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ce prétendu titre, Ode sur les environs de Paris. (Ce n'en est ni le véritable intitulé ni le nombre des strophes. Il en manque plusieurs; ce qui, joint à d'autres incorrections, défigure absolument la pièce.) Le rédacteur de ce recueil, d'ailleurs estimable, a été abusé par la copie la plus infidèle. Une seule strophe en fournit deux exemples frappans. En parlant de Marly et du charme d'une belle nuit dans ces jardins délicieux, je disais :

Vénus n'est plus dans Amathonte,
Vénus habite ces jardins :
L'Olympe céderait sans honte
Au charme de ces lieux divins.
Là, quand la paisible Diane,
Promenant son char diaphane,
De ses feux argente les airs,
Des Nymphes la troupe folâtre

Danse, et foule d'un pied d'albâtre
L'émeraude des tapis verds.

Mais, au lieu de promenant, on a écrit ramenant, ce qui forme un sens assez mauvais; et, ce qu'il y a de plus ridicule, c'est qu'au lieu de la troupe folâtre, on s'est avisé de mettre, la foule folâtre, ce qui produit ces deux beaux vers, précieux par leur cacophonie :

Des Nymphes la foule folâtre

Danse et foule d'un pied d'albâtre, etc.

Je vous laisse à juger, Messieurs, d'après ces six vers ainsi mutilés, combien les autres sont imprimés correctement. Aussi je ne désespère pas que quelques grands critiques, aussi bénévoles que judicieux, ne tirent bon parti de ces bévues typographiques. Elles m'en rappellent une bien singulière qui s'est glissée dans plusieurs éditions de Boileau. Au lieu de ce vers de l'Art poétique:

Mène Achille sanglant aux bords du Simoïs,

on a imprimé celui-ci :

Mène Achille tremblant aux bords du Simoïs.

Je ne sais si Boileau eût été bien flatté de ce petit contre-sens; mais je crois que Pradon s'en fût bien réjoui!

J'ai l'honneur d'être, avec la plus parfaite estime,

Messieurs,

Votre très-humble et très-obéissant

serviteur,

LE BRUN.

LETTRE LXXXVII.

DE M. PALISSOT.

A Argenteuil, près Paris, ce 18 mai 1786.

Il y a bien long-temps, bien long-temps, mon

cher Le Brun, que je n'ai joui du plaisir de vous voir et de vous entendre. J'espère que cette année vous ne négligerez pas l'ermitage d'Argenteuil, et que vous viendrez du moins y faire une petite station. Vous ne sauriez faire un plus grand plaisir à vos amis, qui ne vous trouvent d'autre tort que celui d'être beaucoup trop rare.

Donnez-moi des nouvelles de vos succès, je ne vous parle pas, mon ami, de vos succès de gloire; vous êtes si familiarisé avec eux! je vous parle de vos succès de fortune: car je vous souhaite autant de bonheur que vous méritez d'admiration. Vous voyez que j'ai l'espérance de vous voir très-riche, et vous le deviendriez infaillible. ment, si vous vouliez profiter de vos avantages. Il me semble que dans un siècle aussi dégradé que le nôtre, mais qui pourtant conserve encore quelque sentiment de l'ancienne gloire nationale, ce

doit être une bien magnifique recommandation que celle du génie.

Vous savez que nous sommes très contrariés, dans nos projets de bienfaisance pour le pauvre Sivri, par madame Vestris. Je ne m'étonne pas que cette femme qui n'a pas un vrai talent n'ait aucune noblesse; mais je n'en suis pas moins affligé. Je viens d'écrire à Larive pour lui témoigner, et ma reconnaissance, et le desir que j'aurais de voir réussir notre projet malgré le malin vouloir de la dame Vestris. Nous serons certainement beaucoup plus heureux avec mademoiselle Sainval: mais, mon ami, son absence ne sera-telle pas encore bien longue? L'idée m'était venue d'engager mademoiselle Joly à nous tirer d'embarras en se chargeant du rôle de Briséis. Je crois qu'elle le jouerait très-bien. Le public d'ailleurs serait instruit qu'elle n'a consenti à le jouer que pour ne pas faire manquer un acte de bienfaisance; et rien ne serait, ce me semble, ni plus honorable pour elle, ni plus fait pour lui concilier tous les suffrages. Voyez, mon ami, ce que Larive pense de cet expédient dont je lui ai fait part. S'il en est besoin, joignez-vous à lui pour déterminer mademoiselle Joly, qui me paraît balancer beaucoup plus que je ne le voudrais pour sa gloire. Elle ne sent pas assez qu'en se prêtant à une circonstance unique, elle ne prend aucun

engagement pour l'avenir; elle a, en un mot, besoin d'être excitée et rassurée. Le pis-aller, mon cher Le Brun, ce sera d'attendre en effet le retour de mademoiselle Sainval. Je sens toute la faveur, tout l'avantage de ce pis-aller, et je ne lui donne ce nom que parce que j'aurais voulu procurer un secours plus prochain au malheureux enfant à qui nous nous intéressons. Encore une fois, voyez Larive, mon ami. Servez-vous de la contrariété même que nous éprouvons de la part de madame Vestris, pour échauffer son zèle. Je sais qu'il a été trèssensible à cette contrariété; je sais qu'il a de l'élévation dans l'âme, et voilà les gens avec qui il est doux de traiter.

Adieu, mon cher Le Brun. Je vous aime et vous embrasse de tout mon cœur.

PALISSOT.

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