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chantez si bien, voulussent se mettre à la tête du parti que nous pourrions opposer à ces pédans de philosophie dont le règne a trop duré. Je voudrais que la nation leur fût redevable du retour de l'imagination et des grâces, sans lesquelles il n'y a point de salut en littérature. Si cette révolution tarde encore, si le sceptre que la vieille Geoffr.. a eu l'adresse d'usurper dans son bureau d'esprit, ne se change pas bien vite en marotte, enfin si on ne livre pas au ridicule le plus complet tous nos charlatans enorgueillis des suffrages du nord, je crois, mon ami, que c'en est fait de notre gloire, et qu'il ne nous restera plus qu'à pleurer comme Jérémie, et non pas comme Darnaud, sur les ruines de Jérusalem. Je vous embrasse.

PALISSOT.

LETTRE LVIII.

A M. PALISSOT.

Ce 27 septembre 1766.

J'AI fait votre cour, mon cher Palissot, aux deux comtesses, à qui j'ai lu l'endroit de votre lettre qui les regarde, et qui sont on ne peut pas plus sensibles à votre souvenir. Les deux comtes ne sont pas moins enchantés que moi de tous les embellissemens que vous comptez faire à votre poëme. Nous croyons avec vous que rien n'était plus nécessaire qu'un catalogue raisonné qui motivera, soit en bien, soit en mal, ce que vous n'aurez fait que dire rapidement dans vos vers. Vous vous rappelez combien Darnaud fut généralement honni dès que j'eus rassemblé trois petites pages de ses vers, présentés dans leur vrai jour, c'est-à-dire, dans le jour du ridicule; car vous savez que l'épître que j'ai nommée au cul de Manon, avait même des admirateurs. Les vers de ces messieurs, que vous détacherez avec adresse et justice, deviendront proverbes en ridicule, ainsi que

Ce cul divin, ce cul vainqueur,

Il a des autels dans mon cœur.

Le Robbé vous fournira des choses incroya bles; demandez à Castillon son poëme en quatre chants, intitulé mon Odyssée; c'est là qu'il transforme son derrière en mappemonde basanée; c'est là que ses genoux dans leur charnière lui semblaient étre enchilosés ; c'est là qu'il dit encore:

Le bon père a mangé ma porte.

De manière que je me fis répéter trois fois cet admirable vers, croyant en effet que le bon père avait mangé sa porte. Presque tous les vers sont durs, barroques, disloqués, hideusement plats, et offrent des amphibologies pareilles. Vous ne choisirez pas sans doute avec moins d'art des exemples de la prose guindée ou précieuse de ces messieurs. Je me ressouviens d'avoir vu des néologismes impertinens, même dans les prétendus jolis contes de Marus. Que sera-ce des Sedaine, des, etc.? Vous auriez bien dû, mon cher Monsieur, nous envoyer votre morceau sur les poésies estampes, avec les vers sur la Geoffr.. Le comte Turpin m'a chargé de vous dire, avec une franchise un peu gauloise, que vous étiez la plus grande..... devinez, de ne vous pas être imaginé de venir ici passer quelques jours. On m'y retient jusqu'au 12 octobre. Nous avons été dîner plusieurs fois chez M. de Trudaine, qui est notre voisin, et qui méritait, par son caractère vrai,

noble et patriotique, d'être ministre sous Henri IV. On m'y a forcé de lire mon chant du Génie, et plusieurs morceaux du poëme sur la Nature, qui ont eu le plus grand succès, en dépit des petits vers mièvres et délicieux dont on surcharge les sophas jonquilles. Il y avait deux ministres de sa majesté, et j'ai osé lire le morceau sur la Liberté. Je me suis aperçu, mon cher ami, que la nature était encore au fond des cœurs, quelque soin qu'on prenne pour l'étouffer à jamais. Il est dans mes projets et dans mon cœur d'aller passer quelques jours à Argenteuil dans le courant d'octobre.

Je vous embrasse, et suis tout à vous.

LE BRUN.

LETTRE LIX.

AU MÊME.

Juillet 1767.

Je vais après-demain à la campagne pour un mois avec mesdames de Brancas et de Turpin. Je me ferais scrupule, mon cher Palissot, de partir sans vous dire un petit mot d'adieu, et sans vous envoyer par notre Mercure, madame Colas, le Tite-Live de Vigenère que je vous ai promis, 2 volumes in-folio, maroquin rouge, doré sur tranche; et, ce qui vaut mieux que tout cela, d'excellentes annotations d'un savoir profond, sûr et bien digéré, avec des planches qui facilitent aux yeux la connaissance des antiquités romaines. C'est un trésor précieux et nécessaire, où beaucoup de gens puisent sans s'en vanter, et que le docte Dacier estimait infiniment. Vous recevrez en même temps un Quintilien, de la belle édition de Vascosan, et un Virgile, avec les commentaires de Servius, imprimé chez Nivelle. C'est l'édition la plus estimée de ce très-ancien commentateur; car le même Virgile, grand papier, vaut quatre louis; celui-ci n'a coûté que six livres, mais vous

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