Obrázky na stránke
PDF
ePub
[ocr errors]

temples dont il nous reste de si belles ruines, les peuples pasteurs gardoient déja leurs troupeaux sur d'autres ruines laissées par une nation inconnue : ce qui supposeroit une très grande antiquité.

Pour décider cette question, il faudroit savoir au juste qui étoient et d'où venoient, les peuples pasteurs. M. Bruce, qui voyoit tout en Éthiopie, les fait sortir de ce pays. Et cependant les Éthiopiens, loin de pouvoir répandre au dehors des colonies, étoient eux-mêmes, à cette époque, un peuple nouvellement établi. Æthiopes, dit Eusèbe, ub Indo flumine consurgentes, juxta Ægyptum consederunt. Manethon, dans sa sixième dynastie, appelle les pasteurs Pozo, Phéniciens étrangers. Eusèbe place leur arrivée en Égypte sous le règne d'Aménophis; d'où il faut tirer ces deux conséquences: 1° que l'Égypte n'étoit pas alors barbare, puisque Inachus, Égyptien, portoit vers ce tempslà les lumières dans la Grèce; 2° que l'Egypte n'étoit pas couverte de ruines, puisque Thèbes étoit bâtie, puisque Aménophis étoit père de ce Sésostris qui éleya la gloire des Égyptiens à son comble. Au rapport de l'historien Josèphe, ce fut Thetmosis qui contraignit les pasteurs à abandonner entièrement les bords du Nil'.

Mais quels nouveaux arguments n'auroit-on point formés contre l'Écriture, si on avoit connu un autre prodige historique qui tient également à des ruines, hélas! comme toute l'histoire des hommes! On a découvert, depuis quelques années, dans l'Amérique septentrionale, des monuments extraordinaires sur les bords du Muskingum, du Miani, du Wabache, dé l'Ohio, et surtout du Scioto, où ils occupent un espace de plus de vingt lieues en longueur. Ce sont des murs en terre avec des fossés, des glacis, des lunes, demi-lunes, et de grands cônes qui servent vages du Canada ont-ils des dialectes si subtils et si compliqués? Les verbes de la langue huronne ont toutes les inflexions des verbes grecs. Ils se distinguent, comme les derniers, par la caractéristique, l'augment, etc. ; ils ont trois modes, trois genres, trois nombres, et par-dessus tout cela, un certain dérangement de lettres, particulier aux verbes des langues orientales. Mais ce qu'ils ont de plus inconcevable, c'est un quatrième pronom personnel qui se place entre la seconde et la troisième personne, au singulier et au pluriel. Nous ne connoissons rien de pareil dans les langues mortes ou vivantes dont nous pouvons avoir quelque teinture.

[ocr errors]

1 Maneth. ad Joseph. et Afric.; Herod., lib. II, c. 400;- Diod., lib. 1; Ps. 48 ; Eus., Chron., lib. 1, p. 13.

Au reste, l'invasion de ces peuples, rapportée par les auteurs profanes, nous explique ce qu'on lit dans la Genėse, au sujet de Jacob et de ses fils: Ut habitare possitis in terra Gessen, quia detestantur Egyptii omnes pastores ovium. ( Gen., cap. XLVI, v. 34.) D'où l'on peut aussi deviner le nom grec du Pharaon sous lequel Israël entra en Égypte, et le nom du second Pharaon sous lequel il en sortit. L'Écriture, loin de contrarier les autres histoires, leur sert au contraire de preuve.

[blocks in formation]

de sépulcres. On a demandé, mais sans succès, quel peuple a laissé de pareilles traces. L'homme est suspendu dans le présent, entre le passé et l'avenir, comme sur un rocher entre deux gouffres; derrière lui, devant lui, tout est ténèbres; à peine aperçoit-il quelques fantômes qui, remontant du fond des deux abîmes, surnagent un instant à leur surface, et s'y replongent.

Quelles que soient les conjectures sur ces ruines américaines, quand on y joindroit les visions d'un monde primitif, et les chimères d'une Atlantide, la nation civilisée, qui a peut-être promené la charrue dans la plaine où l'Iroquois poursuit aujourd'hui les ours, n'a pas eu besoin, pour consommer ses destinées, d'un temps plus long que celui qui a dévoré les empires de Cyrus, d'Alexandre. et de César. Heureux du moins ce peuple qui n'a point laissé de nom dans l'histoire, et dont l'héritage n'a été recueilli que par les chevreuils des bois et les oiseaux du ciel! Nul ne viendra renier le Créateur dans ces retraites sauvages, et, la balance à la main, peser la poudre des morts, pour prouver l'éternité de la race humaine.

