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pas, et dites – moi seulement un oui, ou un non; mais né perdez pas un moment, je vous en prie.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

PALISSOT.

J'ai enfin reçu de madame Necker une lettre très-honnête et très-aimable; mais je suis trop paresseux pour la transcrire. Vous la verrez.

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J'AI

LETTRE LXXVI.

A M. LE COMTE DE B***,

Sur la Mélanie de La Harpe.

AI donc lu cette Religieuse, et, grâce à Dieu, je ne la relirai plus. Je ris de ce qu'en eussent pensé Despréaux et Racine; aussi n'était-ce point là des ministres. Voilà M. de Ch*** ruiné, s'il s'engage à payer tous les chefs-d'œuvre en ce genre, car on en va faire à la douzaine; et Darnaud, à lui seul, lui coûtera au moins dix mille écus. Eh! mon cher Monsieur, le bon goût est perdu, si toutes ces lugubres parades passent enfin pour des merveilles. Savez-vous ce qui a séduit, enchanté, affolé le vulgaire des Grands et des beaux-esprits? un curé dramatique, un curé honnéte homme. Ce personnage, m'a-t-on dit, est neuf et sublime; et l'on n'a rien de cette invention, de cette vérité, de cette énergie, ni dans Corneille, ni dans Racine, ni dans Crébillon, ni même dans Voltaire : je pense que vous en conviendrez vous-même aisément quand vous l'aurez lu. Toutefois, nos juges du bon ton ne sont pas

bien mémoratifs; un curé n'est pas si neuf sur la scène et vous pouvez vous ramentevoir qu'il y en a un dans l'admirable Coligni de M. Baculard, et que ce curé dit bien tout autant de sottises qu'un autre; mais, pour en revenir au successeur de La Chaussée, vous trouverez dans son ouvrage un sujet et un style bourgeois; des personnages tout d'une venue; un père qui, pendant trois actes, dit toujours, je le veux, et je l'ordonne; je l'ordonne, et je le veux; une pauvre moutonne de mère qui ne fait que larmoyer, sans caractère, sans énergie, sans transports maternels, et qui sè garde bien de dire comme Clitemnestre, non, tu ne mourras pas; un pauvre amant qui ne produit aucun incident, aucun accroissement d'intérêt; enfin une Mélanie qui n'a que la forcé de s'empoisonner, et qui n'a pas celle de dire non', au lieu de oui, car toute la pièce tient à cela. Au caractère stupidement barbare de Faublas le père, on voit le dénoûment dès la première scène ; l'action ne gagne pas un pouce de terrein dans tout l'espace des trois actes; chacun vient à son tour faire un beau sermon à ce cœur de père qui n'en est pas un, et tout échoue contre le rocher. Ces suspensions tragiques, ces incertitudes si heureuses qui, tour à tour, font tout craindre et tout espérer, ces révolutions qui changent la face de la scène, ce flux et reflux de la

roc,

à ce

terreur et de la peur, rien de cela ne se trouve dans le moderne chef-d'oeuvre; point de préparation, point de noeud, point de dénoûment, nul tissu, une enfilade d'héroïdes, du pathétique par placard, un style sec, maigre, décharné; une poésie triviale; quelques beaux vers par-ci par-là. Surtout gardez-vous bien, mon cher Monsieur, de vous rappeler l'Iphigénie de Racine, en lisant la Mélanie de La Harpe : ce serait en faire la critique la plus sanglante.

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J'oubliais de vous dire qu'il croît du poison dans la poche de la désespérée Mélanie; car elle aurait eu de la peine à en trouver dans un couvent de filles, où on ne s'empoisonne guère que d'ennui. Nos tragiques messieurs s'accoutument depuis quelque temps à faire mourir leurs per sonnages d'un excès de douleur, cela débarrasse du poison et des poignards. M. de La Harpe qui les admire, aurait dû profiter de cette sublime invention. Il est vrai qu'il y a un petit inconvé nient dans ces prétendues morts à la mode, c'est que le spectateur est en droit de douter qu'elles soient réelles: ce pourrait n'être qu'un simple éva nouissement; et dans ce cas la tragédie n'est point achevée, ce qui devient fort embarrassant à la fin d'un cinquième acte. Mauvaise difficulté; j'oubliais qu'on baisse la toile.

LE BRUN.

LETTRE LXXVII.

DE M. THOMAS.

A Paris, 25 février 1778.

J'AI 'AI relu avec un nouveau plaisir, Monsieur, ces vers à M. de Voltaire, que vous m'avez fait l'honneur de m'envoyer. Vous lui parlez son langage, celui de l'imagination, de l'harmonie et du sentiment. Il n'a pas toujours été aussi heureux; et quelquefois en le louant on l'aurait dégoûté de sa gloire, si c'eût été possible. Pour vous, Monsieur, vous devez la lui rendre plus chère; vous êtes comme ces peintres qui savent encore embellir ce que l'on aime. Votre Ode à M. de Buffon a dû produire le même effet sur lui; ce philosophe-poète a dû y retrouver son pinceau. De tous les genres de poésie, c'est l'ode sûrement qui a le plus droit de lui plaire, parce qu'elle a plus de rapport avec l'élévation de ses idées, et la hauteur de son style. Vous avez conservé, Monsieur, ou rendu à ce genre toute sa dignité. Dans notre langue, si raisonnable, nous avons beaucoup de stances et bien peu d'odes. Celle-ci a véritablement une marche antique; et l'idée qui la ter

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