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doigts du volatile à se contracter plus fortement. Ainsi, quand nous voyons, à l'entrée de la nuit, pendant l'hiver, des corbeaux perchés sur la cime dépouillée de quelque chêne, nous supposons que toujours veillants, attentifs, ils ne se maintiennent qu'avec des fatigues inouïes, au milieu des tourbillons et des nuages: et cependant, insouciants du péril et appelant la tempête, tous les vents leur apportent le sommeil; l'aquilon les attache lui-même à la branche d'où nous croyons qu'il va les précipiter, et comme de vieux nochers, de qui la couche mobile est suspendue aux mâts agités d'un vaisseau, plus ils sont bercés par les orages, plus ils dorment profondément.

Quant à l'organisation des poissons, leur existence dans l'élément de l'eau, le changement relatif de leur pesanteur, changement par lequel ils flottent dans une eau plus légère comme dans une eau plus pesante, et descendent de la surface de l'abîme au plus profond de ses gouffres, sont des miracles perpétuels; vraie machine hydrostatique, le poisson fait voir mille phénomènes au moyen d'une simple vessie, qu'il vide ou remplit d'air à volonté.

Les prodiges de la floraison dans les plantes, l'usage des feuilles et des racines, sont examinés curieusement par Nieuwentyt. II fait cette belle observation, que les semences des plantes sont tellement disposées par leurs figures et leurs poids, qu'elles tombent toujours sur le sol dans la position où elles doivent germer.

Or, si tout étoit le produit du hasard, les causes finales ne seroient-elles pas quelquefois altérées? Pourquoi n'y auroit-il pas des poissons qui manqueroient de la vessie qui les fait flotter? Et pourquoi l'aiglon, qui n'a pas encore besoin d'armes, ne briseroit-il pas la coquille de son berceau avec le bec d'une colombe? Jamais une méprise, jamais un accident de cette espèce dans l'aveugle nature! De quelque manière que vous jetiez les dés, ils amèneront toujours les mêmes points? Voilà une étrange fortune! nous soupçonnons qu'avant de tirer les mondes de l'urne de l'éternité, elle a secrètement arrangé les SORTS.

Cependant il y a des monstres dans la nature, et ces monstres ne sont que des êtres privés de quelques-unes de leurs causes finales. Il est digne de remarqué que ces êtres nous font horreur : tant l'instinct de Dieu est fort chez les hommes! tant ils sont effrayés aussitôt qu'ils n'aperçoivent pas la marque de l'Intelligence suprême! On a voulu faire naître de ces désordres une objection contre la Providence; nous les regardons, au contraire, comme une preuve manifeste de cette même Providence. Il nous semble

que Dieu a permis ces productions de la matière pour nous apprendre ce que c'est que la création sans lui : c'est l'ombre qui fait ressortir la lumière; c'est un échantillon de ces lois du hasard qui, selon les athées, doivent avoir enfanté l'univers.

CHAPITRE IV.

Instinct des Animaux.

APRÈS avoir reconnu dans l'organisation des êtres un plan régulier, qu'on ne peut attribuer au hasard, et qui suppose un ordonnateur, il nous reste à examiner d'autres causes finales, qui ne sont ni moins fécondes, ni moins merveilleuses que les premières. Ici nous ne suivrons personne. Nous avions consacré à l'histoire naturelle des études que nous n'eussions jamais suspendues, si la Providence ne nous eût appelé à d'autres travaux. Nous voulions opposer une Histoire naturelle religieuse à ces livres scientifiques modernes, où l'on ne voit que la matière. Pour qu'on ne nous reprochât pas dédaigneusement notre ignorance, nous a vions pris le parti de voyager et de voir tout par nous-mêmes. Nous rapporterons donc quelques unes de nos observations sur les instincts des animaux et des plantes, sur leurs habitudes, leurs migrations, leurs amours, etc. : le champ de la nature ne peut s'épuiser, et l'on y trouve toujours des moissons nouvelles. Ce n'est point dans une ménagerie, où l'on tient en cage les secrets de Dieu, qu'on apprend à connoître la Sagesse divine: il faut l'avoir surprise, cette sagesse, dans les déserts, pour ne plus douter de son existence; on ne revient point impie des royaumes de la solitude, regna solitudinis: malheur au voyageur qui auroit fait le tour du globe, et qui rentreroit athée sous le toit de ses pères !