Pour moi, amant solitaire de la nature, et simple confesseur de la Divinité, je me suis assis sur ces ruines. Voyageur sans renom, j'ai causé avec ces débris comme moi-même ignorés. Les souvenirs confus des hommes, et les vagues rêveries du désert, se mêloient au fond de mon ame. La nuit étoit au milieu de sa course tout étoit muet, et la lune, et les bois, et les tombeaux. Seulement, à longs intervalles, on entendoit la chute de quelque arbre que la hache du temps, abattoit dans la profondeur des forêts: ainsi tout tombe, tout s'anéantit.

Nous ne nous croyons pas obligé de parler sérieusement des quatre jogues, ou âges indiens, dont le premier a duré trois millions deux cent mille ans, le second un million d'années, le troisième seize cent mille ans, et le quatrième, ou l'âge actuel, qui. durera quatre cent mille ans.

Si l'on joint à toutes ces difficultés de chronologie, de logographie et de faits, les erreurs qui naissent des passions de l'historien ou des hommes qui vivent dans ses fastes; si l'on y ajoute les fautes de copistes, et mille accidents de temps et de lieux, il faudra, de nécessité, convenir que toutes les raisons en faveur de l'antiquité du globe par l'histoire sont aussi peu satisfaisantes qu'inutiles à rechercher. Et certes, on ne peut nier que c'est assez mal établir la durée du monde, que d'en prendre la base dans la vie humaine. Quoi! c'est par la succession rapide d'ombres d'un

moment, que l'on prétend nous démontrer la permanence et la réalité des choses! c'est par des décombres qu'on veut nous prouver une société sans commencement et sans fin ! Faut-il donc beaucoup de jours pour amasser beaucoup de ruines? Que le monde seroit vieux, si l'on comptoit ses années par ses débris!

CHAPITRE III.

Astronomie.

ON cherche dans l'histoire du firmament les secondes preuves de l'antiquité du monde et des erreurs de l'Écriture. Ainsi, les cieux qui racontent la gloire du Très-Haut à tous les hommes, et dont le langage est entendu de tous les peuples', ne disent rien à l'incrédule. Heureusement ce ne sont pas les astres qui sont muets; ce sont les athées qui sont sourds.

L'astronomie doit sa naissance à des pasteurs. Dans les déserts de la création nouvelle, les premiers humains voyoient se jouer autour d'eux leurs familles et leurs troupeaux. Heureux jusqu'au fond de l'ame, une prévoyance inutile ne détruisoit point leur bonheur. Dans le départ des oiseaux de l'automne, ils ne remarquoient point la fuite des années, et la chute des feuilles ne les avertissoit que du retour des frimas. Lorsque le coteau prochain avoit donné toutes ses herbes à leurs brebis, montés sur leurs chariots couverts de peaux, avec leurs fils et leurs épouses, ils alloient à travers les bois chercher quelque fleuve ignoré, où la fraîcheur des ombrages et la beauté des solitudes les invitoient à se fixer de nouveau.

Mais il falloit une boussole pour se conduire dans ces forêts sans chemins et le long de ces fleuves sans navigateurs; on se confia naturellement à la foi des étoiles: on se dirigea sur leur cours. Législateurs et guides, ils réglèrent la tonte des brebis et les migrations lointaines. Chaque famille s'attacha aux pas d'une constellation; chaque astre marchoit à la tête d'un troupeau. A mesure que les pasteurs se livroient à ces études, ils découvroient de nouvelles lois. En ce temps-là Dieu se plaisoit à dévoiler les routes du soleil aux habitants des cabanes, et la fable raconte qu'Apollon étoit descendu chez les bergers.

De petites colonnes de briques servoient à conserver le souvenir des observations: jamais plus grand empire n'eut une histoire plus simple. Avec le même instrument dont il avoit percé sa

■ Ps. xvII, v. 4-5.

flûte, auprès du même autel où il avoit immolé le chevreau premier-né, le pâtre gravoit sur un rocher ses immortelles découvertes. Il plaçoit ailleurs d'autres témoins de cette pastorale astronomie; il échangeoit d'annales avec le firmament; et, de même qu'il avoit écrit les fastes des étoiles parmi ses troupeaux, il écrivoit les fastes de ses troupeaux parmi les étoiles. Le soleil, en voyageant, ne se reposa plus que dans les bergeries; le taureau annonça par ses mugissements le passage du père du jour, et le bélier l'attendit pour le saluer au nom de son maître. On vit au ciel des vierges, des enfants, des épis de blé, des instruments de labourage, des agneaux, et jusqu'au chien du berger: la sphère entière devint comme une grande maison rustique, habitée par le pasteur des hommes.

