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réparer d'abord le dommage qui a été fait, et se réserver de réparer ensuite le dommage futur, au fur et à mesure qu'il se fera, en prenant toutefois, pour le cas de mort, les précautions jugées nécessaires pour assurer une réparation convenable; ou restituer présentement une certaine somme plus ou moins forte, proportionnellement et au dommage fait et au dommage futur plus ou moins probable, suivant l'âge, la constitution, la force ou la faiblesse du père putatif et de l'enfant adultérin. Cette restitution étant faite, il est libéré à l'avenir de toute obligation, quoi qu'il arrive, lors même que l'enfant adultérin survivrait au père putatif.

1021. Pour ce qui regarde spécialement la mère de l'enfant adultérin, si elle a des biens qui lui soient propres, elle doit s'en servir, autant que possible, pour réparer l'injustice qu'elle a commise envers son mari. Si elle n'a pas de biens disponibles, ou si elle ne peut en disposer sans de graves inconvénients, sans se diffamer ou sans introduire des divisions dans la famille, elle doublera son travail et ses soins pour la conservation et l'augmentation des biens de la maison, faisant, surtout pour ce qui la concerne personnellement, toutes les épargnes que la prudence lui permettra de faire, dans l'intérêt de son mari et des enfants légitimes. C'est encore un devoir pour elle d'engager l'enfant adultérin à garder le célibat, s'il ne tient pas à entrer dans l'état de mariage, afin que les biens qu'il a reçus ou qu'il doit recevoir, sans y avoir droit, puissent revenir un jour aux héritiers du père putatif. Elle fera aussi ce qui dépendra d'elle pour amener son mari, sous un prétexte quelconque, à disposer d'une partie de ses biens en faveur de ses enfants ou héritiers légitimes.

1022. Dans le cas où l'homme adultère n'a pas réparé le dommage, la femme est-elle obligée de faire connaitre son crime à son mari, ou à son enfant illégitime, ou à ses autres enfants? Saint Alphonse de Liguori et plusieurs autres théologiens pensent que la femme doit avouer son crime, toutes les fois que le dommage que souffrent son mari et ses enfants légitimes l'emporte sur les inconvénients qu'elle peut craindre pour elle (1). Mais ce sentiment nous offre de si grandes difficultés dans la pratique, que nous croyons devoir nous ranger à l'avis du Rédacteur des Conférences d'Angers. Voici ce qu'il dit : « Que si la mère ne peut rien faire pour réparer « le dommage qu'elle cause à son mari, à ses autres enfants, ou à « leurs héritiers légitimes, elle n'est en aucune manière obligée de

(1) Lib. I. n°653.

« découvrir son crime ni à son mari, ni à son enfant adultérin, ni « à ses autres enfants; on ne doit jamais lui conseiller de faire «< cette déclaration, sous prétexte de remédier au tort qu'elle leur <«< cause; ce serait l'exposer à perdre son honneur et peut-être sa vie, ce serait troubler la paix du mariage et causer un grand << scandale aux parents... Il suffit que la mère fasse pénitence; et «< on ne doit pas lui refuser l'absolution de sa faute; car personne « n'est obligé à découvrir sa turpitude, ni à se punir soi-même au<< trement que par la pénitence. Cela est conforme à la décision <«< d'Innocent III, qui est ainsi conçue: Mulieri quæ, ignorante « marito, de adulterio prolem suscepit, quamvis id viro suo timeat « confiteri, non est pœnitentia deneganda... Sed competens satis<< factio per discretum sacerdotem ei debet injungi (1). » Ajoutez que cette déclaration, outre qu'elle serait fort dangereuse pour la femme, serait inutile; car ni le mari, ni l'adultérin, ni les autres enfants, ne seraient obligés d'y ajouter foi (2).

Outre les injustices qui se commettent par le vol, la rapine et la fraude, par l'homicide et la mutilation, par la séduction et l'adultère, il en est encore d'autres dont nous parlerons en expliquant le huitième commandement de Dieu.

CHAPITRE XXX.

Quand, à qui, où, et dans quel ordre doit se faire la restitution.