Nous l'avons visitée au milieu de la nuit, la vallée solitaire habitée par des castors, ombragée par des sapins, et rendue toute silencieuse par la présence d'un astre aussi paisible que le peuple dont elle éclairoit les travaux : et je n'aurois vu dans cette vallée aucune trace de l'Intelligence divine! Qui donc auroit mis l'équerre. et le niveau dans l'œil de cet animal qui sait bâtir une digue en talus du côté des eaux, et perpendiculaire sur le flanc opposé? Savez-vous le nom du physicien qui a enseigné à ce singulier ingénieur les lois de l'hydraulique, qui l'a rendu si habile avec ses deux dents incisives et sa queue aplatie? Réaumur n'a jamais prédit les vicissitudes des saisons avec l'exactitude de ce castor, dont les magasins, plus ou moins abondants, indiquent au mois de

juin le plus ou moins de durée des glaces de janvier. A force de disputer à Dieu ses miracles, on est parvenu à frapper de stérilité l'œuvre entière du Tout-Puissant les athées ont prétendu allumer le feu de la nature à leur haleine glacée, et ils n'ont fait que l'éteindre; en soufflant sur le flambeau de la création, ils ont versé sur lui les ténèbres de leur sein.

D'autres instincts plus communs, et que nous pouvons observer chaque jour, n'en sont pas moins merveilleux. La poule si timide, par exemple, devient aussi courageuse qu'un aigle quand il faut défendre ses poussins. Rien n'est plus intéressant que ses alarmes, lorsque, trompée par les trésors d'un autre nid, de petits étrangers lui échappent et courent se jouer dans une eau voisine. La mère effrayée rôde autour du bassin, bat des ailes, rappelle l'imprudente couvée; elle marche précipitamment, s'arrête, tourne la tête avec inquiétude, et ne cesse de s'agiter qu'elle n'ait recueilli dans son sein la famille boiteuse et mouillée qui va bientôt la désoler encore.

Entre ces divers instincts que le Maître du monde a répartis dans la nature, un des plus étonnants sans doute, c'est celui qui amène chaque année les poissons du pôle aux douces latitudes de nos climats ; ils viennent, sans s'égarer dans la solitude de l'Océan, trouver à jour nommé le fleuve où doit se célébrer leur hymen.. Le printemps prépare sur nos bords la pompe nuptiale; il couronne les saules de verdure; il étend des lits de mousse dans les grottes, et déploie les feuilles du nénuphar sur les ondes, pour servir de rideaux à ces couches de cristal. A peine ces préparatifs sont-ils achevés, qu'on voit paroître les légions émaillées. Ces navigateurs étrangers animent tous nos rivages : les uns, comme de légères bulles d'air, remontent perpendiculairement du fond des eaux; les autres se balancent mollement sur les vagues, divergent d'un centre commun, comme d'innombrables traits d'or ceux-ci dardent obliquement leurs formes glissantes, à travers l'azur fluide; ceux-là dorment dans un rayon de soleil, qui pénètre la gaze argentée des flots. Tous s'égarent, reviennent, nagent, plongent, circulent, se forment en escadron, se séparent, se réunissent encore; et l'habitant des mers, inspiré par un souffle de vie, suit en bondissant la trace de feu que sa compagne a laissée pour lui dans les ondes.

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ou

CHAPITRE V.

Chant des Oiseaux ; qu'il est fait pour l'homme. Loi relative aux cris des Animaux. LA nature a ses temps de solennité, pour lesquels elle convoque des musiciens des différentes régions du globe. On voit accourir de savants artistes avec des sonates merveilleuses, de vagabonds troubadours qui ne savent chanter que des ballades à refrain, des pèlerins qui répètent mille fois les couplets de leurs longs cantiques. Le loriot siffle, l'hirondelle gazouille, le ramier gémit: le premier, perché sur la plus haute branche d'un ormeau, défie notre merle, qui ne le cède en rien à cet étranger; la seconde, sous un toit hospitalier, fait entendre son ramage confus ainsi qu'au temps d'Évandre; le troisième, caché dans le feuillage d'un chêne, prolonge ses roucoulements semblables aux sons onduleux d'un cor dans les bois. Enfin le rouge-gorge répète sa petite chanson sur la porte de la grange, où il a placé son gros nid de mousse; mais le rossignol dédaigne de perdre sa voix au milieu de cette symphonie : il attend l'heure du recueillement et du repos, et se charge de cette partie de la fête qui se doit célébrer dans les ombres.

