence heureuse, et des lumières qui manquoient au reste des citoyens.

On trouve un bel exemple de l'esprit de justice que le christianisme tendoit à introduire dans nos tribunaux. Saint Ambroise observe que si, en matière criminelle, les évêques sont obligés par leur caractère d'implorer la clémence du magistrat, ils ne doivent jamais intervenir dans les causes civiles qui ne sont pas portées à leur propre juridiction: « Car, dit-il, vous ne pouvez solliciter pour une des parties sans nuire à l'autre, et vous rendre peut-être coupable d'une grande injustice ' . »

Admirable esprit de la religion!

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La modération de saint Chrysostome n'est pas moins remarqua-
Ambros., de Office, lib. 11, cap. 3.

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ble : « Dieu, dit ce grand saint, a permis à un homme de renvoyer sa femme pour cause d'adultère, mais non pas pour cause d'idolâtrie. » Selon le droit romain, les infames ne pouvoient être juges. Saint Ambroise et saint Grégoire poussent encore plus loin cette belle loi, car ils ne veulent pas que ceux qui ont commis de grandes fautes demeurent juges, de peur qu'ils ne se condamnent euxmêmes en condamnant les autres 2.

En matière criminelle, le prélat se récusoit, parceque la religion a horreur du sang. Saint Augustin obtint par ses prières la vie des Circumcellions, convaincus d'avoir assassiné des prêtres catholiques. Le concile de Sardique fait même une loi aux évêques d'interposer leur médiation dans les sentences d'exil et de bannissement 3. Ainsi, le malheureux devoit à cette charité chrétienne non seulement la vie, mais, ce qui est bien plus précieux encore, la douceur de respirer son air natal.

Ces autres dispositions de notre jurisprudence criminelle sont tirées du droit canonique : « 1o On ne doit point condamner un absent, qui peut avoir des moyens légitimes de défense. 2° L'accusateur et le juge ne peuvent servir de témoins. 3o Les grands criminels ne peuvent être accusateurs 4. 4° En quelque dignité qu'une personne soit constituée, sa seule déposition ne peut suffire pour condamner un accusé 5. »

On peut voir dans Héricourt la suite de ces lois, qui confirment ce que nous avons avancé, savoir, que nous devons les meilleures dispositions de notre code civil et criminel au droit canonique. Ce droit est en général beaucoup plus doux que nos lois, et nous avons repoussé sur plusieurs points son indulgence chrétienne. Par exemple, le septième concile de Carthage décide que quand il y a plusieurs chefs d'accusation, si l'accusateur ne peut prouver le premier chef, il ne doit point être admis à la preuve des autres; nos coutumes en ont ordonné autrement.

Cette grande obligation que notre système civil doit aux règlements du christianisme est une chose très grave, très peu observée, et pourtant très digne de l'être.

Enfin les juridictions seigneuriales, sous la féodalité, furent de nécessité moins vexatoires dans la dépendance des abbayes et des prélatures, que sous le ressort d'un comte ou d'un baron. Le sei⚫gneur ecclésiastique étoit tenu à de certaines vertus que le guer1 In. cap., Isaïe, 3.

* Héricourt, Lois ecclés., page 760. Quest. vII. — 3 Conc. Sard. Can. 17. 41Hér., loc. cit. et seq. 5 Cet admirable canon n'étoit pas suivi dans nos lois.

6 Montesquieu et le docteur Robertson en ont dit quelques mots.

rier ne se croyoit pas obligé de pratiquer. Les abhés cessèrent promptement de marcher à l'armée, et leurs vassaux devinrent de paisibles laboureurs. Saint Benoit d'Aniane, réformateur des bénédictins en France, recevoit les terres qu'on lui offroit, mais il ne vouloit point accepter les serfs; il leur rendoit sur-le-champ la liberté cet exemple de magnanimité, au milieu du dixième siècle, est bien frappant; et c'est un moine qui l'a donné!

CHAPITRE XI.

Politique et Gouvernement.

