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leures pièces comiques, et celles dont le sujet était le plus heureux et le plus piquant. J'ose dire même que vous seul étiez capable de les faire et de les achever dans le véritable génie d'Aristophane. Voilà ce qui vous placerait juste après Molière et avant Regnard; et je vous jure que, vos deux pièces une fois dans l'état où il vous est si facile de les mettre, leur excellence forcera de les jouer, et que personne ne vous délogera du rang que je vous donne. Sur cela, mon cher ami, je prie Apollon de vous tenir en sa sainte et digne garde.

Tous mes hommages à madame Palissot. Gardez-vous de montrer ma lettre à Bastien ou à l'abbé Fabre, car ces gens de goût la prendraient pour une infâme satire. J'espère que vous ne la prendrez pas au moins pour une discussion.

Adieu encore une fois.

LE BRUN.

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LETTRE LX X X.

DE M. PALISSOT.

Argenteuil, près Paris, ce 11 novembre 1778.

TRANQUILLISEZ-VOUS, mon cher Le Brun, on fera les changemens que vous desirez, quoique vous me paraissiez vous engouer un peu légèrement d'une caillette. J'avais vu plus impunément que vous cette femme bel-esprit au Marais, chez madame Prévôt; je l'avais, dis-je, assez vue, pour être bien sûr qu'elle n'avait pas même le mérite d'avoir fait ses petits vers. Mais, encore une fois, on fera les changemens que vous demandez.

Je vous remercie de la place honorable que vous voulez bien m'assigner parmi les poètes comiques, même avec la restriction que vous y mettez. Je souhaite que là postérité me la confirme; mais

je n'irai pas retoucher, à cinquante ans, des ou

vrages que j'ai faits à trente, et dont je ne suis pas mécontent. Pour me remettre au ton où j'étais lorsque je fis la comédie des Philosophes, il faudrait qu'on me rendît les mêmes passions, que madame la princesse de Robecq, que j'avais voulu venger, vécût encore; enfin que je fusse, en 1780,

le même homme que j'étais en 1760. Mais je vous jure, mon ami, que j'en suis très-loin, et que je commence à sentir, pour ces pauvres philosophes, plus de compassion que de haine. Ils ont bien assez de tous les valets du clergé à leurs trousses. A l'égard des catins, je me sens pour elles un peu plus d'indulgence que pour les philosophes. Il en est quelques-unes qui m'ont fait passer quelquefois d'assez agréables momens, et l'on ne sait de quoi l'on peut avoir besoin un jour; ainsi je me contenterai de les avoir égratignées en trois actes. Je ne suis pas d'ailleurs aussi persuadé que vous, qu'il n'y ait que les cinq actes qui mènent à la gloire. Molière a fait des chefsd'œuvre en trois actes ; il est vrai qu'il est le seul, exactement le seul, qui ait su en faire en cinq; mais je n'ai jamais eu la présomption de m'égaler à lui un moment ainsi trouvez bon que je me réduise à ma petite mesure. Qui sait si l'on ne me trouvera pas mieux pris dans ma petite taille, que si j'avais voulu chausser un brodequin plus élevé. Je n'ai guère vu de pièce en cinq actes, à l'exception des chefs-d'oeuvre de Molière, qui n'eût gagné beaucoup à être réduite. Regnard, Destouches et quelques autres, atteignaient à cette mesure, mais avec des personnages postiches, des longueurs, du froid, et souvent de l'ennui.

Quant aux Éloges, je conviens que ceux de

Thomas sont très-ennuyeux, et que l'académie, en réservant tous ses prix pour ce genre d'ouvrages, les a beaucoup trop multipliés; mais l'abus ne me fait pas condamner le genre, et je n'en trouve pas moins les Éloges de Fontenelle charmans. Gardez votre opinion, mon ami, mais laissez-moi la mienne, et n'attachons jamais trop d'importance à des mots. Vous connaissez sûrement la juste valeur des termes; mais j'ai bien assez vécu pour croire avoir aussi ce futile mérite; et toutes les fois que deux gens d'esprit ne sont pas d'accord sur de pareilles questions, c'est qu'elles ne méritaient pas la peine d'être agitées. Je vous avais conseillé, uniquement par intérêt

et

par amitié, de retrancher encore quelques strophes de votre Ode en faveur de mademoiselle Corneille; vous avez jugé que je m'étais trompé; j'ai cru que vous aviez raison, et je ne vous en reparlerai de ma vie je respecte les droits de l'amitié; mais

Est modus in rebus, sunt certi denique fines, etc.

Adieu, mon cher Le Brun. Je ne saurais haïr le mot d'éloge, après avoir fait tant de fois le vôtre. Je vous embrasse de tout mon cœur.

PALISSOT.

LETTRE LXXXI.

A MADAME

1779

Je vous renvoye, très-aimable amie, la feuille

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de Fréron, et le petit almanach. Pour le journal de Paris, vous avez entièrement raison, on pouvait faire beaucoup moins et beaucoup mieux. L'extrait est mal écrit, fait à la diable. Il s'est presque également trompé sur les éloges et sur les critiques. La première strophe qu'il lui a plu de trouver didactique, c'est-à-dire, dans son idée, trop compassée, a été trouvée, au contraire, la plus hardie et la plus imposante de l'ouvrage. Cet astre, roi du jour, au brúlant diademe, opposé à l'astre du Génie, est la plus grande idée qui soit dans l'Ode entière, et celle qui est exprimée de la manière la plus neuve. Madame Necker et monsieur de Buffon, ainsi que M. Thomas, en étaient enthousiasmés. Pour les Nymphes de Seine, au lieu de la Seine; c'est faute d'avoir lu Boileau que le pauvre critique est tombé dans l'erreur. Il aurait vu que ce grand homme, dans une lettre à Brossette, fait une règle de goût et de poésie de dire rivage de Seine, au lieu de rivage de la Seine,

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