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Ses bons mots ont besoin de farine et de plâtre ;
Prenez-le tête-à-tête, ôtez-lui son théâtre,

Ce n'est plus qu'un cœur vil, un coquin ténébreux;
Son visage essuyé n'a plus rien que d'affreux.

Rien de plus énergique. J'ai cru devoir m'armer de traits moins sanglans: je n'ai choisi dans le carquois de Momus que des flèches légères.

Le comte de Brancas est enchanté de l'Épître; il la croit nécessaire contre la tourbe de nos trivelins de princes, tels que les, etc. etc. etc. Le comte de B*** enrage, et dit que des vers ne concluent rien. La bombe a fait un peu de ravage dans les rangs de ces messieurs. Cette satire (car c'en est une) a pris on ne peut pas mieux; et j'en suis, je vous l'avouerai, on ne peut pas plus surpris, vu le ton du jour et l'imbécillité régnante. A qui Horace pourrait-il dire à présent : At nostri proavi plautinos et numeros et

Laudavere sales: nimirum patienter utrumque,
Ne dicam stulte, mirati, si modo ego et vos
Scimus inurbanum lepido seponere dicto.

Adieu, mon cher Monsieur; je vous embrasse de tout mon cœur. Propagez l'Épître autant que vous le pourrez; ce sont des plaisanteries que j'ai travaillées légèrement, mais sévèrement. La pièce est fondée sur le plus vrai et le plus joli vers de Catulle.

LE BRUN.

P. S. Vous savez, ou vous ne savez pas, que ce même Gôort a eu jadis un assez gros intérêt dans les fourrages, pour avoir fait assez bien le bouffon étant à l'armée. Vous l'apprendrez par cette épigramme-ci :

Gôort, ce fin balourd, ce célèbre bouffon,
A jadis dans nos camps joué son personnage;
Il en fut bien payé; car il avait, dit-on,
Part entière dans le fourrage.

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LETTRE LVII.

DE M. PALISSOT.

Vous êtes le premier homme du monde pour les revanches, mon cher Le Brun; votre Épître est charmante. Molière vous envierait ces deux vers qui sont du genre de la bonne comédie :

Je plains le malheureux qui s'est mis dans la tête
De plaire aux gens d'esprit à force d'être bête.

Les Grâces vous ont dicté ceux où vous dites qu'elles et d'Egmont n'ont pas besoin de fard; et lorsque vous décrivez les soupers charmans des La Fare et des Chaulieu, on jurerait que vous avez été un des convives. Vous avez fixé invariablement les lois de la bonne plaisanterie, en disant :

L'adresse est de choisir le trait qu'on doit lancer;
Qu'il effleure en volant et pique sans blesser.

Je ne suis pas tout-à-fait si content des quatre vers' qui suivent *. Pardon si je vous dis ce que

M. Le Brun changea non-seulement ces quatre vers; mais il enrichit cette épître d'une foule de traits nouveaux, qui en ont fait un de ses meilleurs ouvrages. (Note de M. Palissot.)

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je pense avec cette franchise. Votre pièce est trop agréable pour y laisser des négligences, et je vous aime trop pour vous les dissimuler.

Sur soixante-dix vers, en voilà, comme vous voyez, cinq ou six que je vous condamnerais à remettre sur le métier, et votre Épître serait sans tache. L'épigramme que vous y joignez m'a paru très-plaisante, et je ne saurais trop vous féliciter de la bataille que vous avez perdue, puisqu'elle a donné lieu à une revanche d'éternelle mémoire. Les triomphes des mauvais plaisans ne durent qu'un jour : les vôtres sont pour l'immortalité. Mais, permettez-moi de vous dire que, si vous eussiez voulu, vous n'eussiez pas moins fait votre charmante Épître, et nous aurions eu plus de plaisir chez M. le comte de B***. Je vous avais averti de bonne foi de la trame que je croyais ourdie contre nous deux. Vous étiez du secret, monsieur le fripon; vous saviez (et vous m'en aviez fait un mystère) que le piége n'était tendu que pour moi, et c'est sur vous que ce perfide appareil est retombé : convenez que vous le méritiez bien, Comparez votre conduite à la mienne, mon cher Le Brun, et voyez qui de nous deux s'est le plus respecté. Était-ce donc à nous de servir de jouets à la frivolité d'un Grand, qui se serait cru, de la meilleure foi, du monde, très

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supérieur à nous, par le succès de sa mauvaise plaisanterie ? Si vous aviez eu la même délicatesse que moi, vous auriez vu tous ces persiffleurs bien décontenancés. De sacrificateurs ils seraient devenus victimes; nous aurions ri, et, qui plus est, nous les aurions forcés de rire eux-mêmes, quoique immolés et battus.

Croyez-moi, mon ami, ce n'est qu'en se prê tant un appui mutuel que les gens de lettres peuvent et doivent donner le ton chez les gens du monde. Rien de plus aisé que de nous battre quand on a l'adresse de nous diviser. Ne soyons jamais complices de l'ascendant que prendraient sur nous ces prétendus élégans qui ne doivent qu'à nous de n'être plus des barbares, et qui, sans nous, retomberaient bientôt dans leur barbarie.

Adieu, mon cher Le Brun. Je vous sais beaucoup de gré de l'éloge que vous avez fait de notre aimable Comtesse. Il faut qu'elle règne par le sentiment et par les grâces, et qu'elle aime les vrais gens de lettres, qui non-seulement sont toujours reconnaissans, mais qui sont les seuls que la reconnaissance immortalise. Je crains quelque

fois pour elle la contagion de l'exemple; je crois que ce serait une des plus grandes pertes que pussent faire le bon goût et la belle nature. Je voudrais qu'elle et madame d'Egmont, que vous

II

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