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le détail de la petite fête. Cet impromptu avait quelque chose d'amical, de champêtre et de magique, qui devait tout au goût et rien à la magnificence. Des fleurs en faisaient l'ornement; les cœurs en faisaient le prix. Mais il faut convenir que ces fêtes ne réussissent qu'autant qu'elles sont données par des amis, et non par des gens de l'art. Ce qu'on paye refroidit tout, et la magnificence éclipse l'amitié. Je conviendrai avec vous, qu'il est quelquefois difficile de trouver dans sa société un nombre d'acteurs suffisans. Si des amies de madame Brancas eussent représenté les nymphes de Flore dans notre ballet, il aurait eu sans doute plus de grâces et plus d'intérêt qu'avec des figurantes de l'opéra. Je pense absolument comme vous; ce serait perdre de l'argent pour gâter une idée assez agréable. J'ai les mêmes raisons pour croire que notre petit temple de l'Amitié et son allégorie ne réussiraient qu'imparfaitement. D'ailleurs l'emplacement est petit et peu favorable. L'ensemble de cette fête pourrait un jour s'exécuter à Soucarrière, entre amis, à loisir, et avec toute sa grâce; máis je persiste à croire que, pour les fêtes où le cœur est de quelque chose, il ne faut point d'acteurs étrangers : ils rendraient ridicules mille détails qui en font le charme, Un joli feu d'artifice n'aurait aucun de ces inconvéniens. Votre première idée de faire paraître le

buste du maréchal de Lowendal au milieu d'une espèce de gloire, serait à coup sûr ce qui flatterait le plus madame de Brancas. Sur le piédestal serait l'éloge du héros; et cet éloge, pour dire tout en un seul mot, serait son nom. Je donnerais à part la querelle des fleurs à celle qui mérite à bon droit l'immortelle.

Recevez, et offrez-lui mes plus tendres hom

mages.

LE BRUN.

LETTRE LXIII.

DE M. PALISSOT.

A Argenteuil, ce 30 décembre 1768.

Je m'étais flatté, mon cher Le Brun, que vous vous rappelleriez ma retraite, et que vous vous partageriez entre Rome et Tibur; mais vous aimez à observer de près les ridicules que je fronde de loin, et je vois bien que je ne dois plus espérer de vous voir qu'aux premiers beaux jours du printemps. Daignez du moins vous rappeler quelquefois un solitaire qui vous aime, et qui s'occupe de votre gloire; car je ne saurais faire le tableau du siècle du génie et du goût, sans travailler indirectement à votre réputation.

J'ai ajouté quarante articles à ceux que vous connaissez. Je n'ai pas voulu passer sous silence aucun des grands hommes du temps de Louis XIV, ni omettre un seul des grimauds du nôtre. Je crois que vous serez content de ces additions, et j'attends que vous le soyez pour l'être moi-même. J'ai corrigé les articles Quinault, Voltaire et La Motte; mais j'ai eu le plaisir de faire ceux de Bossuet, de Fenelon, de Bayle, de Pascal, de

Fontenelle, et beaucoup d'autres, que je serais bien jaloux de vous montrer.

Il est temps, mon cher ami, que ce code paraisse. Je ne sais si je m'abuse, mais je le crois propre à produire un très-grand effet. Le jeune F*** dit que la Dunciade était la coignée, mais que le Catalogue en est le manche, et je crois qu'il a raison. O mon ami! je ne hais tant les sots, que parce que je vous aime, et je m'en applaudis. Mais vous devenez un hommé bien rare! Il me semble pourtant que nous avons passé quelquefois des momens bien agréables à faire ensemble de la bonne philosophie.

A propos du jeune F***, son existence m'inquiète et me tourmente. C'est un divin enfant. Vous, habitant des villes, ne lui trouverezvous pas quelque ressource honnête et agréable? Si j'allais souvent, comme vous, au château du Coq, j'aurais déjà engagé le comte de Brancas à reléguer je ne sais quel bourdon triste qui l'environne, et à faire, en faveur du jeune F***, quelque belle action, que je serais bien jaloux de faire, si je m'appelais Brancas, et qui serait la plus belle action de sa vie. Je crains que cette gloire ne nous échappe à tous trois. Saisissez, mon ami, une heureuse occasion pour déployer votre éloquence. Souvenez-vous de mademoiselle Corneille; c'est votre combat de Marathon. Parlez

à la charmante Comtesse, qui fait le bien naïve ment, et avec les mêmes grâces que La Fontaine faisait des fables. Faisons, en faveur d'un prodige, quelque chose de mémorable, pour nous mettre encore plus en droit de siffler les philosophes qui érigent de petites choses en merveilles.

Adieu, mon ami; domptez au moins votre paresse, pour m'assurer que vous m'aimez comme je vous aime.

PALISSOT.

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