Ces beaux jours s'évanouirent; les hommes en gardèrent une mémoire confuse, dans ces histoires de l'âge d'or, où l'on trouve le règne des astres mêlé à celui des troupeaux. L'Inde est encore aujourd'hui astronome et pastorale, comme l'Egypte l'étoit autrefois. Cependant, avec la corruption naquit la propriété, et avec la propriété, la mensuration, second âge de l'astronomie. Mais, par une destinée assez remarquable, ce furent encore les peuples les plus simples qui connurent le mieux le système céleste: le pasteur du Gange tomba dans des erreurs moins grossières que le savant d'Athènes; on eût dit que la muse de l'astronomie avoit retenu un secret penchant pour les bergers, ses premières amours.

Durant les longues calamités qui accompagnèrent et qui suivirent la chute de l'empire romain, les sciences n'eurent d'autre retraite que le sanctuaire de cette Eglise qu'elles profanent aujourd'hui avec tant d'ingratitude. Recueillies dans le silence des cloîtres, elles dûrent leur salut à ces mêmes solitaires qu'elles affectent maintenant de mépriser. Un moine Bacon, un évêque Albert, un cardinal Cusa, ressuscitoient dans leurs veilles le génie d'Eudoxe, de Timocharis, d'Hipparque, de Ptolémée. Protégées par les papes qui donnoient l'exemple aux rois, les sciences s'envolèrent enfin de ces lieux sacrés où la religion les avoit réchauffées sous ses ailes. L'astronomie renaît de toutes parts: Grégoire XIII réforme le calendrier. Copernic rétablit le système du monde. Tycho-Brahé, au haut de sa tour, rappelle la mémoire des antiques observateurs babyloniens. Képler détermine la forme des orbites planétaires. Mais Dieu confond encere l'orgueil de l'homme, en accordant aux jeux de l'innocence ce qu'il refuse aux recherches de la philosophie: des enfants découvrent le téles

[ocr errors]

cope. Galilée perfectionne l'instrument nouveau; alors les chemins de l'immensité s'abrégent, le génie de l'homme abaisse la hauteur des cieux, et les astres descendent pour se faire mesurer.

Tant de découvertes en annonçoient de plus grandes encore,

et l'on étoit trop près du sanctuaire de la nature pour qu'on fût longtemps sans y pénétrer. Il ne manquoit plus que des méthodes propres à décharger l'esprit des calculs énormes dont il étoit écrasé. Bientôt Descartes osa transporter au grand Tout les lois physiques de notre globe; et, par un de ces traits de génie dont on compte à peine quatre ou cinq dans l'histoire, il força l'algèbre à s'unir à la géométrie, comme la parole à la pensée. Newton n'eut plus qu'à mettre en œuvre les matériaux que tant de mains lui avoient préparés, mais il le fit en artiste sublime; et des divers plans sur lesquels il pouvoit relever l'édifice des globes, il choisit peut-être le dessin de Dieu. L'esprit connut l'ordre que l'œil admiroit; les balances d'or, qu'Homère et l'Écriture donnent au Souverain arbitre, lui furent rendues; la comète se soumit; à travers l'immensité la planète attira la planète; la mer sentit la pression de deux vastes vaisseaux qui flottent à des millions de lieues de sa surface; depuis le soleil jusqu'au moindre atome, tout se maintint dans un admirable équilibre: il n'y eut plus que le cœur de l'homme qui manqua de contre-poids dans la nature.

Qui l'auroit pu penser? le moment où l'on découvrit tant de nouvelles preuves de la grandeur et de la sagesse de la Providence, fut celui-là même où l'on ferma davantage les yeux à la lumière: non toutefois que ces hommes immortels, Copernic, Tycho-Brahé, Képler, Leibnitz, Newton fussent des athées: mais leurs successeurs, par une fatalité inexplicable, s'imaginèrent tenir Dieu dans leurs creusets et dans leurs télescopes, parcequ'ils y voyoient quelques-uns des éléments sur lesquels l'Intelligence universelle a fondé les mondes. Lorsqu'on a été témoin des jours de notre révolution; lorsqu'on songe que c'est à la vanité du savoir que nous devons presque tous nos malheurs, n'est-on pas tenté de croire que l'homme a été sur le point de périr de nouveau pour avoir porté une seconde fois la main sur le fruit de science? et que ceci nous soit matière de réflexion sur la faute originelle : les siècles savants ont toujours touché aux siècles de destruction.

'Il nous semble pourtant bien infortuné, l'astronome qui passe les nuits à lire dans les astres sans y découvrir le nom de Dieu: Quoi! dans des figures si variées, dans une si grande diversité de caractères, on ne peut trouver les lettres qui suffisent à son nom!

« PredošláPokračovať »