Obrázky na stránke
PDF
ePub

que vous avez tracé de Fontenelle, et en général vous avez approfondi tout ce que vous ne paraismoins avare sez qu'effleurer. O mon ami! soyez

envers les ermites du Pinde de votre présence et de vos délicieuses productions. Quoi! vous craignez de copier des vers charmans, tandis que D'arnaud s'est fait une loi de copier tous les ans tous ses ouvrages, à l'exemple des Juifs, à qui il était ordonné de copier, je ne sais combien de fois dans leur vie, le texte sacré du Pentateuque. Soyez paresseux pour tout le monde, j'y consens; mais ne le soyez pas pour celui de vos amis qui rend peut-être le plus de justice à votre génie, et qui n'a jamais compris que l'admiration pût donner de la jalousie.

J'ai ri aux larmes de votre tentation par le Diable. Je ne connais rien de si plaisant que cette excellente parodie, qui vaut bien mieux que l'original.

L'épigramme contre le malheureux rival de Pradon est aussi d'un très-bon sel; mais, mon ami, pourquoi depuis long-temps semblez-vous réserver tous vos traits au malheureux Dorfat? Je sais, à n'en pouvoir douter, que vous avez dans La Harpe un détracteur qui mériterait mieux votre colère. Je vous en apprendrai, lorsque j'au-. rai le plaisir de vous voir, des détails qui vou s surprendront.

Je ne suis pas encore certain du temps où j'irai à Paris. J'ai sur le métier un grand ouvrage; je voudrais qu'il fût achevé avant de quitter ma solitude; mais j'ai été traversé par des embarras, et même par quelques chagrins. Si l'on savait tout ce que les hommes ont à vaincre pour acquérir un peu de gloire, loin de leur porter envie, je crois qu'on serait tenté de s'attendrir sur leur sort. Adieu, mon très-cher Le Brun. Je fais travailler à une dernière, et très-dernière copie de la Dunciade, à laquelle je ne veux plus songer de ma vie ; j'en jure par le Styx, qui est le Permesse de D'arnaud. Le poëme et le dictionnaire, considérablement augmentés, paraîtront, n'importe où, l'année prochaine. Vous nous ferez le plus grand plaisir de nous amener l'aimable Comte, que vous formez en le célébrant. Il est bienheureux que son bon destin vous ait attaché à sa personne; mais rendez-le digne de son bonheur. Rappelez-moi au souvenir de sa chère Comtesse, en lui présentant mes hommages respectueux. Madame Fauconnier et nos demoiselles sont très-flattées de ce que vous voulez bien leur dire d'agréable; elles sont surtout enchantées de vos vers. Adieu encore une fois, mon ami; je vous embrasse de tout mon cœur.

PALISSOT.

JE

LETTRE LXX.

DU MÊME.

A Argenteuil, ce 27 décembre 1769.

E ne veux plus, mon cher ami, entendre aucun de vos vers, quelque plaisir qu'ils me fassent; je veux les lire, et que, pour l'honneur du goût, vous les livriez enfin au public. N'avez-vous pas de honte de vous exposer aux larcins de l'abbé Delille, qui vous a dérobé, dit-on, des vers entiers dans sa traduction des Géorgiques? Les éditeurs de Desmahis vous avaient déjà dérobé une pièce charmante. Vous lisez vos ouvrages à tout le monde; on retient vos vers d'autant plus faciment, qu'ils sont très-beaux. J'ai vu le temps où je vous aurais étonné, en vous récitant, sans me tromper, ce que vous m'auriez récité deux fois. Je n'ai plus cette mémoire, et je ne la regrette pas trop. Je n'ai jamais eu pourtant celle de Prothée, dont le vaste souvenir, selon l'abbé Delille,

Embrasse le présent, le passé, l'avenir.

mais je retenais assez bien ce qui en valait la peine. Vous rencontrerez, mon ami, de ces mé

moires dangereuses, qui se feront une réputation à vos dépens, et vous mériterez cette injustice par votre incurie. Je vous condamne donc à vous montrer dans votre gloire, et à me justifier de tout le bien que j'ai dit de vous. Après le rôle du Messie, je n'en connais pas de plus beau que celui de Jean-le-Précurseur. A son exemple, mon ami, j'ai osé vous rendre témoignage, malgré les Pharisiens et les Scribes, et je vous avoue que je ne tire pas moins de vanité de mon estime pour vous, que de mes ouvrages. Je souhaite que l'on dise de moi, qu'ayant mis à blâmer mon étude et ma gloire,

J'ai pourtant de Le Brun parlé comme l'histoire.

J'aime ce sentiment que je trouve dans mon cœur, mon cher ami. Que les Marmontel, les Diderot, et tant d'autres, osent dire actuellement que je suis jaloux, et que je ne sais que médire. J'en appelle aux Montesquieu, aux Buffon, aux Voltaire, aux Crébillon, aux Gresset, aux Piron, à qui j'ai rendu si souvent justice avec tant de plaisir, tandis qu'ils sont tous les jours insultés par ceux qui me calomnient. J'en appelle à tous les jeunes gens qui savent avec quelle tendresse j'ai accueilli ceux d'entre eux à qui j'ai cru voir quelques heureuses dispositions. Je n'ai jamais eu à me reprocher cette bassesse fréronienne, qui s'at

tache surtout à décourager les talens naissans, rivale, en cela, des serpens qui assiégeaient le berceau d'Hercule. Enfin, mon ami, j'en appelle à vous, dont la gloire m'a inspiré tant d'ivresse, avant même que vos talens eussent pour eux le préjugé de la faveur publique. Mais, je vous le répète, il est temps que vous sortiez de votre sommeil. Donnez-nous enfin le recueil de vos ouvrages; et tandis que l'on insulte de tous côtés au bon goût, hâtez-vous de le défendre, et ne souffrez pas que l'on vous dise plus long-temps: Tu dors, Brutus. Non-seulement vous privez le public de vos talens, mais de ceux que votre exemple pourra faire éclore. Que savez-vous, mon ami, l'effet que pourrait produire sur moi-même et sur ma paresse, la publicité de vos ouvrages, et la réputation qu'ils doivent vous faire? Je conçois, dans le beau siècle de Louis XIV, l'émulation générale qui se répandit parmi les gens de lettres. Racine était excité par Corneille, Despréaux par Molière, Fenelon par Bossuet; mais nous, mon ami, quels rivaux avons-nous? Je vous l'avoue, j'ai surtout renoncé à la carrière du théâtre, lorsque je ne me suis vu pour émules que des Saurin, des Beaumarchais, des Sédaine. Hé! quel talent ne se flétrirait pas lorsqu'à la fois les encouragemens et les exemples manquent; lorsqu'on voit des réussites si honteuses, et des réputations usur

« PredošláPokračovať »