1023. Nous l'avons dit: celui qui est chargé de quelque restitution doit la faire le plus tôt possible, moralement parlant. Mais quel espace de temps faut-il pour constituer un péché mortel dans un délai coupable d'une restitution en matière grave? Nous pensons qu'on ne peut établir une règle fixe, et que, pour juger si tel délai est mortel, il faut avoir égard non-seulement à la longueur du temps et à la quantité de la matière, mais principalement au dommage qui résulte du délai pour celui à qui doit se faire la restitution. Si, pour peu qu'on diffère de restituer, on cause un dommage

(1) Cap. Officii, de Pœnitentiis et remissionibus. ments de Dieu, conf. xvII. quest. 3.

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(2) Sur les Commande

considérable, on pèche mortellement. Si, au contraire, le maitre ne souffre aucunement du retard que l'on met à lui restituer ce qui lui appartient, le délai même de plusieurs mois peut ne pas suffire pour un péché mortel. Généralement, priver plusieurs mois quelqu'un d'une chose qui lui serait inutile pendant ce temps-là, ne parait pas constituer une injure grave (1).

1024. Il en est de l'obligation de restituer comme de l'obligation de payer les dettes; elle fait partie des charges de la succession, et passe aux héritiers. Mais l'obligation d'acquitter les charges de la succession n'est point solidaire; elle se divise entre tous les cohéritiers; chacun d'eux n'est tenu que pour sa part héréditaire. Si les biens de la succession ne suffisent pas pour réparer les injustices du défunt, les héritiers ne sont pas obligés d'y suppléer; ils se trouvent même déchargés de toute obligation, si celui qu'ils représentent ne laisse rien, lors même qu'ils auraient d'ailleurs de quoi restituer.

1025. Après la mort d'un époux, son conjoint est-il obligé, comme tel, de réparer les injustices personnelles au défunt, concurremment avec les héritiers? Non; ni le mari, ni la femme n'est tenu de contribuer à la réparation des injustices propres ou personnelles à son conjoint; chacun répond de ses actes (2). Ainsi donc, si le mari commet une injustice sans que la femme y prenne aucune part, et ne la répare point de son vivant, ses héritiers seuls seront obligés de la réparer. La femme ne serait tenue de concourir à cette réparation qu'autant qu'elle serait elle-même légataire de son mari à titre universel, ou que les injustices du mari, ses vols, par exemple, ou ses usures, auraient tourné au profit de la communauté. Dans le premier cas, elle devrait y contribuer avec les héritiers, au prorata de son émolument; dans le second cas, elle y contribuerait également jusqu'à concurrence du profit qu'elle aurait tiré elle-même de ces injustices, en partageant les biens de la communauté. Si elle n'en a point profité, nous la croyons dispensée de toute obligation relativement aux injustices de son mari.

D'après ces principes, qui nous paraissent fondés sur l'équité, si un père de famille meurt sans avoir réparé le tort qu'il a fait au prochain, ce sont ses enfants qui seront chargés de la restitution, chacun pour sa part et portion; on ne peut obliger personnellement la mère, qui n'aura point profité du crime ou délit commis par son

(1) Examen raisonné sur les Commandements de Dieu, tom. 1, etc.—(2) Voyez, ci-dessus, le no 689.

mari. Cependant, elle doit faire tout ce qui dépendra d'elle pour amener ses enfants à restituer; elle pourrait même être obligée moralement de restituer, comme tutrice et en agissant au nom de ses enfants, si elle pouvait le faire sans compromettre ses intérêts. On suppose que les enfants sont encore trop jeunes pour pouvoir restituer eux-mêmes.

1026. La réparation d'un dommage doit se faire à celui qui a été lésé. Et s'il s'agit d'une chose volée ou retenue sans titre légitime, on doit la rendre à celui à qui elle appartient, ou à celui qui en a été injustement dépossédé, ayant droit d'en user ou d'en jouir. Il faut que la restitution rétablisse l'équité, l'égalité qui a été violée en privant quelqu'un de ses biens ou de l'exercice de ses droits unicuique suum. Ce ne serait pas restituer que de donner aux pauvres ou à l'Église le bien d'autrui ou l'équivalent de ce qu'on doit, lorsque la restitution peut moralement se faire à qui de droit. Ce n'est pas non plus au possesseur de mauvaise foi qu'on doit restituer, mais bien au maître de la chose, en prenant toutefois la précaution d'avertir ou de faire avertir le possesseur de mauvaise foi, afin qu'il soit par là déchargé de la restitution. Mais si on n'est pas certain que celui auquel on a pris une chose en soit l'injuste possesseur, on doit la lui rendre : « In dubio melior est << conditio possidentis. » Si la personne lésée vient à mourir avant qu'on ait restitué, la restitution doit se faire à ses héritiers, quels qu'ils soient.

