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impatience le mardi soir pour lui parler de tout cela. Ce que vous avez mis sur lui est très-bien, et dans son véritable jour. En général, toutes vos notes sont ce qu'elles doivent être. Rien de plus adroit que celle qui regarde Voltaire. Soyez bien sûr qu'il ne sera pas contre vous; vous l'avez enchaîné par des louanges qui le rendraient absurde, s'il écrivait contre la Dunciade; mais ne soyez pas moins sûr qu'au fond du cœur il sera très-jaloux du succès du poëme, et très-piqué de ce que vous avez saisi un projet qui lui aura passé plus d'une fois par la tête.

Je le connais assez pour savoir qu'une lettre de ma part ne ferait pas sur lui l'effet que vous en attendez; elle réveillerait son envie, ou lui ferait soupçonner qu'on le craint, ce qui serait jouer le plus maladroit de tous les rôles. Restez-en, je vous en conjure, à l'ouvrage même, qui lui en impose, et à la lettre de politesse dont vous aurez sans doute accompagné votre envoi.

Bonsoir, mon cher Pope; il est minuit sonné. Dormez en paix; laissez aux Baculards le trouble et les douleurs.

LE BRUN.

E

LETTRE XLVIII.

A M. ***

Je m'embarrasse fort peu, Monsieur, du petit blasphémateur Harpus, et je l'envoie poétiquement où Neptune envoya les fils boursoufflés d'Éole, quand il leur dit, quos ego!... Mythologie à part, l'auteur de Timoléon et du Mercure est un homme dont la haine ou l'amitié me sont à peu près indifférentes. C'est par une pitié honnête que j'ai autrefois pris sa défense, lorsque son ami Fréron, dont il fut le compère, à ce que m'a écrit Voltaire, le traînait dans la fange, et l'appelait poète Lilliputien et Bébé du Parnasse: Il faut qu'il ait oublié la lettre qu'il m'a écrite en remercîment, lettre où, par l'inconséquence la plus étrange, M. de La Harpe, en me remerciant de l'avoir vengé de Fréron, me faisait l'éloge de l'esprit, du cœur, et des procédés généreux du même Fréron, m'assurant même qu'il venait de verser des larmes en lisant une lettre de M. Fréron; et m'ajoutait qu'en dernier lieu, les extraits que M. Fréron venait de faire du roman de Rousdu Père de famille de Diderot, et des Contes

seau,

moraux de Marmontel, étaient pleins de goût et de modération. Vous saurez cependant, Monsieur, que c'était à la fin du même extrait des Contes moraux, qu'il y avait ce mot, bêtement injurieux, contre Marmontel : « M. M*** n'est bon qu'à faire de petits contes, à papillonner, frétillonner », allusion au commerce de M. M*** et de mademoiselle Clairon. Voilà donc ce que M. de La Harpe appelait du goût et de la modération. Mais, que diriezvous si c'était La Harpe lui-même qui eût fait ces trois critiques qu'il vante, contre MM. Rousseau, Diderot et Marmontel? Voilà pourtant ce qu'on assure. Quel odieux détour! quel brigandage infâme! Et notez ceci, qui n'est pas moins étrange, c'est que dans le même instant que M. de La Harpe m'assurait que les actions de bienséance et de sensibilité de M. Fréron l'empêcheraient d'être jamais son ennemi, M. de Voltaire m'apprenait, par trois lettres consécutives, que M. de La Harpe était l'auteur du plus infâme libelle contre ce même Fréron *, libelle si odieux qu'on y trouve même cette phrase: Fréron a été l'agent et le patient. J'ai montré à beaucoup de gens, et à M. Clément en dernier lieu, le nom de La Harpe

* Il est intitulé, Anecdotes sur Fréron, écrites par un homme de lettres à un magistrat qui voulait étre instruit des mœurs de cet homme. C'est un petit pamphlet de quinze pages d'impression. J'en possède un exemplaire avec le titre de seconde

en toutes lettres, de l'écriture même de M. de Voltaire *.

Je n'estime que l'honneur, le génie et la vertu; si la littérature en écartait, je l'aurais en hor

reur.

- J'ai l'honneur d'être, etc.

LE BRUN.

édition. On y lit, en effet, cette phrase, page 2 : « Je me » souviens d'avoir entendu dire à Fréron, au café de Viseux, » rue Mazarine, en présence de quatre ou cinq personnes, » après un dîner où il avait beaucoup bu, qu'étant Jésuite, il » avait été l'agent et le patient. Comme je ne veux dire que ce » que je sais bien certainement, je ne rapporterai pas tout ce » qu'on m'a raconté de ses friponneries, vols et sacriléges, » lorsqu'il portait l'habit de Jésuite. » On y trouve encore ceci : « Il revint à Paris, et je sais que pour vivre il s'était * associé avec des fripons au jeu ; qu'ils avaient des dés pipés, » et qu'une nuit ils gagnèrent quarante louis au procureur » Laujon, dans la rue des Cordeliers; » et plusieurs autres gentillesses de cette espèce. (Note de l'Éditeur.)

Voyez ci-dessus, lettre xiv, page 39.

LETTRE XLIX.

DE M. PALISSOT.

A Argenteuil, ce 6 janvier 1768.

Je vous envoie, mon cher Le Brun, votre AntiJE quité dévoilée, qui avait été très-mal brochée ainsi que la mienne. Il y avait beaucoup de transpositions. J'ai remis tout en ordre, en collationnant l'exemplaire; mais il y a quelques feuillets détachés, et il est bon que vous le sachiez, pour en prévenir votre relieur.

Vous pouvez garder les dissertations sur Élie et sur Énoch, et ce sera, mon cher ami, 3 liv. 10 s. que vous aurez à compte sur l'exemplaire de Cicéron que je vous demande. Si vous n'en trouvez pas un de Lambin, prenez un Henri Étienne: la petite différence du prix ne m'arrêtera pas. Si vous rencontriez, dans quelques-unes de vos savantes promenades, un Corpus poetarum latinorum, qui fût bien conditionné, je vous prierais aussi de m'en faire l'emplette.

Sivri m'a fait dire par sa femme que, si j'allais à Paris, je ne manquasse pas d'aller vous voir, parce que vous aviez quelque chose d'intéressant

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