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LETTRE LXXXVIII.

DE M. DE CALONNE,

CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES FINANCES.

ΑΙ

1786.

J'AI instruit le roi, Monsieur, de votre situation, de vos malheurs, et du courage avec lequel vous les supportez. Il connaît votre sublime talent, et les motifs qui vous ont empêché jusqu'à présent d'en publier les productions, faites pour honorer son règne et la France. Sa majesté voulant réparer vos pertes et encourager vos travaux, vient de vous accorder une pension de deux mille livres, sans aucune retenue. J'ai grand plaisir à vous l'apprendre, et à vous renouveler en cette occasion les témoignages des sentimens d'estime et d'attachement que vous a voués,

Monsieur,

Votre très-affectionné serviteur,

DE CALONNE.

LETTRE LXXXIX.

DE M. DE CALONNE AU POÈTE LE BRUN,

Au sujet de l'Assemblée des Notables.

AU POÈTE VERTUEUX QUE J'ADMIRE ET QUE J'AIME.

Ass

ASSEZ d'autres ont chanté les sanglans exploits des vainqueurs de la terre......

Le Brun, tu dois chanter les utiles vertus d'un Roi bienfaisant; c'est aux pères des peuples, et non à des conquérans destructeurs, que tu dois consacrer ta lyre héroïque.............. Trop long-temps les lauriers ont été usurpés par les fléaux de l'humanité; ils sont dus au paisible législateur qui rend heureux ceux qu'une destinée propice a soumis à son empire.

Divin patriotisme, tu seras la Muse de mon Pindare, tu échaufferas son génie, tu lui inspireras tes sublimes accords..... Jamais tu n'eus un moment plus favorable pour enflâmer tous les esprits, pour saisir tous les cœurs..... Si tu fuis les malheureuses contrées que l'esclavage op

de

prime, si tu languis dans celles même qu'une autorité plus tempérée gouverne, mais gouverne seule, si tu ne peux exister là où il n'existe pas Nation, de quoi ne seras-tu pas capable, et quels étonnans effets ne dois-tu pas produire, lorsque Louis s'élève au-dessus des vaines terreurs qui, depuis un siècle et demi, avaient rompu l'antique rapport des Français avec leur Souverain, lorsqu'il rapproche ses peuples de son trône, qu'il prend leurs conseils, qu'il veut dicter ses lois au milieu d'eux, qu'il leur dit : Vous ne serez plus comptés pour rien.

Au premier âge de la monarchie, quand un peuple de soldats rassemblé dans le champ consacré au dieu de la Guerre, élevait sur un bouclier le chef qu'il avait librement choisi, la confiance réciproque, la réunion des intérêts étaient les garans de la félicité publique......

L'autorité souveraine n'était que l'organe du vœu unanime, la soumission n'était que le concours au bonheur commun................

Que tu parais grand, que j'aime à te contempler, majestueux Charlemagne, lorsqu'au champ de Mars, environné de ton clergé, de tes barons, d'un peuple entier qui chérissait ton empire, tu rédigeais ces sages capitulaires qui furent le ber ceau de nos lois!.....

Mais que tes institutions dégénérèrent promp

tement! A peine ton empire fut-il divisé, qu'une férocité guerrière arma les uns contre les autres les souverains qui le partagèrent. Une foule de petits tyrans naquit au sein de l'anarchie; les vassaux furent écrasés; les peuples éprouvèrent tous les maux de l'esclavage, sans avoir même les tristes avantages de son inertie.

Oublions ces temps désastreux...... L'excès du désordre produisit le remède, et les États-généraux reproduisirent la Nation...........

Je vois paraître des assemblées d'un autre genre, formées par un choix plus éclairé, composées de membres plus concordans et tendant au même but, sans entraîner les mêmes inconvéniens; je vois le Souverain appeler auprès de lui, dans les cas de grandes et importantes délibérations, des personnes notables, prises parmi les plus qualifiées et les plus éclairées des différens Ordres de son royaume; je vois ces Conseils renforcés faire éclore les plus utiles résolutions, entretenir la communication du monarque avec ses peuples, l'union du prince avec son état, et présenter encore les émanations de l'autorité comme l'expression du vœu national......

Faut-il que le règne d'un monarque déifié de son vivant, et à qui la postérité conserve le surnom de Grand, ait interrompu cette suite de monumens patriotiques, qu'il en ait fait perdre

jusqu'à l'image et presque effacé jusqu'au souve nir? Fatale ambition! soif ardente de la célébrité, vous enfantez nécessairement le despotisme. On croit ne pouvoir faire de grandes choses qu'avec une autorité absolue..... Ignore-t-on que l'amour des Français pour leurs souverains est le nerf de leur puissance, et le plus énergique de leurs moyens? O mon roi! ô vertueux monarque! il t'était donc réservé de faire revivre l'amour de la patrie dans des cœurs déjà pleins de l'amour de leur souverain! C'est à toi qu'il appartient de rendre à la nation son existence, et de l'identifier plus que jamais avec toi-même......

Tu feras voir à l'Europe étonnée ce que peut un gouvernement paternel, quand il est mis en valeur dans une nation sensible, et que son ressort se réunit à celui de l'honneur.............. Quels cœurs ne s'ouvriraient pas à la plus tendre émotion, quelles volontés ne seraient pas entraînées par le zèle le plus enflâmé, lorsqu'on voit luire l'aurore de la plus heureuse révolution; lorsqu'un roi, uniquement occupé du bien de ses sujets, 'les assemble autour de lui pour leur communiquer ce qu'il a projeté pour leur bonheur ! Et l'on pourrait douter des effets d'une pareille convocation! et l'on pourrait craindre qu'aucune opposition, aucun effort de l'intérêt particulier en fissent perdre jamais le fruit!.....

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