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note, qui m'a paru excellente. Vous connaissez Bret, qui est, je crois, un des coopérateurs; je suis presque sûr qu'il s'en chargerait avec plaisir. Il faudrait la leur faire tenir le plutôt possible. Si vous n'aviez aucune relation avec les auteurs de ce journal, je vous prierais de me faire re- mettre incessamment la copie de mon ode avec votre note; je la ferais tout de suite passer dans les mains de Rousseau. Madame Mayol voudrait bien se charger de me la faire remettre à son retour à Paris.

Venons à votre éloge de Voltaire. Je suis enchanté des bonnes nouvelles que vous avez eues. Il me semble que l'ouvrage a été lu avec empressement, et que, si vous êtes content du succès, Bastien doit être content du débit. On convient qu'il est bien écrit; mais je ne vous cacherai pas qu'un seul mot a pensé égarer le jugement du public; c'est le mot fatal d'éloge, que je desirais si fort que vous changeassiez. L'épithète même d'historique ne le rendrait pas plus juste, parce que vous ne vous êtes nullement attaché à l'historique de M. de Voltaire. Beaucoup de gens l'y cherchaient, et ont été étonnés de ne l'y point trouver. Vous avez été bien faiblement servi à cet égard par les amis du grand homme. Votre ouvrage n'est donc réellement qu'un coup-d'œil impartial et rapide sur la Vie et les Ouvrages de

M. de Voltaire, et cela est bien assez pour être très-vif et très-intéressant.

Bossuet aurait beaucoup perdu, au moins pour le moment, s'il eût intitulé son immortel ouvrage, Histoire universelle, au lieu de Discours sur l'Histoire. Le public veut qu'un auteur tienne ce qu'il promet. Il est bien essentiel que vous changiez le titre dans votre édition.

Si vous vouliez garder le titre d'éloge, il ne faudrait pas certainement continuer à dire que c'est à Voltaire, que les vrais connaisseurs assigneront l'époque de la décadence naissante de l'art. Il faudrait passer presque sous silence ses Commentaires sur Corneille, qui ne sauraient ajouter une parcelle à sa gloire; il faudrait donner un bien plus grand développement au Théâtre de M. de Voltaire, faire valoir ce qu'il a eu de neuf dans ce genre, et ce qui l'a tiré de pair, etc. Il faudrait que ce riche tableau fût presqu'en tête de l'ouvrage; de là vous iriez à la Henriade, de là à l'Histoire, de là aux petites pièces et à la surabondance de sa gloire, et dans cette surabondance je ferais paraître ou disparaître en un mot les très-longs et très-inutiles Commentaires sur Corneille. Après cela, vous eussiez pu marquer l'influence qu'il a eue sur l'esprit et les mœurs de son siècle, sur les progrès de l'art de penser, sur la secte philosophique. Vous prendriez son com

merce intime et familier avec les plus grands rois et les plus grands héros de son temps; vous n'oublieriez pas sa belle retraite de la cour de Prusse, qui est le moment le plus courageux et le plus sublime de sa vie. Après cela, toutes ses actions de bienfaisance, dont vous feriez un rapprochement rapide et attendrissant, qui vous mènerait à la peinture de sa mort, qui n'a été ni faible ni insolente.

Voilà, je crois, mon cher Palissot, ce que demanderait le titre d'éloge, et ce dont vous pouvez parfaitement vous dispenser en rayant le mot. Votre ouvrage m'a fait plaisir tel qu'il est, parce qu'il n'a ni style gourmé, ni prétention à l'emphase oratoire, ni marche glaciale et didactique. Tout ceci soit dit entre nous.

LE BRUN.

JE

gue

LETTRE LX X V.

DE M. PALISSOT.

Argenteuil, près Paris, ce 15 octobre 1778.

E vous remercie, mon cher ami, de votre lonlettre et de vos bons avis. J'en ferais une aussi longue au moins,' si j'en avais le temps, pour vous engager à faire encore quelques sacrifices dans votre Ode. La voix publique la trouve sublime, mais trop longue, beaucoup trop longue, et c'est un sentiment si général, que je vous avoue que j'en suis ébranlé. Songez, mon ami, que la vraie richesse est de savoir sacrifier. Je regretterai, plus que vous, ce que je vous propose de retrancher; mais je crois que l'ouvrage y gagnerait infiniment plus que vous ne le croirez d'abord. J'en ai fait l'épreuve en lisant votre Ode tout haut à diverses reprises et à différentes personnes toutes ont été de mon avis; madame Mayol, entre autres, à qui vous pouvez le demander, et qui vous dira que je ne suis occupé que de votre gloire. Je réduirais l'Ode à vingt-trois strophes; je retrancherais la dixième, la onzième et la douzième; ensuite celles que vous avez déjà

supprimées, c'est-à-dire, la dix-huitième, la dixneuvième, la vingtième et la vingt-unième. Je retrancherais encore la vingt-quatrième, qui ne finit pas heureusemeut, et dans laquelle il y a un vers qui paraît un peu travaillé pour la rime:

Vit par mes soins heureux son destin secondé.

Dans la même strophe, personne n'aime, quand je mettais en pleurs; enfin je supprimerais encore la trentième, qui ne renchérit point assez sur la précédente, et qui, quoi que vous en puissiez penser, est moins heureusement faite. Dieu me garde des discussions, et surtout des longues discussions avec un ami que je ne veux pas ennuyer; mais je vous assure que si l'Ode était de moi, je ne balancerais pas un moment à la donner comme je vous le propose.

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Au reste, comme je fais faire exprès un carton dans mon septième volume, uniquement en faveur de votre pièce, et qu'on attend de moi un nouveau manuscrit pour y travailler, consultezvous, et répondez-moi, à lettre vue, ce que vous desirez que je fasse. Je m'en tiendrai, si vous le voulez, aux seuls changemens que vous avez faits chez moi; mais faites vos dernières réflexions, et songez bien que je ne saurais être animé d'un autre intérêt que du vôtre. Méfiez-vous de l'esprit de discussion avec lequel nous ne finirions.

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