1027. Celui qui a volé une chose appartenant, par indivis, à plusieurs personnes, doit la rendre à ces mêmes personnes. De même, si on a causé quelque dommage à une commune, à un établissement public, ou à une association civile ou ecclésiastique, c'est à cette commune, à cet établissement, à cette association que la réparation en est due. Si on a fait tort à un certain nombre de personnes d'une même localité, sans savoir quelles sont ces personnes, la restitution doit se faire au profit des pauvres de cette même localité. Un marchand qui a vendu à faux poids ou à fausse mesure à tous ceux qui venaient acheter dans sa boutique, doit, s'il est encore dans le commerce, leur vendre ses marchandises moins cher qu'elles ne valent, pendant tout le temps qu'il faudra pour réparer les fraudes dont il s'est rendu coupable. S'il quitte le commerce avant d'avoir fait cette réparation, il restituera aux pauvres de l'endroit où l'injustice a été commise. Généralement, toutes les fois que la restitution doit tourner au profit des pauvres ou de quelque établissement d'utilité publique, elle doit se faire

dans le pays qui a souffert; cependant, si on ne pouvait, moralement parlant, la faire parvenir à sa destination, à raison de la trop grande distance des lieux, il faudrait restituer aux pauvres du pays où l'on se trouve.

1028. Le possesseur de bonne foi qui, avant d'avoir prescrit, vient à découvrir que la chose qu'il possède ne lui appartient point, sans savoir cependant à qui elle appartient, est à peu près comme l'inventeur d'une chose perdue, dont le maître ne se présente pas; il doit faire toutes les perquisitions convenables pour en découvrir le propriétaire. Mais si, les perquisitions étant faites, le propriétaire ne se fait pas connaître, le possesseur actuel serat-il obligé de disposer de la chose en faveur des pauvres? Il y est obligé, suivant le sentiment le plus commun. Cependant, nous pensons: 1o que si le possesseur actuel de la chose volée ou perdue l'a achetée dans une foire, ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles, il peut la garder et continuer d'en jouir, jusqu'à ce qu'elle soit réclamée par le maître qui a droit de la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour du vol ou de la perte, puisque, suivant le Code civil (1), le propriétaire ne peut, dans le cas dont il s'agit, se faire rendre la chose qui lui appartient qu'en remboursant au possesseur le prix qu'elle lui a coûté. N'étant obligé de la rendre au maître qu'à cette condition, il n'est évidemment pas tenu de la donner aux pauvres. 2o Que, lors même que le possesseur aurait acheté la chose dans d'autres circonstances que celles dont nous venons de parler, il ne serait point obligé d'en disposer au profit des pauvres; parce qu'en en disposant de la sorte, il ne pourrait plus, dans le cas où le maître se présenterait, exercer son recours contre le vendeur duquel il tient la chose. Cependant, il ne pourrait la conserver qu'autant qu'il serait disposé à la rendre au maître, s'il se faisait connaître dans la suite. 3° Qu'il ne faudrait point inquiéter ce possesseur, à quelque titre qu'il tînt la chose d'autrui, s'il la gardait avec la disposition de la rendre ou d'en payer la valeur au maître, en cas qu'il vint à le découvrir plus tard, même après le laps du temps fixé pour la prescription.

1029. Il n'en est pas de même pour le possesseur de mauvaise foi il ne peut ni jouir, ni profiter du bien d'autrui; il est donc obligé de restituer en faveur des pauvres, lorsque, malgré toutes les recherches possibles, il n'a pu découvrir le maître de la chose

(1) Art. 2279.

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