La coutume qui accordoit le premier rang au clergé dans les assemblées des nations modernes tenoit au grand principe religieux que l'antiquité entière regardoit comme le fondement de l'existence politique. « Je ne sais, dit Cicéron, și anéantir la piété envers les dieux, ce ne seroit point aussi anéantir la bonne foi, la société du genre humain, et la plus excellente des vertus, la justice: Haud scio an, pietate adversus deos sublata, fides etiam, et societas humani generis, et una excellentissima virtus, justitia, tollatur.

Puisqu'on avoit cru jusqu'à nos jours que la religion est la base de la société civile, ne faisons pas un crime à nos pères d'avoir pensé comme Platon, Aristote, Cicéron, Plutarque, et d'avoir mis l'autel et ses ministres au degré le plus éminent de l'ordre social.

Mais si personne ne nous conteste sur ce point l'influence de l'Église dans le corps politique, on soutiendra peut-être que cette influence a été funeste au bonheur public et à la liberté. Nous ne ferons qu'une réflexion sur ce vaste et profond sujet : remontons un instant aux principes généraux d'où il faut toujours partir quand on veut atteindre à quelque vérité.

La nature, au moral et au physique, semble n'employer qu'un seul moyen de création; c'est de mêler, pour produire, la force à la douceur. Son énergie paroît résider dans la loi générale des contrastes. Si elle joint la violence à la violence, ou la foiblesse à la foiblesse, loin de former quelque chose, elle détruit par excès ou par défaut. Toutes les législations de l'antiquité offrent ce système d'opposition qui enfante le corps politique.

Cette vérité une fois reconnue, il faut chercher les points d'opposition il nous semble que les deux principaux résident l'un. dans les mœurs du peuple, l'autre dans les institutions à donner à ce peuple. S'il est d'un caractère timide et foible, que sa consti

Hélyot. - De Nat. Deor., 4, 2.

tution soit hardie et robuste; s'il est fier, impétueux, inconstant, que son gouvernement soit doux, modéré, invariable. Ainsi la théocratie ne fut pas bonne aux Egyptiens; elle les asservit sans leur donner les vertus qui leur manquoient: c'étoit une nation pa cifique; il lui falloit des institutions militaires.

L'influence sacerdotale, au contraire, produisit à Rome des effets admirables: cette reine du monde dut sa grandeur à Numa, qui sut placer la religion au premier rang chez un peuple de guerriers qui ne craint pas les hommes doit craindre les dieux.

Ce que nous venons de dire du Romain s'applique au François; il n'a pas besoin d'être excité, mais d'être retenu. On parle du danger de la théocratie; mais chez quelle nation belliqueuse un prêtre a-t-il conduit l'homme à la servitude?

C'est donc de ce grand principe général qu'il faut partir pour considérer l'influence du clergé dans notre ancienne constitution, et non pas de quelques détails particuliers, locaux et accidentels. Toutes ces déclamations contre la richesse de l'Église, contre son ambition, sont de petites vues d'un sujet immense; c'est considérer à peine la surface des objets, et ne pas jeter un coup d'œil ferme dans leurs profondeurs. Le christianisme étoit, dans notre corps politique, comme ces instruments religieux dont les Spartiates se servoient dans les batailles, moins pour animer le soldat que pour modérer son ardeur.

Si l'on consulte l'histoire de nos États-Généraux, on verra que le clergé a toujours rempli ce beau rôle de modérateur. Il calmoit, il adoucissoit les esprits, il prévenoit les résolutions extrêmes. L'Église avoit seule de l'instruction et de l'expérience, quand des barons hautains et d'ignorantes communes ne connoissoient que les factions et une obéissance absolue; elle scule, par l'habitude des synodes et des conciles, savoit parler et délibérer; elle seule avoit de la dignité, lorsque tout en manquoit autour d'elle. Nous la voyons tour à tour s'opposer aux excès du peuple, présenter de libres remontrances aux rois, et braver la colère des nobles. La supériorité de ses lumières, son génie conciliant, sa mission de paix, la nature même de ses intérêts, devoient lui donner en politique des idées généreuses, qui manquoient aux deux autres ordres. Placée entre ceux-ci, elle avoit tout à craindre des grands, et rien des communes, dont elle devenoit, par cette seule raison, le défenseur naturel. Aussi la voit-on, dans les moments de troubles, voter de préférence avec les dernières. La chose la plus vénérable qu'offroient hos anciens États-Généraux étoit ce banc de vieux

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