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Lorsque les premiers silences de la nuit et les derniers murmures du jour luttent sur les coteaux, au bord des fleuves, dans les bois et dans les vallées; lorsque les forêts se taisent par degrés, que pas une feuille, pas une mousse ne soupire, que la lune est dans le ciel, que l'oreille de l'homme est attentive, le premier chantre de la création entonne ses hymnes à l'Éternel. D'abord il frappe l'écho des brillants éclats du plaisir : le désordre est dans ses chants; il saute du grave à l'aigu, du doux au fort; il fait des pauses; il est lent; il est vif: c'est un cœur que la joie enivre, un cœur qui palpite sous le poids de l'amour. Mais tout à coup la voix tombe, l'oiseau se tait. Il recommence! Que ses accents sont changés! quelle tendre mélodie! Tantôt ce sont des modulations languissantes, quoique variées; tantôt c'est un air un peu monotone, comme celui de ces vieilles romances françoises, chefsd'œuvre de simplicité et de mélancolie. Le chant est aussi souvent la marque de la tristesse que de la joie : l'oiseau qui a perdu ses petits chante encore; c'est encore l'air du temps du bonheur qu'il· redit, car il n'en sait qu'un; mais, par un coup de son art, le musicien n'a fait que changer la clef, et la cantate du plaisir est devenue la complainte de la douleur.

Ceux qui cherchent à déshériter l'homme, à lui arracher l'empire de la nature, voudroient bien prouver que rien n'est fait pour nous. Or, le chant des oiseaux, par exemple, est tellement commandé pour notre oreille, qu'on a beau persécuter les hôtes des bois, ravir leurs nids, les poursuivre, les blesser avec des armes ou dans des piéges, on peut les remplir de douleur, mais on ne peut les forcer au silence. En dépit de nous, il faut qu'ils nous charment, il faut qu'ils accomplissent l'ordre de la Providence. Esclaves dans nos maisons, ils multiplient leurs accords : il y a sans doute quelque harmonie cachée dans le malheur, car tous les infortunés sont enclins au chant. Enfin, que des oiseleurs, par un raffinement barbare, crèvent les yeux à un rossignol, sa voix n'en devient que plus mélodieuse. Cet Homère des oiseaux gagne sa vie à chanter, et compose ses plus beaux airs après avoir perdu la vue. « Démodocus, dit le poëte de Chio, en se peignant sous les traits du chantre des Phéaciens, étoit le favori. de la Muse; mais elle avoit mêlé pour lui le bien et le mal, et l'avoit rendu aveugle, en lui donnant la douceur des chants. »

Τὸν περὶ μοῦσ ̓ ἐπίλησε, δίδου δ' ἀγαθόν τε, κακόν τε.
Οφθαλμῶν μὲν ἄμηρσε δίδου δ ̓ ἡδεῖαν ἀοιδήν.

L'oiseau semble le véritable emblème du chrétien ici-bas : il préfère, comme le fidèle, la solitude au monde, le ciel à la terre, et sa voix bénit sans cesse les merveilles du Créateur.

Il y a quelques lois relatives aux cris des animaux, qui, ce nous semble, n'ont point encore été observées, et qui mériteroient bien de l'être. Le divers langage des hôtes du désert nous paroît calculé sur la grandeur ou le charme du lieu où ils vivent, et sur l'heure du jour à laquelle ils se montrent. Le rugissement du lion, fort, sec, apre, est en harmonie avec les sables embrasés où il se fait entendre, tandis que le mugissement de nos bœufs charme les échos champêtres de nos vallées; la chèvre a quelque chose de tremblant et de sauvage dans la voix, comme les rochers et les ruines où elle aime à se suspendre; le cheval belliqueux imite les sons grêles du clairon; et, comme s'il sentoit qu'il n'est pas fait pour les soins rustiques, il se tait sous l'aiguillon du laboureur, et hennit sous le frein du guerrier. La nuit, tour à tour charmante ou sinistre, a le rossignol et le hibou : l'un chante pour le zéphyr, les bocages, la lune, les amants; l'autre pour les vents, les vieilles forêts, les ténèbres et les morts. Enfin presque tous les animaux qui vivent de sang ont un cri particulier, qui ressemble à celui de

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